La révolution dans l’assiette
Explosion de la demande sur le bio, éclosion des groupes d’achat solidaires (Gas), retour en grâce de la cuisine "du terroir" Manger sain et durable est devenu une préoccupation de premier ordre pour un nombre croissant de citoyens.
Publié le 04-12-2010 à 08h19
Explosion de la demande sur le bio, éclosion des groupes d’achat solidaires (Gas), retour en grâce de la cuisine "du terroir" Manger sain et durable est devenu une préoccupation de premier ordre pour un nombre croissant de citoyens.
Après des décennies de règne du plat préparé et des nouilles lyophilisées, l’heure est désormais aux produits frais, aux saveurs authentiques, aux légumes sains et de saison. Une tendance qui reflète à la fois des préoccupations écologiques et une prise de conscience que santé et alimentation sont intimement liés.
Jeudi au campus du Ceria à Anderlecht, un colloque consacré à l’alimentation durable était organisé sous l’égide de la Cocof et de la société Greenloop. Objectif : sensibiliser les futurs professionnels de la restauration à cette question, et chercher à réconcilier les métiers de la bouche avec ceux de la terre, l’agriculteur et le cuisinier évoluant depuis longtemps dans des univers totalement séparés.
Le panel des intervenants était particulièrement varié puisqu’on y trouvait côte à côte un chef bruxellois, le maraîcher d’un restaurant 2 étoiles Michelin et la responsable du développement durable de la société Sodexho. Malgré leurs différences, tous avaient en commun le fait de révolutionner la cuisine au quotidien, en privilégiant notamment l’utilisation de produits locaux et biologiques, en cherchant à transmettre des saveurs authentiques et en réduisant l’impact environnemental de la nourriture. Autant d’exemples pour tous les étudiants du Ceria, une école que le ministre de tutelle Christos Doulkeridis (Ecolo), ministre-président de la Commission communautaire française (Cocof), ambitionne de transformer progressivement en première école d’hôtellerie durable en Europe. "Il y a un engouement incroyable pour la bonne cuisine", explique Christos Doulkeridis. "Il est donc essentiel de sensibiliser les futurs professionnels du secteur à tous les aspects de l’alimentation durable."
Et ce travail de sensibilisation doit avant tout passer selon lui par un ré-enracinement des cuisiniers avec la réalité de l’agriculture. "Au Ceria, la filière d’horticulture et la filière d’hôtellerie ne travaillent toujours pas ensemble", regrette ainsi le ministre. "La cuisine est encore enseignée avec les méthodes d’autrefois. Heureusement, les mentalités changent mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir."
La société Greenloop, active dans le secteur du biomimétisme, a déjà mené un programme de sensibilisation sur ce thème au sein du Ceria. "L’idée était de faire le lien entre les potagers de Neerpeede, à quelques mètres de là, et l’école d’hôtellerie" explique Gaetan Dartevelle de Greenloop. "Préparer de la bonne cuisine, ça passe d’abord par le choix de bons produits. Il serait pour cela intéressant de permettre aux étudiants d’aller eux-mêmes choisir leur variété d’oignon dans un potager à proximité de l’école avant de se lancer dans une préparation."
A Bruxelles, le secteur de la restauration est un des secteurs économiques les plus importants. Il a donc un rôle essentiel à jouer pour montrer la voie en termes d’alimentation durable, estime Christos Doulkeridis. "Mais l’alimentation durable et les bons produits ne doivent pas être réservés à une élite sociale et économique. Il faut pouvoir toucher tous les types d’établissements, du restaurant étoilé au restaurant social." Pour ce faire, des collaborations sont nécessaires avec les régions wallonne et flamande, afin de valoriser les filières courtes et développer des partenariats entre agriculteurs et consommateurs, dit-il.
L’alimentation durable peut aussi prendre pied dans les cantines, comme le montre Philippe Renard au estaurant de la société Ethias à Liège (voir épinglé). Chez Sodexho, des expériences pilote sont également menées chez plusieurs clients en région bruxelloise. L’entreprise s’y attèle à élaborer des menus à partir de produits locaux, bios et/ou issus du commerce équitable. La viande y occupe une place nettement moins prépondérante, ce qui crée encore parfois des réticences. "Certains nous soupçonnent de vouloir gagner davantage ’argent en privilégiant des menus végétariens" explique ainsi Laure Sirjacobs de la société Sodexho. Si l’engouement pour l’alimentation durable est désormais une réalité, les mentalités peinent encore à s’y adapter.