Les coulisses de la profession de coach en rangement
Fabienne Goubille, home organiser, ou coach en rangement, a épousé avec succès cette nouvelle profession venue d’Amérique du Nord. De quoi révolutionner la vie de ses clients… et la sienne. Reportage.
- Publié le 03-10-2015 à 04h19
- Mis à jour le 04-10-2015 à 13h16
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/IAAXMY2N2NF63CHXXLFOAYKR4I.jpg)
Fabienne Goubille, home organiser, ou coach en rangement, a épousé avec succès cette nouvelle profession venue d’Amérique du Nord. De quoi révolutionner la vie de ses clients… et la sienne. "Cela faisait longtemps que je voulais le faire, mais à chaque fois que je descendais, je finissais par remonter aussitôt…" Cette boîte de Pandore à ne surtout pas ouvrir qu’était devenue la cave de Marie-Hélène, au bout de 30 ans d’accumulation de matériel en tout genre, tardait à connaître une prise en main décisive. Un geste crucial qui, contrairement à la légende de la boîte, se serait avéré bénéfique. Pas facile, pourtant, de passer de la parole à l’acte lorsqu’il s’agit de concilier son travail et ses occupations quotidiennes avec une telle opération de désencombrement. C’est ici qu’entre en jeu Fabienne Goubille, coach en rangement, que Marie-Hélène et son mari, résidents en province de Liège, repèrent tout à fait par hasard à partir d’un article paru dans un journal local. Le tuyau provoque un déclic qui se concrétisera très vite. "On en a eu connaissance juste avant de partir en vacances. À notre retour, j’ai immédiatement pris contact avec elle", explique l’intéressée. On sent que l’impatience des débuts est toujours bien présente.
Mais là où nos hôtes se montrent fébriles dans l’envie de poursuivre l’effort entamé, leur home organiser fait preuve d’un calme olympien. La voix posée et apaisante, Fabienne peut tout d’abord compter sur son assurance naturelle et sur un esprit structuré, qui ont manifestement le don de faciliter la mise en confiance. "Marie-Hélène et Jean-Marie étaient très stressés lors du premier rendez-vous", raconte-t-elle. Stressés car "gênés de montrer le bazar à quelqu’un", lui fait écho Jean-Marie. Un premier contact et cinq séances de rangement plus tard, l’embarras initial et une certaine exaspération ont laissé place à une saine collaboration. Fabienne, elle, fait désormais presque partie de la famille…
Un métier en plein essor
Mais qu’est-ce donc le home organising, cette nouvelle profession qui, ayant vu le jour au Canada et aux États-Unis, fait maintenant des émules en Europe ? "Le fait de ranger, de trier et de jeter régulièrement, qui tient simplement du bon sens pour certains, est loin d’être un automatisme pour d’autres, qui accumulent sans cesse au point, parfois, de ne plus se reconnaître dans leur propre espace domestique ou de ne plus oser y inviter des amis", explique Fabienne. Ou, plus en général, "il y a des moments de changement marquants dans la vie, tel un déménagement, une naissance, une séparation, un décès, où l’aide d’un coach peut faire la différence". Ce consultant qui, sans imposer ses goûts subjectifs, apprend au client à se réapproprier sa maison. "Je ne me suis jamais sentie brusquée par Fabienne car elle est là pour me conseiller, pour poser les bonnes questions ou faire des propositions, mais au bout du compte c’est toujours moi qui décide quoi jeter ou garder", intervient Marie-Hélène. S’il est vrai que le but n’est pas de créer un vide aseptisé mais d’aménager les pièces de façon à se sentir à nouveau bien chez soi, cela n’empêche la "magie désencombrante" d’opérer allègrement. Après une dizaine d’allers-retours, "la voiture connaît désormais toute seule le chemin vers la déchetterie", rigole Jean-Marie.
Si en Amérique du Nord, en particulier aux États-Unis, les déménagements récurrents et la surconsommation ambiante justifient assez logiquement l’essor rapide d’une figure professionnelle telle que le home organiser, la tendance, inaugurée en Belgique par Élodie Wéry, a pris plus de temps à s’installer chez nous. "Ici, les gens sont plus réfractaires à ouvrir les portes de leur maison à un étranger car ils ont honte de leur propre désordre", observe Fabienne. Ce qui explique aussi la difficulté de trouver quelqu’un qui accepte de bon gré la visite d’un journaliste.
Et pourtant, au fur et à mesure que les mentalités évoluent, le métier connaît un succès grandissant à la fois auprès du public et des aspirants consultants - des consultantes dans la majorité des cas, nous confirme notre biologiste de formation, qui fut aussi conseillère en environnement. Si elle a eu l’idée grâce à une émission télévisée pour ensuite suivre une formation spécifique auprès du Campus Médicis à Bruxelles, les gens, eux, font le premier pas à partir des réseaux sociaux ou des médias plutôt que par le bouche-à-oreille, car oui, on l’aura compris, la gêne d’en parler est de mise… "Ma première cliente, en 2014, m’a contactée après avoir consulté ma page Facebook", abonde Fabienne. Et il y a d’autant plus de raisons de promouvoir cela par le Net que le spectre d’action se veut large : offrant ses services dans toute la Wallonie et à Bruxelles, notre coach est certaine que le bouche-à-oreille ne suffirait de toute façon pas à s’y faire un nom.
