Santa Catarina, vignobles d’altitude au Brésil

LA VITICULTURE MONDIALE est en perpétuelle mutation; d’un côté de la planète, l’arrachage du vignoble semble inéluctable et de l’autre, des projets vinicoles sortent de terre comme des champignons dans des régions qui, il y a moins de dix ans, n’avaient jamais vu un cep de vigne.

Baudouin Havaux

Publié le 18-09-2010 à 04h15 - Mis à jour le 18-09-2010 à 16h46

©D.R.

Mise en bouteille De Santa Catarina, Brésil LA VITICULTURE MONDIALE est en perpétuelle mutation; d’un côté de la planète, l’arrachage du vignoble semble inéluctable et de l’autre, des projets vinicoles sortent de terre comme des champignons dans des régions qui, il y a moins de dix ans, n’avaient jamais vu un cep de vigne. Lorsque l’on observe l’extension du vignoble, on constate que celui-ci a tendance à s’étendre dans des zones présentant des conditions climatiques extrêmes, que ce soit au niveau des latitudes, comme au sud de l’Argentine en Patagonie ou à la limite des tropiques en Inde, ou bien au niveau de l’altitude. Une démarche qui semble se généraliser en Europe et principalement en Espagne pour contrer l’augmentation des températures conséquence des changements climatiques, mais aussi sur les flancs de la Cordillère des Andes où les vignobles chiliens et argentins prennent de la hauteur pour échapper aux températures estivales de la vallée. Le Brésil n’a pas échappé à cette quête de terroirs et de conditions climatiques idéaux pour planter de la vigne.

Au sud du Brésil, dans l’état de Santa Catarina, l’histoire a commencé, il y a un peu plus de dix ans, lorsque Jean-Pierre Rosier, œnologue d’origine française, responsable du centre de recherche agronomique, développe près de Sao Joaquim, des vignobles expérimentaux dont les résultats probants incitent plusieurs pionniers à investir dans cette région vierge de vitis vinifera. Toutes les zones de plantation se situent autour du 29e parallèle de latitude Sud, entre 900 et 1 300 mètres d’altitude. Pour s’y rendre à partir de Florianopolis, la capitale de l’état, appréciée par les villégiateurs brésiliens pour ses interminables plages de sable fin, il faut emprunter une route étroite et tortueuse qui grimpe à flanc de montagne. On ne manque pas au détour d’une épingle à cheveu de croiser des camions chargés de pommes, ce qui est de bon augure si l’on en croit les œnologues qui affirment que les conditions climatiques appropriées aux pommiers sont souvent propices à la vigne. La production de pommes, introduite dans les années septante par la colonie japonaise, est la principale activité économique de Santa Catarina qui produit plus de 80 % des pommes brésiliennes.

A l’arrivée, on découvre un paysage verdoyant et vallonné, qui évoque plus la Suisse ou le Tyrol que les plages de Copacabana, s’il n’était pas ponctué de majestueux araucarias qui offrent un panorama unique. Aujourd’hui, 28 caves couvrant un total de 300 hectares ont intégré Acavitis, l’association de producteurs de vins fins d’altitude de Santa Catarina, dont la principale condition pour l’intégrer est de produire du vin à partir de vignobles situés à plus de 900 mètres d’altitude.

Les cinq principaux facteurs distinctifs par rapport à d’autres régions de production situées à plus basse altitude, qui expliquent les caractéristiques des vins sont :

- la température plus froide qui est l’élément déterminant. En effet, en dessous de 10° C, la photosynthèse de la vigne s’arrête. La conséquence est que, pour mener à terme la maturité du raisin, la vigne nécessite un cycle végétatif plus long, ce qui favorise le développement et l’accumulation des tanins et des polyphénols responsables de la complexité et de la structure des vins, surtout important pour les vins de garde. L’amplitude thermique entre le jour et la nuit qui peut atteindre dans la région 20° C favorise également ce métabolisme;

- le fait que les précipitations bien qu’importantes (1 200 mm/an) s’interrompent en mars-avril, époque de maturation à laquelle le raisin est sensible aux pourritures et à la dilution de son jus;

- le rayonnement solaire est plus important;

- l’humidité est plus faible;

- les vents plus virulents.

Dans le verre, les résultats obtenus avec du raisin vendangé dans le meilleur des cas sur un vignoble âgé de maximum 5 ans sont étonnants. Tous les cépages ne sont pas adaptés à ces conditions climatiques, certains manquent de maturité, mais en général les cépages qui nécessitent un cycle végétatif moyen, comme le merlot, donnent des vins structurés, aux arômes de fruits bien mûrs dont le potentiel de vieillissement, difficile à évaluer aujourd’hui vu le manque de recul, semble très prometteur. Les cépages blancs, comme le sauvignon blanc, le riesling et le gewurztraminer, qui apprécient les climats plus frais, présentent beaucoup de vivacité. La qualité des vins d’altitude de Santa Catarina a été révélée lors du dernier concours national des vins du Brésil organisé à Sao Joaquim les 9, 10 et 11 septembre, qui a médaillé plusieurs caves (voir par ailleurs).