A Gand, le jeudi, c’est végétarien
C’est une révolution tranquille qui a démarré officiellement au mois de mai dernier : dorénavant, le jeudi, les Gantois s’essaient à manger végétarien.PDF: le dossier "Consommation de viande: un lourd tribut environnemental"Réagissez sur notre forum
Publié le 16-07-2009 à 00h00
C’est une révolution tranquille qui a démarré officiellement au mois de mai dernier : dorénavant, le jeudi, les Gantois s’essaient à manger végétarien. Aucune obligation d’aucune sorte bien entendu - il n’y aurait pas de base légale pour cela - mais le jeudi, 80 restaurants proposent au moins un plat végétarien au menu, la cantine de la municipalité fait de même et, dès la rentrée, dans toutes les écoles communales, le menu du jeudi sera végétarien - sauf demande expresse des parents.
De plus, un plan de la ville avec les restaurants participants a été distribué à 90 000 exemplaires, une brochure vantant les mérites du seitan et autres topinambours aux restaurateurs, recettes et illustrations à l’appui, également.
A la base du projet, la rencontre entre Tom Balthazar, échevin SP. A de la ville de Gand, et Tobias Leenaert, végétarien, coordinateur et fondateur de l’ASBL Eva (pour Ethisch Vegetarisch Alternatief). Les deux hommes se sont croisés à une conférence de Rajendra Pachauri (le président du Giec) alors qu’Eva militait déjà pour l’idée d’un jour sans viande.
Tom Balthazar a un frère connu et notoirement végétarien (le réalisateur Nic Balthazar), mais a aussi les compétences de l’Environnement et des Affaires sociales à la Ville de Gand, et Tobias Leenaert s’est donc dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Eva a été fondée en 2000 et s’est rapidement imposée comme l’une des associations de végétariens les plus actives en Europe. Elle est subventionnée depuis 2005. Active en Flandre et à Bruxelles, elle ne l’est pas, ou pas encore, en Wallonie.
Deux mois après son début officiel, l’initiative a un impact qui dépasse toutes les espérances. La journée inaugurale a eu les honneurs du "Guardian". Et d’autres journalistes - italiens, espagnols tchèques - et puis encore "Time Magazine", CNN, la télé japonaise ont pris la route de Gand. "Je savais que c’était une première, mais je ne m’attendais pas un tel impact international", commente Tobias Leenaert. "Sur les forums végétariens, beaucoup disent : oh, il faut absolument qu’on aille là-bas."
Les réactions affluent aussi à l’Hôtel de Ville. Gênes et Norwich sont intéressées. En Flandre, Hasselt va emboîter le pas. Et l’échevin a même reçu un appel d’un fonctionnaire municipal de São Paulo au Brésil.
"Mais pour l’instant, ce qui nous intéresse c’est avant tout de convaincre les autres partenaires de notre ville : les écoles d’autres réseaux, l’Université, les hôpitaux, les restaurants", commente Tom Balthazar. Les choses ne seraient-elles pas plus faciles avec un appui de la Région ou du Fédéral ? "Pas nécessairement. Tant que c’est fait à l’échelle d’une ville, les gens gardent le sentiment qu’ils sont quand même libres de manger ce qu’ils veulent. La perception serait peut-être différente si tout cela venait de Bruxelles". L’annonce du menu du jeudi dans les écoles a suscité quelques réactions de mauvaise humeur. Pour le reste, les réactions sont très largement positives. Apparemment, ce type de militantisme doux - outre qu’il cadre tout à fait dans le propos - paie : on est vraiment très loin ici des actions du type Animal Liberation Front. Le cheminement personnel de Tobias Leenaert par rapport à tout cela y est peut-être pour quelque chose : "Jusqu’à mes 21 ans, j’étais moi-même un gros consommateur de viande, même si je trouvais qu’il n’y avait pas de justification à tuer pour manger. J’ai alors lu un livre qui m’a fait franchir le pas. Mais cela m’a encore pris des années pour me passer complètement de viande." Les réactions positives semblent indiquer que l’approche gantoise est la bonne. "Les gens trouvent que c’est à la fois ludique, accessible et très stimulant".
L’autre aspect qui frappe est que l’argument numéro un des végétariens n’est plus la cruauté envers les animaux mais bien l’impact sur la planète. Tobias Leenaert, encore : "Ce ne sera pas éternellement une question de préférences. Si rien ne change d’ici là, on prévoit un doublement de la consommation de viande d’ici 2050, ce qui serait intenable en termes de ressources. Soit on demande aux Indiens et aux Chinois de ne pas en manger du tout, soit nous devrons réduire notre consommation. Pour le nouveau gouvernement des Pays-Bas, la recherche d’alternatives est désormais une priorité. Ici, l’importance de ce thème est encore sous-estimée."
Pour lui, il y a quand même des avancées pour lesquelles on aura besoin du niveau régional ou fédéral : "Il n’y a pas encore de formation végétarienne dans les écoles hôtelières, par exemple "
Quid des œufs et des produits laitiers ?Il y a les végétariens stricto sensu qui ne mangent pas de viande ni de poisson (ni les produits dérivés ayant nécessité un abattage animal, comme la gélatine), mais consomment en principe les produits dérivés : le lait, le fromage, les yaourts, les œufs Et puis il y aussi les végétaliens ou "vegans" qui refusent tout ce qui provient du règne animal. Ces derniers avancent deux arguments pour boycotter les produits dérivés : - les conditions de vie des animaux d’élevage. - la relative inefficacité du cycle de production. En effet, s’ils sont moins gloutons en énergie, en eau et en surface utilisée que les viandes, ils le sont davantage que les productions végétales destinées à la consommation directe. Bien entendu, plus l’on s’interdit de manger certains produits, plus il faut de savoir-faire pour continuer à manger équilibré.Les cinq arguments des végétariensEnvironnement. Selon un rapport de la FAO, la production à grande échelle de viande serait responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Rendement. Pour produire 1 kg de viande, il faut de 7 à 10 kg de céréales (et des milliers de litres d’eau). Santé. La surconsommation de viande peut rendre obèse, voire être à l’origine de certains cancers et de maladies vasculaires. Humanité. Chaque année, 285 millions d’animaux sont tués en Belgique par l’industrie alimentaire. Saveur. Manger végétarien n’implique pas de manger insipide, comme en atteste la cuisine indienne par exemple.