Harcèlement scolaire : le phénomène insidieux

Le harcèlement à l'école est difficile à identifier et à nommer tant il prend des formes différentes. De plus, il semble souvent invisible aux yeux des adultes qui ne perçoivent que des faits isolés sans pouvoir les mettre bout à bout. La chronique de la coach scolaire et parentale, Nathalie Vancraynest.

Nathalie Vancrayenest
Harcèlement scolaire : le phénomène insidieux
©Pexels

Le harcèlement à l'école est difficile à identifier et à nommer tant il prend des formes différentes. De plus, il semble souvent invisible aux yeux des adultes qui ne perçoivent que des faits isolés sans pouvoir les mettre bout à bout. La chronique de la coach scolaire et parentale, Nathalie Vancraynest.

Toutes les semaines, je reçois des élèves qui m’expliquent que le surveillant a vu et qu’il n’a rien dit, leur institutrice les a renvoyés jouer lorsqu’ils cherchaient de l’aide et monsieur le directeur leur demande de se défendre et ils finissent par être punis… Autant de réactions inadaptées, dont les enfants tirent une conclusion erronée : "Les adultes sont indifférents à leurs souffrances".

De quoi parle-t-on ?

Dans les années 1970, lors d’une étude réalisée dans des établissements scolaires scandinaves, le psychologue, Dan Olweus a déterminé trois critères permettant de définir le harcèlement.

  • Une volonté délibérée de nuire , l’intentionnalité est contestée par les harceleurs au nom du « c’est pour rire », elle est établie lorsque les actions ont pour objectif d’humilier et d’exclure.

  • Les agressions sont répétées et s’inscrivent dans la durée .

  • La relation entre l’agresseur et la victime est asymétrique . Elle entraîne un positionnement dominant et dominé. Le rapport de domination va s’établir et se figer avec l’aide des témoins qui renvoient à l’agresseur son sourire de connivence et confirment ainsi le rôle des protagonistes. C’est l’action conjuguée des témoins et du harceleur qui va condamner la victime à l’impuissance.

Pour fonder un diagnostic, j’ajoute les deux caractéristiques mises en avant par Hélène Romano*.

  • Le sentiment d’insécurité vécu par la victime. Pour l’enfant, le harcèlement scolaire est traumatisant (et ce n’est pas parce que cela a toujours existé que ce n’est pas grave). Les croyances et les certitudes de l’élève confronté à une violence qui n’a aucun sens s’effondrent et il n’y a plus aucune issue ! L’enfant vit donc le monde extérieur comme hostile et cette hostilité le poursuivra parfois dans sa sphère privée.
  • La blessure psychique infligée et les conséquences psychologiques: l’angoisse permanente que ressent l’enfant ou l’adolescent entraîne des troubles de la concentration, de la mémorisation et de l’apprentissage, qui immanquablement auront des répercussions sur sa scolarité.

De plus, les attaques à l’identité et l’intimité de l’enfant font s’effondrer son estime personnelle, ces enfants se perçoivent comme mauvais, coupables de ce qui leur arrive, incapables d’y réagir. De la sensation de danger imminent découle de l’hyper-vigilance. Les enfants soumis à ce stress chronique développent des troubles obsessionnels compulsifs, psychosomatiques, troubles du sommeil avec des répercussions à long terme : dépression, conduite antisociale, suicide.

Avoir une connaissance des formes et des signaux faibles du harcèlement nous permettra d’être plus attentifs, sans toutefois verser dans la panique et la paranoïa !

Les formes du harcèlement scolaire

Harcèlement scolaire : le phénomène insidieux
©iStock / Getty Images

Le harcèlement scolaire est multiforme et souvent invisible et larvé. Tout est bon pour humilier et forcer l’autre à se soumettre.

Le harcèlement moral : insultes, menaces, contrainte, isolement..., il est presque toujours accompagné de harcèlement physique : coup de genou, tape sur la tête… c’est lui qui crée le sentiment de terreur, la violence est gratuite, elle sert à humilier l’autre.

