Sans alcool, la fête peut-elle vraiment être plus folle?

Louise Vanderkelen
Sans alcool, la fête peut-elle vraiment être plus folle?

Il était présent sur la plupart des tables du réveillon de Nouvel an. L’alcool, ami de la fête, est autant source de plaisir, s’il est consommé avec mesure, que de catastrophes quand on en abuse. Alors, avant de s’abandonner aux brumes éthyliques, on méditera sur cette citation du grand philosophe Homer (Simpson) qui, portant un toast, disait : "A l’alcool, la cause et la solution de tous nos problèmes dans la vie." Santé !
Ce soir, c’est la fête. Samedi soir, 21 heures, je pars rejoindre six amis dans le centre de Bruxelles pour célébrer l’anniversaire de Pierre*, qui vient fêter ses 27 ans. Ses amis Arthur* et Léo*, jeunes Parisiens branchouilles, "montent" à la capitale belge. Sont également conviés ses amis belges les plus proches Clémentine* et son boyfriend Alexandre*, ainsi que leur colocataire Thibaut*. Lors de l’organisation de nos retrouvailles sur les réseaux sociaux, je savais déjà à quoi m’attendre : "Ce soir, on boit !", "Je ne risque pas de me souvenir de toute la soirée. Vous prendrez des photos ?", "Je me demande ce qu’on va encore faire de scandaleux". J’allais devoir gérer mes amis, imbibés d’alcool et accepter le décalage de comportement qui ne fera que s’accentuer entre eux et moi.

Cela commence fort

Le rendez-vous est donné dans l’un des bars de la Place Saint-Géry, quartier Bourse. Tous m’attendent déjà en face de l’établissement, une bière à la main. "Allez Louise, tu n’en veux pas une petite ?" Je refuse poliment et réponds : "Ce soir, je ne boirai pas une goutte d’alcool !" A la plus grande stupéfaction de tous, je leur explique que c’est une expérience que je voulais tester depuis longtemps. A savoir, vivre une soirée entre amis et sans alcool. Une manière de chercher à donner raison au slogan d’une pub des années nonante pour les cocktails non alcoolisés : "Sans alcool, la fête est plus folle". "On verra bien si tu résistes !" me dit Clémentine, qui adore les défis.

Nous finissions par pousser la porte de l’établissement. Une grande table se libère devant nos yeux, nous bondissons sur l’occasion pour nous y installer. Le bar est bondé. La musique de Gloria Gaynor, "I will survive", annonce déjà la couleur de la soirée. Il ne faut pas plus de deux minutes à Pierre et ses amis parisiens pour choisir leur premier breuvage. Leur choix se porte, sans grande surprise, sur le plus alcoolisé de la carte : le cocktail "Adios motherfucker", un savant mélange de vodka, rhum, tequila, gin, curaçao, jus de citron et soda. Clémentine, Alexandre et Thibaut font un choix plus raisonnable, un mélange de gin et de brandy cerise. "Pour moi, ce sera un jus d’ananas s’il vous plaît." Une fois de plus, ils éclatent de rire, persuadés qu’une soirée entre amis rime forcément avec beuverie.

Leurs cocktails d’un bleu flash douteux sont déposés sur la table. Leurs bouches se rapprochent des pailles, hésitantes. Regretteraient-ils leur choix ? Juste avant d’entamer la première gorgée, le serveur les interrompt. "J’aimerais m’assurer que vous avez bien mangé, avant d’entamer ceci."

"Belle conscience professionnelle", lui répond du tac au tac Léo qui savait déjà à quoi s’attendre. Les garçons nous saluent en trinquant et lancent en cœur un bruyant "Adios !" avant d’affonner leur poison à la paille, en grimaçant. Une fois le, trop grand, verre terminé, ils se lèvent et reprennent au plus vite la direction du bar. "Le même s’il vous plaît !" "Vous êtes certains de ce que vous faites ?" demande la barman, inquiet. "Ouais, on gère fougère", rassure Arthur, un peu trop confiant.

A peine sortis du bar vers 23 heures, nous faisons face au vent glacial qui souffle sur la ville. Je suis frigorifiée alors qu’ils se promènent manteaux ouverts, écharpes à la main. "L’alcool ça réchauffe", en déduit Arthur, en chemise. Pierre applaudit de façon maladroite en imitant le cri d’une otarie. C’est à ce moment précis que je pense les avoir "perdus".

Cela danse et ce n’est pas tout

"On aimerait bien danser, nous", suggère Léo. Pierre n’est pas très "chaud", mais il se plie à la demande de son ami parisien, "bien sapé pour l’occasion." Je leur propose un bar dansant situé en plein cœur des Marolles. Ils acceptent, enthousiastes. Un peu trop même. Toute la bande commence à courir vers la place de la Bourse, contournant joyeusement les chalets de Noël.

La langue bien pendue, déliée par l’alcool, Alexandre et Pierre, qui s’entendent comme larrons en foire, s’approchent d’un groupe de jeunes filles et tentent d’engager une conversation en espagnol, une langue qu’ils pensaient maîtriser "à la perfección". Affligeant. Mais drôle. Je leur explique qu’ils ont dû oublier leur dignité au bar, alors ils font semblant d’aller la rechercher.

Dans le club, la carte de banque chauffe

Une fois à l’intérieur, vers 23 h 30, il ne leur faut pas cinq minutes avant de grimper sur le bar en métal, en évitant, tant bien que mal, de renverser les verres de mojitos trop pleins (ils ne sont pas les seuls d’ailleurs), disposés à leurs pieds. Du haut de leur estrade, ils se trémoussent sur du Justin Bieber, un artiste qu’ils n’apprécient pas sobres, et vont jusqu’à pousser la chansonnette. "Don’t you give up, nah-nah-nah. I won’t give up, nah-nah-nah. Let me love youuu. Let me love youuu !"

Quelques heures passent, les esprits s’échauffent sur la piste de danse, Pierre, Léo et Arthur disparaissent un instant. Ils reviennent les bras chargés d’une bouteille de vodka et de plusieurs boissons énergisantes. "Cela nous a coûté 120 euros, mais on ne vit qu’une fois pas vrai ?". "Hey Louise, tu veux un verre ?" Trop ivres, ils ont du oublier mon défi de la soirée, pourtant maintes fois répété.

*Prénoms d’emprunt

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