Bonne Table / Le Cerf

Le cygne, le paon, l'âne, la louve, le pigeon, le renard et bien évidemment le cerf: avez-vous noté à quel point les maisons de la Grand-Place de Bruxelles évoquent un bestiaire! Le Cerf (et jadis le «cerf-volant, den vliegenden hert») est cette élégante maison de coin, sur l'axe nord-est de la place.

Guy Lemaire

Elle rappelle les constructions en bois qui existaient avant le bombardement du triste Maréchal de Villeroy, en 1695. Elle a su, au gré des restaurations successives, conserver sa part d'âme qui touche autant les autochtones que les touristes de passage. La vocation du lieu est plus que cinquantenaire. Le Cerf s'est longtemps borné à être un des bars les plus élégants et les mieux fréquentés de la capitale. Avec une petite carte ravigotante pour calmer les faims nocturnes. Aujourd'hui, c'est un des personnages les plus authentiques du vieux Bruxelles qui y règne seul: Jef De Gelas, mieux connu encore comme «Jef Stoemp» pour avoir rendu ses lettres de noblesse régionale à ce plat de chez nous, la potée bruxelloise. A la Grand-Place, Jef est chez lui partout: La Roue d'Or, t Kelderke, le Cerf et même le Carré d'As, bistrot gourmand de la rue des Chapeliers.

Le Cerf a belle allure. Un rez-de-chaussée digne des cafés bruns d'Amsterdam. Un grand comptoir chargé, quelques tables, un mobilier ancien, des tableaux et une devise «Dieu en soit garde». Un escalier qui craque conduit au restaurant proprement dit qui dessine un «L» et procure une vue de coin exceptionnelle sur la Grand-Place et l'hôtel de ville.

Tapisseries, tableau de kermesse, retable, lustres, sièges espagnols drapés de velours, banquettes confortables: il fait bon s'attabler autour d'une carte simple, roborative, appétissante, bien maîtrisée et qui a le bon goût de ne pas vous faire payer deux fois le décor... Et il est bon de savoir que le Cerf ouvre ses cuisines à déjeuner (et évidemment au dîner), ce qui n'était jadis le cas que le mercredi, jour de Bourse. Autres temps...

On peut bien sûr manger «comme avant» : croquettes aux crevettes grises, moules ou américain. On peut aussi aller «sur un plus grand» : le homard se prête à trois préparations et les poissons écrivent un beau et frais chapitre (sole, cabillaud, turbotin, waterzooi). A côté de cela, une formule lunch à midi et des suggestions du mois. Comme une poêlée de noix de Saint-Jacques (750 F) : belle cuisson, sauce légère et salée par un cuisinier amoureux, qui se terminera par un bout de pain frais que les gourmands auront préalablement goûté sur une noix de beurre d'Isigny. Le carré d'agneau (695 F) est rosé, croquant, abondant, avec un gratin dauphinois qui n'est pas asséché et une belle botte de haricots verts. On peut goûter le vin au verre, en demi-bouteille ou en sélection d'un demi-litre comme un honnête Patache d'Aux 97 (850 F). Les amateurs scrupuleux se réjouiront de lire une très correcte sélection des grandes régions de France, avec quelques intéressants Bordeaux rouges et Bourgognes blancs.

Service attentif, clientèle qui a belle allure et au sein de laquelle il n'est pas rare de reconnaître l'une ou l'autre personnalité. Par-dessus tout, beaucoup de sérieux, un savoir faire réellement professionnel et le respect du client. Bref, le style «Jef». C'est déjà beaucoup pour un quartier où les pièges à touristes sont plus nombreux que les honnêtes enseignes.

© La Libre Belgique 2000


Le Cerf: 20 Grand-Place, 1000 Bruxelles. Tél.: 02.511.47.91. Ouvert midi et soir en semaine (et la vocation «bar» subsiste), fermé le samedi et le dimanche. A la carte: Salade de chicons au saumon fumé (495 F) - Gourmandise de homard aux morilles et pâtes fraîches (795 F ) - Desserts (195 à 325 F) - Vins: Côtes de Beaune Villages Chartron & Trébuchet 97 (1.250 F) - Ch Le Pape, Pessac-Léognan 96 (1.395 F).

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...