Faut-il forcer son enfant à finir son assiette?
Terminer son assiette est une habitude culturelle qui n’est pas forcément bonne pour la santé. Comment savoir quand il est temps de s’arrêter ?
- Publié le 27-08-2023 à 21h43
"Termine ton assiette !" Qui n’a pas vu son enfance bercée par cette phrase ? Cette injonction, bien ancrée dans nos mœurs, est avant tout propre à notre culture occidentale. Il est par exemple impoli et extrêmement mal vu de finir son assiette en Chine, surtout si l’on est invité chez quelqu’un ou que l’on mange au restaurant: cela veut dire que l’on n’en a pas eu assez. Chez nous, il s’agit d’une norme sociale ancrée, pourtant décriée par de nombreux médecins et nutritionnistes. Car cette habitude n’est pas forcément bonne pour notre santé ! "Il est extrêmement difficile de doser correctement une assiette selon l’appétit de chacun qui, de plus, fluctue en permanence, entame Vanessa Roland, médecin nutritionniste à la Clinique du Poids idéal du CHU Saint-Pierre de Bruxelles. Se forcer à finir son assiette, c’est se déconnecter de son corps au lieu d’essayer de le comprendre." Car manger jusqu’à cette sensation de ventre tiré et bien rempli, c’est déjà trop. "La satiété, c’est quand on pourrait encore manger, mais que l’on en a plus besoin. Peu de gens s’arrêtent à ce stade, et il n’est pas toujours simple à identifier." Sans parler du fait que la plupart d’entre nous terminent ce qu’ils ont dans leur assiette sans trop se poser de questions, que ce soit chez eux, chez des amis ou au restaurant.
Comment connaître sa faim ?
"Dans une société où l’offre alimentaire hors des repas nous pousse constamment à grignoter des aliments peu intéressants pour notre santé, la faim est sans cesse court-circuitée, car ces aliments nous empêchent de la ressentir."
Pour reconnaître la satiété, tout se joue en deux temps: éviter de trop grignoter et manger lentement aux repas. "C’est primordial de laisser le temps au système digestif d’envoyer les signaux de satiété au cerveau, pour éviter cette sensation d’avoir trop mangé, simplement parce que l’on a mangé trop vite." En moyenne, un repas doit durer 20 minutes. Prenez le temps de savourer votre nourriture… Et le moment !
Car réellement connaître sa faim reste très compliqué. "Certains y arrivent et ont l’œil au niveau des quantités, mais c’est rare. D’autant plus que la faim change tout le temps ! Le plus important est de se questionner en mangeant et de ne pas hésiter à en laisser dans son assiette pour plus tard." Vanessa Roland donne enfin quelques bonnes habitudes à prendre pour se reconnecter à sa satiété: espacer ses repas d’au moins 3 h sans grignoter, poser ses couverts entre les bouchées, attendre un peu avant de se resservir, manger assez de fibres et ne pas éliminer les bonnes graisses. Manger doit rester avant tout un plaisir… à consommer avec modération !
Et les enfants ?
S’il est parfois difficile de faire la différence chez les enfants entre un véritable appétit repu et d’autres raisons qui les poussent à refuser de finir leur assiette, les forcer à manger n’est pas non plus une bonne idée, selon Vanessa Roland.

"Je retrouve en consultation énormément de personnes qui étaient forcées de finir leur assiette étant enfant et qui ont complètement perdu la notion de satiété, et qui du coup mangent trop, trop peu, ne comprennent pas leur corps." Et étonnamment, les enfants ont une grande conscience de leur satiété, et ce, dès la naissance ! "Quand un bébé n’a plus faim, vous ne le forcez pas à boire plus de lait. C’est pareil avec les enfants, sauf que cela se complique, car le goût des aliments (qu’il va aimer ou non) va parfois prendre le dessus et tronquer le développement de la satiété." Comment faire la part des choses dès lors ? "Il ne faut pas forcer l’enfant à finir son assiette, mais à au moins goûter pour développer son palais. S’il n’aime pas, ça lui arrive, comme à nous !" Par contre, on ne remplace pas par un dessert ou du sucre. S’il ne veut plus manger, il doit assumer ce choix. "Il mangera au prochain repas, il ne va pas mourir de faim ! Il ne faut surtout pas remplacer par un plaisir, autrement, il aura vite compris l’astuce pour les prochaines fois. Avec les enfants, la nourriture est un peu une bataille: il faut proposer, tester, recommencer, diversifier et surtout ne jamais transformer le repas en conflit. Il faut qu’il développe son palais, comprenne et apprivoise ses goûts, connaisse sa faim."
Car la faim d’un enfant se travaille au quotidien et nécessite de la patience et de multiples tentatives. "Si le goût du sucre est inné, d’autres sont beaucoup plus difficiles à développer chez lui, car les papilles gustatives sont en plein développement. L’amer, par exemple, est très difficile à aimer pour un jeune enfant." En prenant garde à ne pas créer un rapport conflictuel entre la nourriture et l’enfant, il faut donc lui faire goûter, mais le forcer ne vous rendra pas service.
3 mauvaises habitudes à éviter
1.Grignotage
Si vous grignotez des fruits ou des légumes, pas de soucis, mais c’est malheureusement rarement le cas… "Le grignotage, qui concerne souvent des aliments qui ne sont pas intéressants pour notre corps, biaise la sensation de satiété et nous empêche de manger correctement aux repas." Si elle ne bannit pas le grignotage, Vanessa Roland recommande plutôt une collation saine si on a un petit creux.

2.Trop manger
Vous voyez cette sensation de ventre bien tendu qui vous donne envie de vous allonger 5 minutes dans le canapé ? Eh bien, vous avez trop mangé. Dans l’idéal, il faut s’arrêter juste avant, d’où l’importance de manger lentement. "On pointe du doigt les USA, mais on voit clairement chez nous une hausse importante du surpoids également. On mange trop, et en 50 ans, les portions de nourriture ont énormément augmenté !"

3.Manger sans faim
L’une des causes majeures de l’augmentation de l’obésité et de la déconnexion à sa satiété est assez récente: la nourriture a aujourd’hui un aspect social. "La nourriture investit tous les moments de notre vie: dans toutes les activités culturelles, sociales, à un pot de départ, un anniversaire… On mange ! Le problème, c’est que ce sont souvent des produits qui sont gras et ultra-transformés, qui vont dérégler le sentiment de satiété."
