Francfort, ville plurielle
Centre financier européen, Francfort offre une scène gastronomique variée, entre traditions et modernité.
- Publié le 09-09-2023 à 08h59
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Francfort-sur-le-Main, dans le land de Hesse, est connue comme la quatrième place financière européenne – la banque centrale européenne (BCE) y a en effet son siège et sa Bourse possède le dernier parquet d’Europe où opèrent les traders. Ce que l’on sait moins, c’est que la plus riche ville d’Allemagne possède de nombreux atouts touristiques.
Les rives du Main invitent au pique-nique ou à la promenade. Le Palmengarten offre une balade de choix pour admirer les plantes des différentes serres climatiques et l’Altstadt (vieille ville) – entièrement détruite pendant la seconde guerre mondiale mais reconstruite avec brio – permet de découvrir un bout d’histoire, de la maison du célèbre écrivain Goethe au Römerberg, la fameuse place de la ville.


Classique francfortois
Mais un séjour à Francfort ne pourrait être complet sans la visite d’une Apfelwein Wirtschaft, l’équivalent de nos brasseries. Sauf qu’ici, la boisson reine est l’Apfelwein, du cidre. Dans le quartier de Sachsenhausen, on aura l’embarras du choix ! On a choisi la pittoresque Klaane Sachsehäuser, en activité depuis 1886. On dégustera ici un typique Schnitzel au porc accompagné de Grüne Soße ou Grie Soss en dialecte (sauce verte). On l’apprendra au jardin botanique, cette sauce, qui bénéficie d’une IGP depuis 2015 et qui a été décrite pour la première fois en 1860, est composée des sept herbes suivantes : ciboulette, bourrache, cerfeuil, cresson, oseille, persil et pimprenelle.
Pour accompagner ce plat rustique, on boira de l’Apfelwein, le cidre francfortois sans bulles servi dans un Bembel, une cruche en grès remplie directement au tonneau. À table, on le versera dans un Gerippte, un verre long découpé de losanges qui facilitent la prise, un usage qui remonterait au temps où l’on mangeait sans couverts… Habituellement, les Francfortois coupent leur cidre avec de l’eau ou de l’eau pétillante pour réduire le taux d’alcool, mais pas d’obligation, surtout si on n’en boit pas des litres comme eux…

Renouveau du cidre
Dans la Brückenstraße, les quatre producteurs de cidre ont aujourd’hui disparu – la production s’est concentrée aux abords de la ville –, mais on y trouvera la formidable boutique Apfelweinhandlung JB, ouverte il y a 15 par Jens Becker. Dans une ancienne pharmacie, le bonhomme vend des cidres artisanaux du monde entier, mais aussi d’excellents cidres francfortois, comme ceux de Schneider (qui propose des Apfelweine souvent monovariétaux et millésimés), ainsi que sa propre marque JB.
Son Streuobst 2018, composé majoritairement de jus de reines des reinettes mélangé à une levure qui convient à la fermentation à froid est un cidre structuré, complexe et très élégant. Jens Becker réalise aussi un cidre plus traditionnel totalement naturel, sans levure, non filtré et sans sulfites, que des habitués viennent déguster dans son bar-boutique.
Le cidre francfortois souffre d’une mauvaise image, car il n’est pas protégé, et de nombreux producteurs industriels utilisent du jus concentré de pommes en provenance de Chine… Mais le produit artisanal est intéressant et mérite la découverte. À Francfort, le cidre a même droit à un événement annuel : “Cider World”, une foire internationale à destination des professionnels et du public qui se déroule en avril.

Des saucisses au ramen
Francfort est aussi réputée pour sa “saucisse de Francfort”, saucisse de porc fumée avec laquelle on réalise les hot dogs. Mais force est de constater qu’on en trouve peu en ville… Existant depuis 1877 (mais entièrement reconstruite en 1954, après sa destruction en 1944), la Kleinmarkthalle, le marché couvert de Francfort, compte 156 échoppes. Dont celle de Frau Schreiber, consacré aux saucisses. Bon pied, bon œil, la dame de 83 ans vous servira des Krakauer (saucisses polonaises), des Fleischwurst (saucisses de porc de type saucisse de viande ou bologne), des Gelbwurst (saucisses bavaroises)… avec du pain et de la moutarde. Une institution du marché !

Mais Francfort est aussi une ville cosmopolite. Chez Erno’s Bistro*, une adresse créée en 1974, le chef Valéry Mathis sert une cuisine française soignée. Tandis qu’au restaurant Lohninger, la cuisine du chef autrichien Mario Lohninger est le reflet de sa vie de bourlingue entre New-York, Los Angeles ou Paris. Mais ce sont ses plats d’enfance qui sont les plus convaincants : Schnitzel ou Kaiserschmarrn (crêpe soufflée).

Le quartier de la gare, zone difficile où la drogue circule à foison, connaît cependant une gentrification intense. Les frères Ardinast, de jeunes entrepreneurs, y ont ouvert leur Bar Shuka dans le 25hours Hotel The Trip. Au menu, une cuisine comme à Tel Aviv, à grands coups de falafel, kebab, houmous et taboulé au freekeh (blé dur vert).

