"Personne n’a les mêmes papilles "

Nathalie Rigal est maître de conférence en psychologie de l’enfant à l’université de Paris-X-Nanterre. Elle a publié La Naissance du goût (Agnès Viénot éditions).

J.D.

Nathalie Rigal est maître de conférence en psychologie de l’enfant à l’université de Paris-X-Nanterre. Elle a publié La Naissance du goût (Agnès Viénot éditions).

Le salé et le sucré sont-ils innés pour l'homme ?

Le fœtus a une préférence pour le sucré. Dès le deuxième trimestre de la grossesse, ses papilles gustatives sont fonctionnelles. Si on rajoute du saccharose dans le liquide amniotique, il ingère davantage ce liquide, et plus il est sucré, plus le fœtus en absorbe.

Pourquoi une telle préférence ?

Il faut savoir que la saveur sucrée est la seule qui s’accompagne de valeurs nutritives. Elle a une densité calorique. Parmi les quatre saveurs - le sucré, le salé, l’amer et l’acide -, seul le sucré calme la faim. Or la première fonction de l’acte alimentaire, c’est de nourrir, et le bébé va chercher des saveurs qui vont calmer sa faim.

Comment le bébé perçoit-il les autres saveurs ?

Pour le savoir, on a étudié ses mimiques, son rythme cardiaque en lui présentant différentes solutions salées, sucrées, acides et amères avec des concentrations variables. Le bébé sourit face au sucré, il fronce les sourcils, crache face à l’acidité et l’amertume. Pour le salé, cela dépend de la concentration de la solution présentée. A faible dose, le nourrisson est indifférent mais il peut exprimer un rejet à plus forte dose.

A-t-on tous la même sensibilité ?

Non, on a tous des sensibilités très différentes aux saveurs. Moins on est sensible au goût du sucre, plus on a besoin d’en rajouter pour le percevoir. Il faut savoir aussi que plus on est sensible au sucré, plus on est sensible à l’amertume mais, en revanche, il n’y a pas de lien entre les sensibilités au sucré et au salé.

Pourquoi de telles différences ?

C’est génétique. De la même façon que nos parents nous transmettent leur couleur d’yeux et de cheveux, ils déterminent notre degré de sensibilité sensorielle. Il n’y a pas deux mangeurs qui ont les mêmes papilles. Les vôtres n’apportent pas les informations au cerveau de la même manière que les miennes. Vous seriez surpris si je pouvais vous prêter ma langue.

Pourquoi accepte-t-on, à l'âge adulte, les saveurs que l'on rejetait quand on était nourrisson ?

Si je ne mets pas de sucre dans mon café, ce n’est pas seulement pour conserver ma ligne, mais aussi parce que je suis peu sensible à l’amertume et que j’ai appris à boire le café ainsi. La façon dont on apprécie les saveurs est un mélange de sensibilité et d’apprentissage. Les Japonais, qui mangent très peu sucré, goûtent peu nos pâtisseries tout comme nous autres ne raffolons pas forcément des pâtisseries très sucrées d’Afrique du Nord.

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