Les rappeurs comme Soprano et JoeyStarr se lancent dans l'éducation: “J’ai appris les oxymores grâce à MC Solaar”
Apprendre en écoutant du rap ? C’est désormais possible avec l’application Studytracks. Soprano y chante ainsi le théorème mathématique de Thalès et la notion du bonheur en philosophie.
Publié le 31-08-2019 à 13h13 - Mis à jour le 31-08-2019 à 13h17
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Apprendre en écoutant du rap ? C’est désormais possible avec l’application Studytracks. Soprano y chante ainsi le théorème mathématique de Thalès et la notion du bonheur en philosophie.
Je trouve l’idée juste magnifique de pouvoir étudier intelligemment, de façon synthétisée”, a confié Joey Starr à Studytracks (le rappeur de NTM y chante l’affaire Dreyfus pour le BAC de Philosophie), lui aussi ambassadeur de ce concept qui cartonne depuis quelques années déjà en Angleterre. “Le biais de la musique permet d’apprendre de manière ludique et j’aurais adoré qu’à mon époque il y ait ce genre d’application pour m’aider à réviser. Je suis fier que Studytracks m’ait approché pour ce projet et pour la première fois de ma vie j’ai fait de la philosophie ! Si ça peut aider des jeunes à réussir, je me dis qu’on n’a pas fait tout ça pour rien pendant toutes ces années.”
Et si apprendre était aussi simple que d’écouter des chansons ? Lancée en mars 2018 en France, Studytracks – qui propose donc de réviser ses leçons rappés ou chantés par des stars (Cathy Guetta, JoeyStarr, etc.), des inconnus ou des candidats de télécrochets éliminés rapidement - possède un catalogue de plus de 300 textes en lien avec les programmes scolaires.
Basée sur les sciences cognitives, cette application est utilisée par des milliers de professeurs dans le monde pour lutter contre le décrochage scolaire. Car c’est bien connu, les paroles des chansons rentrent plus facilement dans nos têtes, qu’un théorème… Et ce n’est pas Soprano qui dira le contraire. “Quand on m’a proposé de participer, j’ai dit oui tout de suite, a confié le rappeur marseillais dont les bénéfices de ses deux titres (le théorème de Thalès et la notion de bonheur) sont reversés à son association d’aide aux enfants des Comores. J’ai kiffé le concept : apprendre en musique. Moi, j’ai compris les oxymores et les métaphores grâce à MC Solaar et Francis Cabrel qu’on avait étudiés en cinquième. Notre prof avait su nous captiver. Quand tu travailles sur un artiste que tu aimes, ça passe tout de suite mieux. C’est pour ça que j’ai voulu m’investir dans ce projet, afin de faire connaître davantage cette application. Quand ils découvriront ces deux titres, mes enfants vont être fiers.”
Le rappeur au million d’albums vendus assure qu’il “croit en cette façon d’apprendre. Pour les jeunes qui ont toujours des téléphones et des écouteurs sur eux, c’est pratique. Alors si je peux aider à étendre cette méthode en France, en Belgique ou ailleurs, je serai heureux! Ici, j’ai juste prêté ma voix mais à l'avenir j’envisage de créer mes propres mélodies pour des cours. Car elles sont mises au point par l’un des concepteurs qui est anglais et leur rap n’est pas le même que le nôtre.”
À 40 ANS, SOPRANO SONGERAIT-IL DÉJÀ À SA RECONVERSION EN PROFESSEUR ?
“Oh, la, la non… Avec moi, ils vont trop foutre le bordel (rires)! Mais faire des ateliers d’écriture, c’est chouette. Moi, j’étais dans une classe agitée et une école même très violente… Et, un jour, une prof pour nous calmer, a mis un texte de MC Solaar. Là, toute la classe s’est arrêtée et a écouté. On a appris ce qu’étaient la métaphore et les oxymores. Et c’était énorme comment on était intéressé par le truc ! Je me suis donc dit qu’à mon tour, il fallait aussi intéresser les jeunes. Car dans la tête des enfants, les profs ce sont des flics et non pas le pote qui vient t’aider. Il faut donc les intéresser avec ce qui les captive. On peut imaginer, par exemple, de prendre un texte de Jul dans un cours pour corriger les fautes d’orthographe ou de conjugaison. Là, on peut être sûr qu’ils vont écouter et apprendre avec plaisir !”
