Ces "jeux" de plus en plus risqués des ados

Les adolescents affichent de plus en plus de défis risqués sur les réseaux sociaux (voir la liste dans l'article). Nouvelles tendances du net ? Eh bien non, la prise de risque est une phase faisant partie de l'adolescence. Philippe Van Meerbeeck, psychiatre spécialiste de l'adolescence, et Olivier Dupuis, psychologue, nous éclairent sur ce sujet.

Charlotte Maret (ST.)
Fire challenge
©print screen Youtube

Les adolescents sont-ils conscients de leurs actes? Cette question survient après qu'un garçon âgé de 14 ans ait été poussé, la semaine dernière, dans le canal Albert par ses amis (voir ici ). Une scène filmée et postée sur les réseaux sociaux. De plus en plus de jeunes exposent ainsi leurs actions les plus inconscientes sur le net. On le remarque avec les nombreux défis comme le Happy slapping, la Neknomination ou le Fire challenge (explications ci-dessous) qui envahissent les réseaux sociaux. Ils ont une caractéristique commune : ils sont potentiellement dangereux. Ces simples jeux ou ces véritables défis du net ont déjà fait beaucoup d'accidents ainsi que plusieurs morts.

L'adolescence est un âge où l'on surestime sa force et son courage. Pour Philippe Van Meerbeeck, psychiatre spécialiste de l'adolescence, "les adolescents ne mesurent pas toujours le danger et sont plongés dans une forme d'illusion". Dès lors, ils vont prendre des risques et braver les interdits. Selon Olivier Dupuis, psychologue, "c'est pour voir s'ils ont droit à la vie". Il ajoute que  "toute personne en crise d'adolescence prend des risques. C'est un comportement assez normal qui fait partie du développement. Pendant cette période, les adolescents vont fumer, tricher ou publier des 'jeux' à risque sur le net. D'autres vont aller plus loin, et tenter de se suicider. A ce moment-là, on peut parler de pathologie."

La conduite à risque traduit un besoin de se forger une identité. Entre la période de l'enfance, où on dépend fortement de ses parents, et le monde de l'adulte, trouver qui on est, serait essentiel. Selon Philippe Van Meerbeeck, "la prise de risque fait partie des traditions de la construction identitaire. Avant, les rites marquaient le passage à la vie adulte, et étaient cadrés. Aujourd'hui, ils ne le sont plus. Et les adolescents inventent eux-mêmes leurs propres rites sous forme de défis".

La prise de risque chez les adolescents peut également exprimer un mal-être caché. Olivier Dupuis explique que "l'adolescent envoie un appel à l'aide, un message pour montrer qu'il existe et pour faire réagir les autres". Il ne faut toutefois pas en faire une généralité, chaque adolescent suit sa propre route. Tous ne sont pas obligés de s'exposer au danger pour devenir un adulte équilibré.

Traditionnellement, les garçons prenaient davantage de risques que les filles. "Aujourd'hui, cette séparation est moins marquée. L'éducation n'est plus différenciée. Bien qu'il y ait toujours plus de garçons que de filles qui prennent des risques, on remarque que les filles commencent, elles aussi, à se confronter au danger" explique Philippe Van Meerbeeck.

Pourquoi s'afficher sur le net? 

On est loin d'être face à une nouvelle tendance. Le fameux "Cap ou pas cap" est l'ancêtre de ces jeux. Ce qui est nouveau, c'est l'utilisation des réseaux sociaux comme témoins. Pour Olivier Dupuis, "Internet est un bon moyen pour trouver un reconnaissance, de l'admiration et pour attirer l'attention". Philippe Van Meerbeeck ajoute que "à cet âge-là, le fait de se donner à voir est très important. Internet constitue un moyen immédiat de le faire". 

Les parents ont un rôle à jouer. Ils doivent ouvrir les yeux de leurs enfants et leur montrer qu'ils ne sont pas tout-puissants. Bien que la conduite à risque chez les adolescents fasse partie du développement, c'est aux parents de les cadrer et montrer les limites.

De quels jeux parle-t-on ?

