Tour de France gastronomique: Lyon
En cette fin d’été, nous vous proposons une balade gourmande dans le Sud de la France. Première escale à Lyon. Des bouchons à Bocuse, la Porte du Sud est bel et bien la capitale de la gastronomie française.
Publié le 06-08-2016 à 16h03 - Mis à jour le 06-08-2016 à 16h22
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En cette fin d’été, nous vous proposons une balade gourmande dans le Sud de la France. Première escale à Lyon. Des bouchons à Bocuse, la Porte du Sud est bel et bien la capitale de la gastronomie française.
Ah, Lyon et ses bouchons ! Mais s’ils sont légion dans la capitale des Gaules, il n’est pas facile de dénicher la perle rare entre les pièges à touristes et les lieux sans âme. D’autant que le nom "bouchon" n’a pas été protégé : n’importe quel resto peut donc s’afficher comme "bouchon"…
La guerre des bouchons
Malheureusement, le label "Les bouchons lyonnais", créé en 2012 par la Chambre de commerce et d’industrie, n’est pas assez restrictif. Aussi, nombre de vrais bons bouchons ont refusé d’y adhérer, provoquant une "guerre des bouchons"…
Alors, comme tout le monde, on s’est cassé les dents. Le Café Comptoir Abel, une institution, nous a bluffés par son sublime décor d’époque et ses quenelles de brochet maison (à base de pâte à chou !), mais rien de renversant pour le reste. Tandis que Daniel et Denise - déjà trois adresses au compteur pour le MOF (meilleur ouvrier de France) Joseph Viola - nous a laissé de marbre. Alors, c’est ça les bouchons lyonnais ? Oh que non !
Des lieux avec une âme
Outre un menu typiquement lyonnais (cochonnailles, salade lyonnaise, gras double…), l’âme du bouchon, c’est véritablement son patron (ou sa patronne). C’est lui qui fait du bouchon une expérience unique, où convivialité et générosité doivent être au rendez-vous. Qu’il soit derrière le zinc, affairé en cuisine ou à faire la causette avec les clients, on veut le voir ce patron ! Et puis, bien entendu, il y a la sincérité de la cuisine, basée sur des produits authentiques et de qualité, comme la rosette et le jésus de chez Bobosse ou le saint-marcellin de la Mère Richard.
Nos deux perles, on les a dénichées dans la même rue, à deux pas de la place des Carreaux en plein centre-ville. Ce midi-là, comme tous les midis, Le Garet était plein à craquer. Mais Emmanuel Ferra et sa femme Agnès, à la tête de ce bouchon depuis 15 ans, ont un sacré sens de l’accueil. On se sent tout de suite bien ici.
Tout fait envie à la carte et dans les suggestions. Tandis que le lunch est à 19,50€ seulement. Générosité on a dit ! Ce sera finalement des grenouilles et de la tétine de vache en persillade, suivies d’une andouillette. Tout est bon à se damner. Et les grenouilles (23€) sont servies en deux fois ; il ne faudrait surtout pas que ça refroidisse !
La larme à l’œil, on quitte l’endroit repus. Et résonne encore à notre oreille la modestie d’un patron qui a travaillé chez Paul Bocuse et chez Joseph Viola : "Je veux simplement faire plaisir, défendre une identité du bien-manger et du bien-vivre !"

Des tripes à 9h du mat’
Quand on a trouvé le bouchon parfait, ne reste plus qu’à demander une recommandation pour le suivant. Et c’est le voisin d’en face qui est désigné sans hésitation : Au Petit Bouchon Chez Georges. C’est donc chez lui qu’on réserve le lendemain matin pour "mâchonner" (25€), une expérience typiquement lyonnaise.
Au poste dès 9h, Marc Gorgette n’a ouvert que pour nous. Charismatique et gouailleur, il a repris en 2007 cette institution où est née la confrérie des Francs-Mâchons en 1964. La tradition du "mâchon" vient des canuts, tisserands de soie du quartier de la Croix-Rousse, qui partageaient des repas traditionnels lyonnais dès l’aube, après leurs heures de travail.
Et "Chez Georges", on respecte la tradition : grattons sur la table, rosette, pâté de tête maison et, bien entendu, le "pot lyonnais", rempli par exemple d’un excellent beaujolais régnié. Au menu ce matin-là : tablier de sapeur (estomac de bœuf mariné au vin blanc, pané et frit) sauce gribiche, andouillette à la moutarde et cervelle de canut (fromage blanc aux fines herbes, échalotes et vinaigre). Même pas peur ! Tout cela s’ingurgite goulûment. C’est tellement bon, qu’on se demande quand on reviendra à Lyon… En 2018 ! Pour l’inauguration au bord du Rhône, dans le sublime Hôtel-Dieu, de la Cité internationale de la gastronomie.
Bocuse, le musée de la gastronomie française
Pour tout gastronome, le pèlerinage à "L’auberge du Pont de Collonges" est un passage obligé. "Avant que Bocuse ne meure", ajoute-t-il souvent, comme pour s’excuser de visiter une adresse qu’il estime souvent "ringarde", mais qui porte fièrement ses trois macarons Michelin depuis plus de 50 ans.
