Aux origines de la tequila
On sait que la tequila est un distillé à base d’agave bleu. Mais saviez-vous que Tequila est aussi un pittoresque village où se situe le cœur de l’industrie de la tequila. Sur la ligne du temps
Publié le 07-02-2016 à 13h30 - Mis à jour le 07-02-2016 à 13h34
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Annoncé officiellement cette semaine à Guadalajara par Luis Velasco, président de la chambre de commerce de l’industrie de la tequila, Tequila sera le siège de la prochaine édition de la Spirit’s Selection du Concours mondial de Bruxelles. Ce petit village de la province de Jalisco, situé au Nord-Est de la Capitale mexicaine, partage son nom avec le distillé à base d’agave bleu.
Initialement connu comme "vin mezcal de Tequila", c’est un distillé aux origines modestes, à la croisée de deux civilisations. Profondément enracinée dans l’histoire du Mexique préhispanique, la tequila a été influencée par la culture espagnole avant de s’identifier à la nation mexicaine.
La Tequila depuis l’époque préhispanique
L’utilisation de l’agave comme alimentation des populations préhispaniques est bien établie. Cependant, les historiens considèrent qu’il a fallu attendre l’arrivée des conquistadors de la nouvelle Espagne pour qu’avec les habitants de la région se développe une boisson métissée à partir de la seconde moitié du XVIe siècle.
D’une part, l’héritage américain apporta la connaissance de la culture de l’agave, et la fermentation du mezcal, et d’autre part, la tradition méditerranéenne basée sur la triade céréale, olive et vin maîtrisait les moulins et les alambiques de distillation.
Il existe plus de 350 variétés d’agave, que les indigènes appellent "arbres des merveilles" qui donnent de l’eau, de l’huile, du vinaigre, du sucre, des aiguilles, du bois, des fibres, du fils à tisser et des remèdes médicinaux. L’une de ces variétés est l’agave bleu, qui est natif, en forme naturelle, de Jalisco avant d’être domestiqué et cultivé depuis plus de 3 500 ans.
Dans la région de Tequila, le maïs, les calebasses et les haricots étaient plantés dans les plaines fertiles tandis que l’agave était relégué sur les flancs arides des collines. Sa racine constituait la principale source de sucre, et son jus fermenté était consommé lors des cérémonies rituelles religieuses qui pouvaient évoluer en véritables beuveries liturgiques. La transformation de l’amidon en sucre requérait l’utilisation de fours. A Talaxcala, dans l’altiplano mexicain, on a retrouvé les vestiges de fours souterrains datant du XVe siècle.
Le nom Mezcal trouve son origine dans le mot indigène Excalli qui se traduit par "agave cuit dans un four de pierre".
La conquête des colons espagnols
Les conquistadores ont amélioré les techniques de trituration et de fermentation déjà bien maîtrisées à l’époque dans le bassin méditerranéen pour l’élaboration de vin et d’huile d’olive. Ils ont introduit les moulins pour broyer les agaves. Les cuves en terre cuite, en cuir ou en bois utilisées pour la fermentation et la conservation, contribuèrent au développement industriel du Mezcal.
Mais la principale avancée vient de l’introduction des alambiques en cuivre et de la maîtrise des techniques de distillation, hérités du monde arabe. On comprend donc mieux que la tequila soit le résultat de la fusion de deux cultures, réalisée parallèlement à l’intégration des deux populations pour former une nouvelle nation et une boisson nationale marquée par une identité forte.
Ces avancées techniques liées à l’interdiction faite aux indigènes par la couronne espagnole de consommer les vins importés de Castille, et l’interdiction de planter de la vigne pour protéger les exportations espagnoles, expliquent le développement et la popularité de la Tequila au Mexique. A l’époque, seules quelques missionnaires dérogeaient à l’interdiction de planter de la vigne pour les besoins du culte. Malgré les lois prohibitionnistes dictées par le clergé et le pouvoir colonial, la production de tequila s’est largement répandue. Durant cette époque coloniale, la production de tequila officielle alternait avec des productions clandestines.
La tequila dans un Mexique indépendant
A partir de 1811, dans la foulée de l’indépendance mexicaine, la production de tequila a été libéralisée mais également taxée pour assurer le financement de la jeune république. De nombreuses haciendas semi-industrielles se sont consacrées à la plantation d’agave bleu pour produire de la tequila plus seulement pour une commercialisation régionale mais nationale avant de tenter quelques timides expériences à l’exportation.
C’est à cette époque que la tequila pénétra dans le Sud de la cote Ouest des Etats-Unis par la Baja California, où les Américains rencontraient des difficultés à s’approvisionner en whisky en provenance d’Europe qui était livré sur la cote atlantique.
La tequila, une AOC
Si le vin de mezcal est produit et distillé dans de nombreuses régions du Mexique, c’est dans l’état de Jalisco que l’agave bleu a trouvé les meilleures conditions pour se développer. Déjà au XVIIe siècle, la région du volcan de Tequila était recouverte d’agave. Il a pourtant fallu attendre la révolution pour qu’apparaisse le mot tequila qui distingue la qualité des vins de Mezcal produits autour de Tequila, de ceux d’autres provinces. C’est donc naturellement dans l’état de Jalisco et d’autres états limitrophes (Jalisco, Guanajuato, Michoacan et Nayarit) que se sont dessinées en 1973 les frontières qui définissent les limites de l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) "tequila". Et depuis 2006, les merveilleux paysages d’agave que l’on peut admirer dans cette AOC sont reconnus par l’Unesco comme paysages culturels du patrimoine mondial.