Ces "jeux" ou défis ont fait le tour d'Internet. Ils nous ont parfois fait rire, parfois moins. En effet, certains de ces défis représentent des risques pour la santé morale ou physique. Voici quelques-uns d'entre eux et leurs risques potentiels :

  • Neknomination (contraction de l'expression anglophone "neck your drink" - boire un verre cul sec- et "nomination") : le principe? Publier une vidéo dans laquelle la personne boit un ou plusieurs verres d'alcool. Le risque se trouve dans l'usage rapide d'une forte dose d'alcool, qui plus est en solitaire.  Une overdose est possible. Certaines personnes participent au défi alors qu'elles n'ont pas pour habitude de boire.
  • Fire Challenge : ce "jeu" consiste à s'enduire de liquide inflammable et d'y mettre le feu. Les risques? Provoquer des brûlures, ou entraîner la mort.
  • Happy slapping (baffe joyeuse) : consiste à filmer l'agression physique d'une personne et la  diffuser sur les réseaux sociaux. Cette pratique met en danger la santé physique et morale de la personne visée dans la vidéo. Tandis que ses agresseurs sont susceptibles de poursuites judiciaires.
  • Ice Bucket Challenge (défi du seau d'eau glacée) : il s'agit de se renverser un seau rempli d'eau glacée sur la tête. Ce défi reste moins stupide que celui de la Neknomination par exemple,   mais ce n'est pas sans risque pour autant. Se verser de l'eau froide brutalement sur la tête peut provoquer des blessures dues au choc des glaçons sur le corps.
  • A l'eau ou au resto : il s'agit de se filmer en train de se jeter tout habillé dans une eau glaciale. Si le défi n'est pas réalisé, il faut inviter  la personne qui vous a nominé au resto. Le risque? Les adolescents imprudents se jettent à l'eau n'importe où, ce qui entraîne des catastrophes comme des blessures, mais aussi des noyades.
  • Kylie Jenner challenge : l'objectif du jeu est de poster une photo de soi avec une bouche pulpeuse comme celle de la petite sœur de Kim Kardashian. Les méthodes utilisées pour y parvenir sont inquiétantes. Parfois le résultat n'est pas celui escompté : lèvres fendues, hématomes autour des lèvres ou gencives sanguinolentes.
  • Jeu du foulard : ou jeu de non-oxygénation est caractérisé par la strangulation, la suffocation ou l'apnée. La pratique consiste à provoquer une asphyxie dans le but d'avoir des sensations nouvelles comme des hallucinations. Ce "jeu" peut être réalisé seul ou à plusieurs. Il peut avoir des conséquences très graves pouvant aller de séquelles irréversibles à la mort.
  • Le jeu des 72 heures : bien que son existence soit mise en doute, c'est le défi qui fait trembler les parents. Le but du jeu? Disparaître pendant 72 heures sans donner de nouvelles à ses proches. Cela provoque l'angoisse des parents qui peut aller jusqu'à une véritable psychose.
  • Défis de la cannelle : un jeu bien connu qui peut se décliner avec d'autres ingrédients comme du Tabasco par exemple. Le but, c'est d'avaler sans tousser ni s'étouffer. Cela peut provoquer des lésions graves sur les poumons.
  • Tampons imbibés de vodka : il s'agit de les glisser soit dans l'anus, soit dans le vagin. C'est une pratique permettant de se saouler sans crise d'estomac ni mauvaise haleine. Cette nouvelle pratique peut provoquer de sévères irritations, en plus de multiplier les risques de coma éthylique.
  • Sniffage de capotes : ce "jeu" consiste à aspirer par le nez un préservatif et à le faire ressortir par la bouche. Ce défi peut provoquer un risque d'étouffement.
  • Sun burn art : il s'agit de se faire des motifs sur la peau grâce aux coup de soleil et en se servant de crème solaire ou de pochoirs maison.

Les risques ne sont donc pas toujours minimes. Bien que pour les psychologues, il est tout à fait normal de prendre des risques, il faut quand même rester prudent et mesurer le poids des conséquences possibles liées à ces jeux du net. 

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...