Comment gérer la peur des enfants?
Beaucoup d’entre nous aimeraient dispenser leurs enfants de la désagréable sensation de la peur, pourtant est-ce souhaitable ? La chronique de la coach parentale et scolaire Nathalie Vancrayenest.
Publié le 23-02-2018 à 11h48 - Mis à jour le 23-02-2018 à 14h07
Beaucoup d’entre nous aimeraient dispenser leurs enfants de la désagréable sensation de la peur, pourtant est-ce souhaitable ? La chronique de la coach parentale et scolaire Nathalie Vancrayenest.
La peur est classée comme émotion négative au même titre que la tristesse et la colère, mais elle n’en reste pas moins une émotion importante à comprendre et à vivre.
La peur au service de notre survie
C’est la première émotion que traite le cerveau des bébés : un bruit trop fort, une sensation de faim qui se prolonge... Et la seule partie mature du cerveau du nourrisson le met en garde et le prévient d’un danger pour sa survie.
La peur correspond à un sentiment d’inquiétude, d’alarme en présence ou à la pensée d’un danger, d’une menace, d’un inconnu. Ce que nous ne connaissons pas nous fait peur et paradoxalement nous invite à la curiosité, au désir de savoir.
La peur liée à l’instinct de survie nous permet d’adapter notre comportement, nos attitudes face à l’environnement (si nous n’avions pas peur, nous ne pourrions pas survivre). Les enfants que l’on dit sans peur sont souvent des dangers pour eux-mêmes et pour les autres !
La peur de rien traduit une peur de tout, même de sa peur que l’enfant s’interdit de ressentir.
De plus, les peurs de nos enfants vont les aider à grandir ! Inutile, toutefois, de les exposer à des peurs, des histoires non adaptées à leur âge pour les aguerrir. Surmonter ses peurs demande du temps et de la patience. L’adulte ne doit pas imposer son rythme « ça suffit maintenant, ça fait une semaine qu’on lit l’histoire » .
Les peurs qui font grandir
Tous les enfants rencontrent des peurs liées aux phases de développement psychoaffectif. Elles sont normales et sont les signes de la maturation cérébrale.
Parmi les peurs que ressentent les enfants :
- La peur des bruits forts se manifeste dès la naissance, même si le nourrisson ne réagit pas, son cerveau enregistre la peur. La peur des huit mois intervient lorsque le bébé se différencie de sa mère. La peur du noir est associée à un stade de développement de sa pensée, ce qu’il ne voit pas n’existe pas. Dans son système de pensée, l’enfant qui ne voit plus s’imagine que lui aussi devient invisible et donc qu’il peut disparaître. Avec la peur de s’endormir, l’enfant indique sa difficulté à lâcher le contrôle, il a besoin de sécurité comme lorsqu’il exprime la peur de perdre ses parents, la peur des premières fois. Nous vivons aussi avec des peurs plus archaïques, celles des animaux, des caves, des greniers et des grottes, peurs auxquelles nous pouvons ajouter celle des monstres qui nous indique que l’enfant n’a pas encore la capacité pour distinguer réel et imaginaire…. La peur de la mort survient généralement lors de l’adolescence, moment où l’adolescent prend conscience de sa finitude, de celle de ses parents. Les manifestations de la peur sous forme de cauchemars et de terreurs nocturnes inquiètent souvent les parents. Ils sont à distinguer et à prendre en charge de façon différenciée.
- Les cauchemars surviennent en milieu ou fin de nuit, durant le sommeil paradoxal. Ils sont un signe de l’évolution de l’enfant entre 2 et 6 ans. Le cauchemar lui permet d’évacuer les tensions et les peurs de sa journée, d’exprimer des sentiments ambivalents par rapport à ses parents.
- Les terreurs nocturnes interviennent en début de nuit lors des phases de sommeil lent. Elles impressionnent et inquiètent les parents : l’enfant hurle, il est en sueur, son regard est horrifié, il ne reconnaît pas ses parents, il est endormi. Le matin, il ne se souvient pas, il ne peut rien expliquer. Les terreurs nocturnes apparaissent souvent au moment où l’enfant est soumis à un stress : entrée en maternelle, divorce, déménagement, fin des siestes… L’enfant a besoin de beaucoup de sommeil, de période de récupération.