C’est en effet en 1965 que Paul Bocuse entrait au Panthéon culinaire. Agé de 90 ans, atteint de la maladie de Parkinson et opéré du dos l’année dernière, Monsieur Paul vit toujours à Collonges, passe en cuisines le matin mais ne vient plus se faire prendre en photos avec les touristes japonais et américains ou même avec les nombreux Lyonnais toujours attachés à cette institution. Il a arrêté de cuisiner à l’âge de 80 ans. En cuisines, trois MOF (Christophe Muller, Gilles Reinhardt et Olivier Couvin) perpétuent les grands classiques du maître : salade de homard à la française (85 €), loup en croûte sauce choron (150 € pour deux), écrevisses à la nage au pouilly-fuissé, quenelles de brochet aux écrevisses sauce Nantua (65 €), etc.

Remonter le temps
Chez Bocuse, on assume sans problème le côté restaurant-école ou musée. Tandis que la décoration, opulente et où tout est siglé "P.B.", se révèle presque kitsch... Et pourtant, la magie continue d’opérer à Collonges, avec le sentiment, quand on goûte à ces plats qui n’ont pas bougé depuis 40 ans, de remonter le temps.
Ainsi, le grand menu "Grande Tradition classique" (260 €) propose-t-il un florilège de plats qui ont fait la réputation de Bocuse. Si les filets de sole aux nouilles Fernand Point (chez qui le chef a fait ses classes dans les 50’s) semblent vraiment préhistoriques, la fameuse soupe V.G.E., créée en l’honneur du président Valéry Giscard d’Estaing en février 1975 lors du repas donné à l’Elysée à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur à Bocuse, est toujours aussi bluffante. L’idée est née d’un mélange de deux recettes : une soupe au râpé de truffe dégustée chez des paysans ardéchois et une truffe recouverte de feuilletage créée par son ami Paul Haeberlin. Quarante ans plus tard, quand on "casse la croûte" de pâte feuilletée qui recouvre la petite soupière lyonnaise - le jeu de mots, lui non plus, n’a pas changé depuis que Bocuse l’a lâché à Giscard -, l’effet est toujours aussi sidérant! On découvre un consommé double de bœuf infusé à la truffe noire et au foie gras. Un moment d’émotion intense.
Temple de la grande cuisine française
Et que dire de la fameuse volaille de Bresse en vessie "Mère Fillioux", cuite en vessie donc, découpée en salle et servie avec une sauce blanche aux morilles fraîches ? Un classique indémodable. Tout comme l’avalanche de desserts qui clôt le repas. Babas au rhum, îles flottantes, coupes beaujolaises aux fruits rouges, gâteaux Bernachon ou Ambassadeur sont amenés en salle. Ne reste qu’à faire son choix parmi ces délices d’un autre temps qui n’ont pourtant pas pris une ride !
C’est la panse pleine mais le sourire aux lèvres que l’on quitte cette auberge mythique. Avec le plaisir rare d’avoir croqué un moment d’Histoire dans un temple de l’art de vivre à la française.
Carnet d'adresses
Un restaurant dans le vent
Café Sillon. Dans son petit bistrot de copains installé dans un quartier excentré de l’autre côté du Rhône, Mathieu Rostaing-Tayard propose des menus raffinés (3-4 serv. ; 38-45 €) qui tranchent avec la cuisine traditionnelle lyonnaise, accompagnés de flacons de vignerons indépendants de la région, entre beaujolais et côtes-du-rhône. La cuisine est franche, fraîche et dans l’air du temps. Avec, par exemple, un poulpe au barbecue ou un filet de lieu jaune, fleur de courgettes et coques. On adore !
46 av. Jean Jaurès, 69007 Lyon. Rens. : www.cafe-sillon.com ou +33.4.78.72.09.73.
Un caviste ancestral
Maison Malleval. Trônant en plein cœur de la Presqu’Île, "Malleval" est l’une des plus anciennes caves de Lyon, doublée d’une belle épicerie fine. Ses caves enterrées recèlent des trésors (Pétrus, Romanée-Conti, Armagnac du XIXe siècle…) mais on peut se faire plaisir à tous les prix. Au total, 5 000 références, avec un focus particulier sur la Vallée du Rhône, évidemment. Le rayon spiritueux propose également une très belle sélection (pastis, absinthes, crèmes de cassis…).
11 rue Emile Zola, 69002 Lyon. Rens. : www.malleval.com ou +33.4.78.42.02.07.
Un marché gastronomique
Halles Paul Bocuse. Une visite des Halles s’impose pour comprendre pourquoi Lyon est considérée, selon la formule de Curnonsky, comme "la capitale française de la gastronomie" ! L’offre donne le tournis, entre les superbes volailles de Bresse, les viandes d’exception de la Boucherie Trolliet (MOF), les Jésus et les rosettes de la Charcuterie Sibilia, les succulentes andouillettes de chez Bobosse, les fromages de la mère Richard ou de chez Mons (MOF), les fines tartes aux pralines roses de chez Jocteur…
102 cours Lafayette 69003 Lyon. Rens. : http://bit.ly/HallesPaulBocuse ou +33.4.78.62.39.33.
--> Plus d’infos sur http://bit.ly/CuisineQuatreMains.