Le harcèlement sexuel : attouchement, déculottage, moqueries, insultes, photomontage pornographique. La vulgarité des propos ne choque pas les auteurs et si un adulte les reprend, la réplique est facile « C’est pour rire ! », « On fait rien de mal ! »

Le harcèlement matériel : les attaques visent ici les effets personnels et scolaires de l’élève. Il est accompagné ou non de violence physique, c’est le type d’agression subie en classe, car la victime n’ose pas se manifester par crainte des représailles de l’enseignant. L’objectif n’est pas de s’approprier ses biens, mais de les détruire par plaisir.

Le harcèlement alimentaire : il est rarement repris dans les formes de harcèlement. Ce n’est pas du racket parce que la nourriture ne sera pas consommée. Elle sera abîmée et rendue impropre à la consommation.

Le cyber-harcèlement : il prolonge et propage le harcèlement vers l’extérieur de l’établissement. C’est certainement la forme la plus connue du grand public, et la plus visible.

Les jeux dangereux : Ils portent de doux noms : « rêve bleu », « rêve indien », « Taureau »… dans tous les jeux, l’enfant sera malmené physiquement et mentalement : manque d’oxygène, coups, humiliation et blessures en tout genre.

Les signaux faibles

Harcèlement scolaire : le phénomène insidieux
©Pexels

Ce qui est troublant dans les témoignages des parents et adultes, c’est qu’ils n’ont pas vu ou qu’ils ont attribué les signaux à d’autres causes.

En effet, il n’y a pas de manifestations spécifiques au harcèlement scolaire. C’est la multiplication et la persistance des indices qui doivent alerter les adultes.

Parmi les signes, il y a : les changements de comportements, la tristesse, les visages figés, la fuite dans les séries et jeux vidéo, des notes en chutes libres (c’est souvent ce critère qui amène les parents à consulter, sans qu’ils se doutent de ce qui se trouve derrière), les vêtements, le cartable, le matériel scolaire abîmés ou perdus sont aussi des signes.

En n’oubliant pas les plaintes somatiques du dimanche soir. Les petites phrases : « Je n’ai pas d’amis », « Je me suis fait traiter », « On m’a encore piqué mon… », « Je suis nul », « Tout est de ma faute ».

À l’intérieur de l’établissement scolaire, le personnel repérera l’écolier isolé dans le réfectoire, l’élève qui trouve refuge à la bibliothèque, qui reste en classe et est systématiquement le dernier choisi lors d’activités de groupe. Les enseignants seront attentifs aux élèves subissant les moqueries de leurs camarades, à ceux qui se figent lorsqu’ils sont interrogés.

Les absences et les retards injustifiés peuvent aussi être envisagés comme des signaux faibles.

Soyez attentifs à tout, écoutez : lorsqu’un enfant, un adolescent a peur, il est très inventif et il trouve des excuses à tout, à l’adolescence les signes sont encore plus ambigüs. Et sachez-le : tous les enfants et adolescents sont susceptibles d’être harceleurs ou harcelés à un moment ou un autre de leur scolarité.

Dans la prochaine chronique, je vous expliquerai les bons réflexes pour prévenir et agir.

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>> Pour aller plus loin

- *Hélène Romano, Harcèlement en milieu scolaire, victimes, auteurs : que faire ? Paris, Dunod, 2015

- B. Humbeeck, W. Lahaye, M Berger, Prévention du harcèlement et des violences scolaires, prévenir, agir, réagir…, Belgique, de Boeck, 2016

- Pour les maternelles : Fanny Rondelet, "Le secret d’Hugo", Esserci

- Pour les enfants du primaire : D. de Saint-Mars,"Max est racketté" ; "Max se fait insulter à la récré" ; "Lili se fait piéger sur internet", Calligram. ou C. Missonier, M. Boutavant, "Si j’avais un copain grand et fort", Nathan poche 6-8 ans

- Pour les élèves du secondaire : Jo Witek, "Un hiver en enfer", Actes Sud Junior, 2014

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