L’art nous rend-il heureux ?
Le bonheur, cet état de sérénité et de plénitude durable et équilibré, dépend de multiples paramètres. L’art peut-il nous aider ?
Publié le 15-07-2016 à 16h36
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Le bonheur, cet état de sérénité et de plénitude durable et équilibré, dépend de multiples paramètres. L’art peut-il nous aider ?
Ces dernières années, les départements de psychologie positive se multiplient au sein des universités. Neurologues, psychiatres, sociologues, généticiens, économistes et chercheurs dans de nombreuses autres disciplines se penchent sur le bonheur. Une nouvelle science est-elle en train d’émerger ? Au Bhoutan, rendre les gens heureux est devenu une priorité nationale. Au fil des recherches, il est devenu clair que nous ne sommes pas égaux pour atteindre ce sentiment de plénitude et de sérénité de manière durable. Votre collègue, du même âge et exerçant le même métier, peut afficher un sourire quotidien tout à fait irritant pour vous qui surfez plutôt sur des montagnes russes émotionnelles.
Le bonheur humain est complexe et dépend d’un grand nombre de paramètres génétiques, environnementaux, sociaux, moraux mais aussi de l’ordre de la sensation et de la psychologie. Les optimistes extravertis parviendront plus facilement à être heureux que les pessimistes introvertis – qui peuvent toutefois rencontrer assez de satisfactions dans la vie pour atteindre un équilibre confortable. Le bonheur est donc subjectif.
Comment avoir la banane ?
Alors que surgit toute une littérature autour du développement personnel, les œuvres de fiction promettent elles aussi de vous donner la banane. Romans “feel good”, films “good mood”, morceaux qui “reboostent” ou “donnent la pêche”, ces œuvres nous apportent incontestablement du plaisir. Rappelez-vous la sensation d’être sur un petit nuage après avoir vu “Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain”… Il est délicat d’affirmer que l’art nous rend heureux puisque le bonheur dépend d’un grand nombre de variables mais s’il nous fait du bien, il y contribue ! “Eprouver ce genre de satisfaction peut contribuer au bonheur. On peut assurément rattacher ce plaisir à certaines conceptions du bonheur ou de l’accomplissement humain dans notre tradition de pensée” , explique Danielle Lories, professeur de philosophie et d’esthétique philosophique à l’Université catholique de Louvain (UCL).
Le plaisir, lui aussi, se décline à plusieurs niveaux, sensoriel, émotionnel mais aussi intellectuel voire spirituel. “Les émotions positives peuvent comprendre la notion de bien-être physique ou bien des satisfactions morales comme l’approbation ou le plaisir à voir la justice rendue.” L’art nous procure-t-il un plaisir sensoriel – strictement biologique – ou intellectuel ? Très souvent, les deux ! Vous frissonnez en écoutant de l’opéra, vous souriez malgré vous au théâtre, votre corps ressent et réagit, sensible aux émotions positives. L’esprit aussi, nourri par les idées et les histoires, s’enrichit. “Il n’y a jamais vraiment eu de séparation dans notre tradition de pensée dans le plaisir à la fois du corps et d’esprit”, poursuit Danielle Lories.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les Beaux-Arts avaient comme objectif de procurer aux spectateurs le plaisir du beau et faisaient appel principalement à l’ouïe et à la vue; aujourd’hui, l’art contemporain “insiste beaucoup sur la multisensorialité”.
Pleurer au cinéma, ça fait du bien ?
Vous écoutez Chopin en boucle, vous vous complaisez dans le spleen baudelairien ou versez une larme au cinéma et vous aimez ça ? Rien d’étonnant explique la philosophe : “On peut trouver de l’agrément à éprouver de la peur, ou du chagrin au théâtre et pas du tout dans la vraie vie. C’est paradoxal, une version de la vieille catharsis aristotélicienne. Le fait de la fiction peut avoir l’effet de rendre agréables les émotions pour celui qui les subit. Cela veut dire aussi que l’on apprend des choses sur notre propre affectivité et notre manière de gérer les émotions.”
Dans l’Antiquité, les spectateurs éprouvaient du plaisir à assister à des tragédies. Infanticides, incestes, trahisons, guerres, vengeances… Les tragédies grecques regorgent d’événements qu’on ne voudrait absolument pas subir dans la vie. La catharsis d’Aristote, “c’est la purgation des passions. Elle permet au spectateur, au théâtre, alors qu’il est conscient d’assister à un spectacle, de ressentir des émotions comme la crainte et la pitié par rapport au héros en train de subir tant de malheurs. Le spectateur en empathie peut éprouver sans désagrément des émotions qui, si on les éprouve dans la vraie vie, peuvent avoir des répercussions négatives. Agir sous le coup de la colère ou de la peur dans le monde réel a des conséquences. Ces passions, quand on les éprouve au théâtre, aident à les réguler davantage, à évacuer un trop plein dans les situations de la vraie vie”.
Tous ensemble
Si l’art peut procurer du plaisir et aide à vivre en gérant mieux nos émotions, il permet d’apprendre aussi sur la nature humaine et les relations. Les moments partagés au cinéma, pendant un concert ou une pièce de théâtre apportent du bien-être et des sentiments positifs. “La communion des spectateurs peut aussi, dans un certain état d’esprit affectif et intellectuel, avoir des effets bénéfiques sur les relations entre les personnes dans la société, ajoute Danielle Lories. On pourrait trouver là quelque chose qui nous rapproche du bonheur humain, dans le sens de l’accomplissement qui serait vivre avec les autres.”
Playlist qui donne la pêche
Tout Joe Dassin
Toute La Compagnie Créole
Queen “Don’t stop me now”
Abba “Dancing queen”
Beach Boys “Good vibrations”
Patti Smith “People have the power”
Bruce Springsteen “Glory Days”
Fool’s Gold “Surprise Hotel”
The White Stripes “Seven Nation Army”
Miossec “Que devient ton poing quand tu tends les doigts”
Cali “1000 cœurs debout”
Vaudou Game “Pas Contente”
Michael Jackson “Beat it”
Frànçois&The Atlas Mountains “Les Plus Beaux”
Vaya con dios “Nah neh nah”
Les Inconnus “Vice et versa”
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