A Viangro, les femmes mettent du tonus dans les pruneaux
Entre la réception des carcasses et la livraison des produits, les tâches dans l’usine Viangro requièrent dextérité et force physique. A travers des témoignages, des photos et des vidéos, LaLibre.be vous emmène "Dans le secret des lieux".
- Publié le 18-05-2014 à 12h08
- Mis à jour le 15-06-2014 à 12h10
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Entre la réception des carcasses et la livraison des produits, les tâches dans l’usine Viangro requièrent dextérité et force physique. LaLibre.be vous emmène "Dans le secret des lieux".
Pendues à des crochets, des carcasses de vaches sont poussées par deux bouchers vers une chambre froide. Les pièces attendront là, au calme, avant le début d’une longue série d’étapes. "Il s’agit de la phase initiale, qui consiste à réceptionner les marchandises, que ce soit des pièces de porc, de veau, d’agneau…", explique Brigitte Borremans, la porte-parole de Viangro.
Ce grossiste en viandes implanté à Anderlecht est l’un des leaders du marché belge de la production et de la distribution de composants de repas à base de viande. Il fournit des grandes surfaces (Carrefour, Delhaize, Lidl), des collectivités (crèches, écoles, hôpitaux, homes de repos) mais aussi quelques grands noms de la restauration commerciale (Lunch Garden, Exki, Quick, Sodexo).
Après avoir tranquillement patienté sur leurs crochets, les carcasses vont être amenées dans l’atelier de désossage. Là, pas de quartier ! Chaque pièce est découpée dans un mélange de vitesse et de force physique. "Avec un tel exercice, les ouvriers ne doivent plus aller à la salle de sport le soir", plaisante Brigitte Borremans.
"Par jour, il y a 42 à 45 tonnes qui nous passent entre les mains. Même si je me lève tôt, après mes 8 heures de travail, je ne parviens pas à dormir, tant je suis énervé", explique Vincent, 46 ans. Le corps protégé par de la cotte de mailles, ce travailleur passe son temps debout à trancher de la viande avec une précision inouïe. Les déchets sont jetés tandis que les beaux morceaux sont placés sur un tapis pour être ensuite découpés.
Par après, direction le parage. Cette phase consiste à retirer les graisses et les nerfs, que ce soit au couteau ou en passant dans une machine. Autour de la table, tels des taureaux obnubilés par la muleta du matador, la quarantaine d’ouvriers ont le regard fixé sur les morceaux qui défilent. Et parmi eux, des femmes.
"Voici 10 ans, je n’aurais jamais imaginé qu’on ait des femmes dans le métier, mais elles sont bien intégrées", témoigne Rudy Vankerkove, l’un des piliers. "Les femmes ‘mettent du tonus dans les pruneaux’, leur présence stimule les hommes moralement. Ajoutez à cela qu’au niveau finesse, c’est autre chose… Et puis, quand on les forme, on arrive plus vite à un résultat généralement."
D’ailleurs, Przybyszewska semble avoir pris le pli sans difficulté. Avec un accent polonais difficilement perceptible dans le brouhaha des machines, elle reconnaît malgré tout que "l’après-midi, on ressent la fatigue car tout va vite vite. Ce n’est pas du cinéma ici".
Dans cette même salle, certains morceaux sont directement emballés sous vide puis passés dans un bain d’eau chaude pour bien raffermir le tout. Sur chaque étiquette, figurent le type de produit, le poids, la destination… afin d’assurer une parfaite traçabilité. Cette tâche incombe généralement à des membres moins qualifiés, mais qui doivent connaître parfaitement chaque catégorie de viande.
"Nous avons 600 employés, dont des jeunes sans qualification à qui nous apprenons le métier. Certains ont raté leurs études et arrivent ici avec deux mains gauches. Il faut donc les récupérer et voir s’ils en veulent, s’ils ne sont pas trop désabusés. Nous insistons alors beaucoup sur le fait qu’ils peuvent évoluer via des promotions internes", détaille Brigitte Borremans.
En passant dans une salle connexe, la température augmente de quelques degrés. Là, la viande continue à être découpée, de manière plus précise. "J’essaie de portionner des tranches égales, avec un poids fixe, en faisant le moins de déchets possible", expose Stany. Doté d’une dextérité à faire pâlir un chirurgien, il remplit les raviers à bride abattue. "Je ne suis pas rapide, je suis très rapide ! Mais je n’ai pas dit que j’étais le meilleur", plaisante-t-il, avant d’ajouter, plus humblement, que "l’expérience y est pour beaucoup".
Pas très loin de lui, André exerce l’une des tâches les plus dangereuses : il scie la viande. "Je ne me suis jamais blessé mais cela demande beaucoup de concentration", précise-t-il sans quitter son instrument du regard.
Dans la même pièce, les commandes pour les collectivités sont préparées. "Ici, c’est à la carte", souligne Brigitte Borremans. "Certains clients ne veulent que 39 morceaux, et pas 40. Évidemment, le grammage est très important car, au self-service, les clients payent le même prix donc il faut veiller à ce que les morceaux soient identiques." Tous seront ensuite emballés sous vide ou placés sur des barquettes pour être consommés rapidement.
Dans une autre aile de l’usine sont stockés de nombreux plats préparés. Boulettes sauce tomate, saucisses avec stoemp aux carottes, roulades de chicons, carbonnades, préparations asiatiques ou libanaises… : Viangro propose un service traiteur très varié. De nombreux mets sont d’ailleurs cuisinés sur place. " Nous disposons d’un très grand four mais aussi d’un steriflow, qui est une espèce d’immense casserole à pression, où l’on sait faire cuire 300 kilos de carbonnade, par exemple ", détaille Brigitte Borremans.
En continuant de s’enfoncer dans ce labyrinthe qu’est Viangro, l’une des salles attire directement l’attention. De nombreuses caisses frappées du logo "Quick" y sont accumulées. Dans une ambiance bruyante, un tapis fait avancer les pièces de bœuf dans un tunnel de congélation. À la sortie, un ouvrier veille à la qualité des hamburgers, qui sont ensuite placés dans les boîtes.
"Si nous sommes connus pour notre hamburger, c’est grâce à Quick, qui est un client exigeant", s’enthousiasme Brigitte Borremans. "Soit vous répondez aux attentes de tels clients et vous progressez avec eux, soit vous freinez et le contrat se rompt."
Quick n’est évidemment pas le seul client à se fournir en hamburgers, ce produit ayant particulièrement la cote ces dernières années. "Ils sont énormément vendus dans le marché de la collectivité car ils conviennent à pas mal de régimes alimentaires et culturels. Ils plaisent aussi bien aux personnes âgées qu’aux jeunes. Et puis, pour le budget, il s’agit d’un produit abordable", analyse Brigitte Borremans.
Une fois prêtes, les caisses de hamburgers rejoignent les autres commandes stockées dans le grand hangar. Dès 5h30, les 50 chauffeurs viendront les charger dans leur camion pour les livrer vers les 1200 points de ventes que Viangro dessert.
Reportage : Jonas Legge
Photos : Christophe Bortels