LE RAP NE DÉTRUIRAIT TOUTEFOIS PAS UN PEU LA LANGUE FRANÇAISE ?
“Pour moi, c’est totalement le contraire car ce qui m’a fait aimer les mots, c’est justement le rap. À la base, je voulais juste être chanteur de R’n’B. Mais le rap m’a fait aimer les mots et a ainsi pris plus de place dans ma vie. À la fac, j’ai choisi les cours de philosophie non pas pour devenir philosophe mais pour apprendre des punchlines (sourire) ! Marx, Kant, etc. me donnaient de l’inspiration. Je ne connaissais même pas le théorème de Thalès avant de le chanter ! Beaucoup d’élèves disent aujourd’hui qu’ils auraient aimé qu’Akhenaton, Johnny Hallyday ou Michel Berger arrivent en classe pour nous apprendre le français. Ce n’est donc pas anodin si Joey Starr donne aussi cours aujourd’hui ! Certains jeunes auraient pu faire de grandes études au final grâce à cela, qui sait ?”
L’orthographe en BD et en vidéo
Le Belge expatrié en France Bernard Fripiat, après plusieurs livres sur l’orthographe, s’est lancé dans une BD et des vidéos qu’il désigne par le terme délicieusement désuet – comme leur contenu – de “saynètes”.
Il y a 30 ans, l’homme était monté à Paris pour devenir comédien et y a révélé un talent rare : réussir à captiver un auditoire entier en parlant d’orthographe…
Pas étonnant qu’il ait été repéré par Laurent Ruquier alors qu’il donnait cours à des chefs d’entreprises. “Quelques jours plus tard, j’étais dans une de ses émissions pour parler de mon livre de l’époque. Ça a fait un vrai buzz. On a vendu 8000 livres en une semaine”.
Depuis, il est à la radio, a sorti plusieurs livres amusants sur l’orthographe, mais aussi une BD dont il est le héros : “Orthogaffe.com” est épuisée, mais disponible en PDF sur demande (b.fripiat@noos.fr). Et son site propose pas moins de 135 vidéos fictionnalisées permettant de corriger son orthographe. Son credo ? “Désacraliser l’orthographe par le rire”.
La passionnant Bernard Fripiat affectionne particulièrement les astuces mnémotechniques qui permettent de retenir des règles parfois obscures. “Comment se souvenir que pantoufle ne prend qu’un “f” ? Parce que des pantoufles, on en a une et on passe son temps à chercher l’autre !”, s’exclame-t-il.
À d’autres moments, c’est l’historien qui s’exprime. “Pendant des siècles, partisans de l’écriture phonétique (qui écriront donc doi pour doigt) et tenants de l’écriture étymologique s’opposeront. Les seconds auront le dessus, à partir du milieu du XIXe siècle. Depuis lors, les cancres sont à la peine”. http://www.orthogaffe.com/
L’orthorap au secours du français
En matière de langue française aussi, le rap peut aider à améliorer son orthographe. À Montpellier, l’enseignant Samuel Breuil a déjà plusieurs vidéos à son actif.
Dans ses deux premières vidéos d’orthorap à destination des ados, dont l’une a été conçue avec DJ Bastos et Black Lions Film, Prof Breuil s’attaque à des erreurs courantes parmi les jeunes générations qui confondent souvent “é” avec “er”, “sais” avec “s’est” ou “c’est”.
“Le langage SMS, qu’utilisent les adolescents d’aujourd’hui, leur fait oublier la rigueur de l’orthographe”, explique-t-il.
Exemple de son rap : “Quand tu montres un truc, ça fait “c’est, c’est, c’est”. Tu peux plus te tromper, tu le sais, sais, sais. Si“c’est”, tu peux le changer par “c’était”, et c’est la même, si tu remplaces par “cela”. Efficace.