La révolution "slow" est en marche
Tout va trop vite à l'heure des supercalculateurs et des nouvelles technologies. Il est urgent de ralentir sinon la planète ira dans le mur ! Telle est la philosophie du mouvement "slow", en passe de devenir une "révolution culturelle". Slow Food: une "nouvelle gastronomie" alliée à l'écologie Forum: Pensez-vous à ce qu'il y a dans votre assiette?
Publié le 30-09-2010 à 07h09 - Mis à jour le 30-09-2010 à 07h14
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Tout va trop vite à l'heure des supercalculateurs et des nouvelles technologies. Il est urgent de ralentir sinon la planète ira dans le mur ! Telle est la philosophie du mouvement "slow", en passe de devenir une "révolution culturelle", estiment ses défenseurs interrogés par l'AFP. Né il y a 20 ans autour de l'organisation Slow Food (manger "bon, juste et propre") et de Carlo Petrini en Italie en réaction à la "malbouffe", le mouvement a fait des émules partout dans le monde.
Slow cities (bon vivre en ville), slow production (produire durable), slow money (investir dans le local et le bio), slow parenting (prendre du temps pour ses enfants), slow wear (vêtements durables) etc... tous revendiquent un grand coup de frein pour la planète et l'individu.
En Europe, de nombreux ouvrages paraissent sur les ravages de la vitesse. Le philosophe allemand Hartmut Rosa dresse ce constat: "la vitesse, qui a aidé le monde à basculer dans la modernité il y a deux siècles est peut-être en train de le précipiter vers l'abîme. La limite que l'homme peut supporter sur le plan individuel comme sur les plans écologique et politique a été atteinte. Nous n'accélérons plus pour améliorer les choses mais pour les maintenir en l'état et garantir l'ordre social".
Partout, les adeptes de la lenteur, journées du "rien faire" ou "pauses" énergétiques se multiplient. Le cabinet londonien Datamonitor a même estimé à plus de 20 millions en 2010 les gens prêts à rétrocéder du pouvoir d'achat contre du temps.
Le sloth club au Japon prône un mode de vie plus calme dans un pays où un mot, "karoshi", désigne la "mort par surmenage". La "Société pour la décélération du temps" (Verein zur Verzögerung der Zeit) à Klagenfurt en Autriche réunit ses adhérents chaque année en "congrès lent" et le "Unplug Challenge" aux Etats-Unis invite à se débrancher régulièrement (des téléphones, ordinateurs ou télévisions).
Un succès qui s'explique sans doute parce que le "slow", s'il rejoint des courants comme la décroissance ou l'écologie, s'intéresse avant tout à un concept universel: le bonheur. "Ce n'est pas une guerre à la vitesse mais une prise de conscience. L'impérative nécessité de retrouver le juste rythme en toute chose pour ne pas passer sa vie à courir après", résume Carl Honoré, auteur de "L'éloge de la lenteur", best-seller traduit dans plus de 30 langues.
"Nous sommes à un tournant historique ! Ce mot-concept (slow) qui ne générait pas grand-chose sur google en 2004 renvoie aujourd'hui à d'innombrables pages et sites", ajoute-t-il. "Le mode de consommation est en train de basculer. Les gens en ont marre de passer leur vie dans les embouteillages, de pousser des chariots dans des hypermarchés. Cette mutation prendra plusieurs décennies", estime Jean Lhéritier, président de Slow Food France. "Même en Inde, rattrapé par le turbocapitalisme, les débats sur les dangers de la vitesse sont très présents, car les gens ne sont pas heureux de perdre les liens familiaux, de négliger leurs anciens...", poursuit Carl Honoré. Formes inattendues de cette prise de conscience: un cadre de chez IBM a lancé "le slow e-mail pour moins et mieux utiliser les courriels" et un prêtre viennois lui a confessé qu'il s'évertuait à "prêcher plus lentement".
Mais se libérer de la vitesse passe par une "cure de désintoxication", un "tri sélectif" collectif et personnel notamment dans l'utilisation des nouvelles technologies, génératrices de progrès mais dont on peut facilement devenir esclave, dit Patrick Viveret, philosophe et essayiste altermondialiste. "Le culte de la vitesse fait partie du grand dérèglement struturel de notre rapport au temps qui génère tous les autres. Et vivre constamment dans la tension, explique-t-il, empêche de vivre dans l'attention, la qualité de présence à la vie".