Mais l’adresse à ne surtout pas manquer, c’est Muku, un bar qui, selon de nombreux Japonais, sert les meilleurs ramens d’Europe ! Il est vrai qu’ils y sont particulièrement savoureux. À déguster avec un excellent saké. Et il y a du choix ! L’adresse les importe directement du pays du Soleil levant.
Capitale vegan
On savait que Berlin offrait une large sélection d’adresses végétaliennes de qualité, mais Francfort n’est pas en reste ! Il y a d’abord le restaurant Lafleur** (voir ci-dessous) qui, sans être 100 % vegan, propose un menu de haute gastronomie végétale bluffant. Il y a également Seven Swans*, qui sert des assiettes étoilées contemporaines. Mais de nombreuses petites adresses offrent des propositions vegan sympas. Parmi celles-ci, le café Siesmayer, dans le Palmengarten. On pourra y déguster le fameux Frankfurter Kranz, un gâteau au beurre et à la confiture de groseille, mais aussi, pourquoi pas, une forêt noire, en mode vegan cette fois !

Dans le quartier excentré de Bornheim-Ostend, on ira aussi chez Leuchtendroter. L’endroit branché sert des petits plats vegan à partager bien tournés. À accompagner d’une chouette sélection de vins nature.
Les bistrots modernes (pas vegan) ne manquent pas non plus à Francfort : Bidlabu*, Chairs… Au Emma Metzler, aux abords du parc Metzler, on goûtera à une cuisine de saison enthousiasmante à déguster dans un cadre bucolique.

À seulement trois heures en train de Bruxelles avec l’ICE, Francfort mérite vraiment la découverte !
Lafleur, haute cuisine végétale
Le restaurant Lafleur** se fond parfaitement dans son environnement. Son bâtiment moderniste d’un blanc immaculé est installé dans le superbe Palmengarten de Francfort. Et lorsqu’on pousse la porte du restaurant, de grandes baies vitrées donnent à voir le superbe tapis de fleurs Siesmayer, tandis qu’à l’intérieur, les murs couverts de palmiers finissent d’immerger les gourmands dans un univers exotique.
Dans cet écrin de nature, le chef Andreas Krolik, sert une cuisine classique raffinée à travers deux menus sept services, l’un avec poissons et viandes, l’autre entièrement végétalien.

Andreas Krolik est originaire d’un petit village de Saxe-Anhalt, un État du centre de l’Allemagne. “On avait un grand potager plein de légumes et de fruits, on avait des cochons, des poulets, des lapins… De mars à début décembre, on avait même des oies. Pendant une grande partie de l’année, on vivait de notre propre production. On faisait des gelées, des fermentations, des jus… Ça a formé mon goût ! ”, révèle le chef, qui a travaillé dans plusieurs restaurants en Suisse et en Allemagne. C’est au Brenners Park Hotel&Spa de Baden-Baden que le chef décrochera sa première étoile en 2005, puis la seconde en 2010.
En 2012, Krolik débarque à Francfort, d’abord au Tigerpalast, puis au Lafleur. Il proposait un menu végétarien depuis 2002, si bien que, lorsqu’on lui a proposé de relever le défi d’un menu entièrement végétalien, il a tout de suite été emballé. Il a commencé en mars 2015 et aujourd’hui 25 % de sa clientèle choisit ce menu.

Saveurs locales
Lorsqu’on déguste les assiettes de Krolik, difficile de dire si celles-ci sont vegan ou pas ! “On remplace la crème par différentes sortes d’huiles : de noix, végétales… On a les mêmes saveurs, les mêmes textures”, explique le chef, qui utilise champignons, tomates et tous les légumes-racines pour amener de l’umami dans ses plats. “J’ai étudié tous les ingrédients de mon enfance pour avoir des saveurs naturelles. Je n’utilise pas de produits industriels”, ajoute Krolik. Une asperge blanche locale cuite avec précision est ainsi servie avec une salade de pommes de terre et une Grie Soss raffinée. On est bien dans un restaurant gastronomique qui assume son germanisme. Et ça c’est rare en Allemagne !



Andreas Krolik travaille avec les producteurs et artisans de sa région, comme Matthias Kroll, qui cultive des champignons bio (shiitakés, nameko, maitake…) dans des souterrains qui ont accueilli un club de combat yougoslave… Ce soir-là au resto, ce sont ses superbes shiitakés qui avaient les honneurs du chef, travaillés en raviolis, marinés et sous forme de bouillon.

Ce qui frappe aussi au Lafleur c’est la formidable carte des vins. Ici, pas de petits vins nature qu’on associe souvent à la cuisine vegan, mais des grands crus exceptionnels. Preuve qu’on peut tout boire avec ce type de cuisine, lorsqu’elle est gastronomique. Un superbe Château Lafleur 2001 – le Pomerol qui a donné son nom au restaurant – s’associait ainsi à merveille avec la cuisine du chef !

- Rens. https://www.restaurant-lafleur.de/
- Menus 7 serv. 215€.