- Il existe une peur insurmontable pour l’enfant, car elle impensable, invisible et indicible : celle de ses parents ! Pourtant, beaucoup d’enfants de parents tyranniques, pervers narcissiques, toxiques la vivent au quotidien. Cette peur, ils la traduiront dans des comportements de suradaptation aux exigences parentales, des comportements d’hyper-vigilance et de contrôle, des comportements que les adultes non avertis considéreront comme difficiles : hyperactivité, insolence, violence… Mais aussi par des comportements exemplaires lorsque l’enfant s’est suradapté et devient l’enfant modèle ! Comment grandir, lorsque ceux qui devaient vous protéger vous menacent, vous terrorisent… ?
La peur excessive compromet le développement de l’intelligence et le bon déroulement de l’apprentissage. Avec l’imagerie médicale, nous savons que les traumatismes s’impriment dans le développement du cerveau. Faire peur, menacer ou encore contraindre pour espérer obtenir un résultat n’est jamais une bonne façon d’éduquer un enfant ou un adolescent.
La peur comme système éducatif nous enferme dans une spirale qui nécessite toujours plus de contraintes et de répressions, est-ce vraiment ce que nous souhaitons aux générations à venir ?
Aider son enfant à surmonter la peur, mode d’emploi

Respecter la peur de vos enfants ne les rabaisse pas au rang de pleutres, de peureux, de poules mouillées.... Mépriser la peur des enfants ne les aide pas à devenir des adultes courageux.
- Écoutez et interrogez les peurs. Rassurez sans écouter, sans comprendre n’aide pas à surmonter, n’aide pas à guérir. « Tu n’as pas à avoir peur, t’es un grand » « Tu ne dois pas avoir peur » … sont autant de façon de montrer à l’enfant qu’il n’est pas à la hauteur de ce que vous attendez. Ce chien lui fait peur, parce qu’il aboie ? Qu’il est noir ? Parce qu’il saute ? Qualifiez la peur, segmentez-la. Ainsi fractionnée, elle sera plus facile à dominer.
- Dédramatisez, en admettant vos peurs. Vous servirez ainsi d’exemple, l’enfant pourra s’inspirer de vous.
- Cherchez des ressources intérieures et extérieures avec l’enfant, l’adolescent pour qu’il se crée de vraies forces. Faites appel à ses expériences antérieures : première descente de toboggan, rentrée en maternelle, piscine…
- Aidez-le à se libérer des tensions et à évacuer l’énergie des sensations désagréables, en dessinant, modelant, en sautant, courant… Trouvez avec lui ce qui lui fait du bien !
- Recherchez avec lui de l’information sur les choses qui l’effraient. Lorsque l’on « connaît », on a moins peur.
- Élaborez différentes réponses et scénario possibles avec lui : « Tu peux demander au maître du chien si tu peux le caresser », « Nous pouvons changer de trottoir » …
- Apprivoisez ses peurs demande du temps, les histoires adaptées où l’enfant s’identifie aux héros l’aide à prendre en compte son émotion, à la normaliser et enfin la vaincre. Si vous considérez les contes de fées comme des histoires violentes, alors choisissez des histoires plus modernes, l’important c’est de respecter l’âge de l’enfant. S’il a peur des monstres à 5 ans, pas question de lui faire regarder « Terminator » ou « Alien » !
- Un enfant ne devrait jamais être seul devant un écran, il ne perçoit pas la différence entre réalité et fiction et les images peuvent le traumatiser. En cas de cauchemar, dites-lui que c’est pour de « faux », mais que vous comprenez que cela puisse lui paraître réel. Expliquez-lui que les cauchemars arrivent lorsque l’on a eu peur. Modifiez le rituel du soir durant quelques jours, mais restez ferme sur le moment du coucher. Ne vous précipitez pas au moindre bruit.
- Les terreurs nocturnes demandent une autre approche. Surtout, ne réveillez pas l’enfant, vous accentueriez sa confusion et son inquiétude. Le lendemain, expliquez-lui qu’il a eu comme un grand sursaut, mais qu’il a bien dormi. Respectez son rythme de sommeil et allégez les agendas.
- La limite entre la peur normale et les peurs pathologiques que sont les phobies tient dans les rituels qui se transforment en TOC et dans les stratégies d’évitement que met en place l’enfant, l’adolescent.
- N’amplifiez pas ses peurs avec les vôtres : « Ne fais pas ça, tu vas te faire mal » « Attention », « je te l’avais bien dit »…. Le monde n’est pas dangereux lorsque l’enfant le comprend !