"Le tout est de commencer"
Ce n’est pas mentir au lecteur que de dire que le home organising ne se limite pas à donner un simple coup de pouce, mais que cela comporte un travail physique et mental assez exigeant, couplé à une méthode en béton. "On commence souvent par la cave car il est essentiel de maximiser son espace de stockage avant de délester les autres étages de la maison", explique celle qui travaille par séances de trois à six heures à la fois, une durée idéale qui permet, d’après elle, de rester concentré du début à la fin. "C’est aussi plus facile de s’attaquer d’abord au rangement de la cave car, souvent, y sont entreposés des objets plus impersonnels, auxquels on attache moins de valeur sentimentale…" Pour asseoir le sérieux de l’opération, selon les techniques du home organising, elle s’est munie de quelques bacs étiquetés "à garder" (à proximité, car il s’agit d’objets d’usage courant, comme des packs d’eau à la cave), "à stocker" (pour ces objets qui ne doivent pas être immédiatement accessibles car on ne les utilise pas tous les jours), "à jeter", "à donner", "à vendre" (si cela vaut l’énergie investie dans la vente), "à dispatcher" (c’est-à-dire ce matériel qui doit être déplacé dans d’autres pièces).
Marie-Hélène a plusieurs hobbies : la peinture, les compositions de fleurs… "Dans la cave, j’aimerais dégager une pièce dédiée à mes loisirs", avoue-t-elle. La révolution est en marche. Si, dans le sous-sol, il fallait encore il y a peu raser les murs pour passer d’une pièce à l’autre tant le sol y était encombré, on commence maintenant, avec le soutien de notre professionnelle, à y voir un peu plus clair - "et plusieurs mètres carrés de vide", sourit-elle. "J’avais déjà tenté un grand rangement, mais il y a 15 ans, glisse Marie-Hélène. Je gardais tout ce dont je croyais pouvoir avoir besoin, des petits pots de yaourt aux rouleaux de papier toilette, en passant par le matériel pour mes hobbies, des objets provenant d’une autre maison qui n’avaient pas encore été triés…" Depuis, toute tentative d’intervention suscitait des conflits au sein de la famille. "Moi, j’aurais voulu tout jeter", coupe court Jean-Marie, alors que pour Marie-Hélène "c’était important de trier sans subir des pressions, et d’être encouragée à démarrer".
Des résultats probants
Depuis que Fabienne est venue lui mettre le pied à l’étrier, la démarche du rangement est devenue plus spontanée et efficace. "L’idéal, c’est que le client s’approprie les techniques et continue tout seul entre deux rendez-vous, tout en apprenant à ne pas se distraire ou s’éparpiller, rappelle Fabienne . Je déconseille aussi d’acheter de jolis contenants pour se motiver avant de commencer, car au fur et à mesure, on réalisera qu’ils ne sont peut-être pas adéquats".
Les coûts sont assez conséquents. "Je ne m’adresse évidemment pas à une clientèle qui a du mal à boucler ses fins de mois", résume-t-elle. Le premier bilan est facturé 100 euros, la séance 50 euros de l’heure, moins lorsqu’on dépasse un palier de 10 heures ou 20 heures de travail. Un investissement qui devrait s’avérer rentable sur le long terme. "Cela revient un peu à changer sa vie, à revoir parfois sa façon de consommer, de vivre au quotidien…" Libérés d’un problème qui au début paraissait insurmontable, ceux qui sont passés par là "profitent maintenant d’un environnement de vie plus agréable et ne culpabilisent plus", soutient notre interlocutrice.
Sans compter que, parfois, des amitiés se nouent avec d’anciens clients. "J’ai récemment été invitée à l’anniversaire d’une ex-cliente. Grâce au travail fait ensemble, elle peut accueillir à nouveau des amis à la maison…" Ce côté humain et empathique, dont elle avoue ne pas avoir pris en compte la portée lorsqu’elle s’est lancée dans le rangement professionnel en tant qu’indépendante sous le nom "Alors on range", en 2014, est ce qui l’épanouit le plus aujourd’hui. "C’est extrêmement gratifiant de pouvoir aider les gens de cette façon", conclut-elle.
"Les enfants aiment ranger"
Selon Fabienne Goubille, "dire à son enfant de ranger sa chambre n’est pas une consigne assez précise". Or, il y a des techniques pour qu’il puisse l’aborder comme un jeu, avec des règles. Par exemple, "ranger les petites autos pendant le temps d’une chanson, ou chercher et mettre de côté tous les jouets rouges…". Car, contrairement à ce que l’on pourrait penser, "les enfants aiment reproduire les gestes des adultes, comme le fait de ranger, et n’apprécient pas spécialement de jouer dans un espace encombré". Cela fonctionnera-t-il ?
Ce qu’elle ne fait pas, ce qu’elle voudrait faire
Quelles sont les limites de votre métier ? Je ne suis pas psychologue. Je ne peux pas suivre des clients atteints de syllogomanie (accumulation compulsive, NdlR), qui angoissent rien qu’à l’idée de se séparer de quelque chose. Parfois la motivation est là, mais au moment de passer à l’acte, c’est plus fort qu’eux, ils n’y arrivent pas. Également, je ne suis pas une "contrôleuse" en rangement. Je dois être active chez le client, je ne peux donc pas me limiter à vérifier le travail une fois qu’il a été fait.
Aimeriez-vous développer d’autres volets d’activités ? J’approfondis en ce moment l’office organising, principalement destiné aux indépendants et PME, et je me forme pour devenir home stager. Le home staging consiste à préparer des maisons pour la vente. Par exemple, il est essentiel que la maison soit propre, repeinte et chaleureuse, tout en veillant à supprimer des traces trop personnelles (photos de famille, etc.). Il est important que le candidat à l’achat puisse s’imaginer y vivre. Contrairement aux home organisers, une Fédération des home stagers et décorateurs de Belgique existe.