Obésité : gare aux régimes ! Et écoutons nos sensations...
Faire régime, culpabiliser, nous dicter des principes, ... tous ces facteurs peuvent aggraver la prise de poids. Écoutons-nous d'abord ! Entretien avec une diététicienne de l'hôpital Erasme.
Publié le 07-05-2015 à 17h01 - Mis à jour le 08-05-2015 à 09h22
Les régimes, culpabiliser, nous dicter des principes, ... tous ces facteurs peuvent aggraver la prise de poids. Écoutons-nous d'abord !
1,9 milliard d'adultes en surpoids dans le monde ! L'Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d'alarme et met en garde : l'Europe va devoir faire face à une véritable épidémie d'obésité d'ici 2030. Si les premiers concernés restent les pays anglo-saxons, la Belgique peut également s'en inquiéter car, d'après l'OMS, 20% des adultes souffriraient de cette maladie. Pourquoi une telle augmentation ? Devons-nous remettre en cause notre mode de vie ? Notre alimentation ? Pour Viridiana Grillo, diététicienne à l’hôpital Erasme, il est avant tout essentiel d'écouter nos sensations alimentaires.
Comment mangeons-nous?
Si les causes de surpoids sont notamment à mettre sur le dos de la malbouffe, elles sont aussi liées à notre manière de manger. Et donc pas uniquement à ce qu'on met dans son assiette. On le sait, nous mangeons trop de produits industrialisés, mais nos repas sont régulièrement pris sur le pouce, de moins en moins à la maison, en famille. « On le remarque, en France et en Italie par exemple, l'esprit de famille reste primordial et la gastronomie centrale à table. On y constate légèrement moins de cas de surpoids que chez nous. Bien entendu, cet esprit de famille existe encore en Belgique, mais il diminue de plus en plus », explique Viridiana Grillo.
L'obésité est une maladie reconnue depuis peu, il est difficile d’en guérir et la génétique n’intervient que pour un très faible pourcentage. Nous ne sommes évidemment pas tous égaux face au poids, seulement les facteurs familiaux jouent un très grand rôle. « Si nos parents nous apprennent à manger déséquilibré, qu'ils ne nous habituent pas au repas à table en famille, qu'ils oublient de nous apprendre à goûter et à apprécier la nourriture, les enfants pourraient reproduire ce modèle toute leur vie », ajoute-t-elle. Aussi, une forte prise de poids peut être la conséquence de pathologies, comme les inflammations qui empêchent l'activité physique ou encore les douleurs qui poussent certaines personnes à manger pour s'apaiser.
Un problème de volonté ? Ou de régimes ?
Généralement, les personnes obèses sont perçues comme faisant état de mauvaise volonté. Et pourtant, une partie d’entre elles mange de manière équilibrée, en tout état de cause. Elles consultent pour perdre un poids pris il y a déjà plusieurs années. « Il ne faut pas que les personnes en surpoids et/ou en obésité pensent que la volonté est la seule chose qui leur manque pour maigrir car je dis bravo aux personnes qui réussissent à maintenir des régimes les uns après les autres. Elles font preuve d'énormément de volonté, mais cela ne suffit pas. Le problème de tous ces régimes rapides, c'est qu'on perd de la masse grasse et aussi de la masse maigre (muscles ). Si on ne renforce pas nos muscles avec une activité physique simultanée, on en perd. Et notre métabolisme de base (ce que notre corps a besoin uniquement pour vivre) baisse également. Du coup, même en mangeant peu, à force de régimes, on finit par reprendre du poids. Et souvent bien plus qu'avant d'entamer le ou les régimes. Le cercle vicieux, c'est qu'on risque alors de se sous-estimer, on se dit que foutu pour foutu on n'y arrivera jamais, autant manger », prévient la diététicienne.
Quant à la chirurgie, les résultats ne sont plus à démontrer. Mais c'est à court terme pour certains qui reprennent progressivement leurs kilos à force de privations, rejetant à présent cette frustration. « Aussi, il est important de prévenir le patient des conséquences sur sur sa vie personnelle. Certains couples ne survivent pas à la perte de poids. En bref, ce n’est pas une baguette magique »
Renouer avec ses sensations alimentaires
De plus en plus, nous mangeons parce qu'il faut manger et à des moments précis de la journée. Nous écoutons les conseils prônés par les organismes de santé, comme le fait de manger cinq fruits et légumes par jour, manger moins de viande rouge, manger moins gras, …. Et pour finir, nous sommes perdus. « Je pense que ces messages à propos de l'alimentation n'aident pas. Les patients que je vois sont perdus. A l’époque de mes grands-parents, par exemple, ces diktats n'existaient pas et pourtant l'obésité était bien moins présente. Je pense qu'il est essentiel d'apprendre plutôt à écouter ses propres sensations alimentaires. Est-ce qu’on a encore faim de nos jours, dans nos pays industrialisés ? », constate Viridiana Grillo. « L'équilibre alimentaire est , je pense, très important, mais se dire par exemple que le chocolat est un aliment mauvais alors qu'on adore cela, peut pousser à des situations de culpabilité. Manger doit rester un plaisir. On doit apprendre à se déstresser. Déguster un bout de chocolat, ce n'est pas grave et ça fait du bien », explique-t-elle. Il n'existe pas encore de statistiques exactes pour analyser le bon fonctionnement de cette méthode basée sur l'autorégulation de son alimentation, mais est-ce que les autres méthodes fonctionnent?
Éviter de prendre du poids, les conseils de la diététicienne :
- L'éducation. Il est important dès le plus jeune âge d'apprendre aux enfants à manger de tout. Ne pas les forcer car ils pourraient au final se braquer. Le mieux, c'est de leur faire goûter un ingrédient et puis de réessayer plus tard s'ils n'ont pas aimé. Les goûts changent en grandissant. Un petit conseil : préparer à manger en leur compagnie pour qu'ils prennent connaissance de l'alimentation.
- Gérer les quantités . Nous mangeons trop. Mais les quantités de notre assiette ne doivent pas nous être dictées. Nous devons trouver notre équilibre alimentaire. Même chose pour les enfants, il est important de les laisser manger ce dont ils ont besoin.
- Manger à table , en famille.
- Une alimentation équilibrée , mais ce n'est pas tout.
- Travailler la dégustation, les sensations. Manger lentement, apprécier.
- L'activité physique . Nous travaillons beaucoup, nous voulons tout, tout de suite, mais le sport, cela se programme et c'est essentiel pour notre santé. Nous devons nous choisir une activité qui nous plaît et pas pratiquer un sport parce qu'il le faut. Cela doit rester un plaisir avant tout.
- Ne pas culpabiliser. Il est important de se dire que ce n'est pas grave de craquer. Cela fait partie de la régulation émotionnelle.