Pour couvrir la poitrine
Florence Müller enseigne à l'Institut français de la mode et parle de l'origine aristocratique du foulard.
- Publié le 10-08-2009 à 00h00
Quand le foulard est-il né ?
Au départ, c’est une pièce de tissu utilisée de manière très diverse. Selon les époques, il sert à couvrir, voire à cacher certaines parties du corps ou du vêtement, même si on n’emploie pas encore ce mot. Ainsi, au XVIIIe siècle, les robes des élégantes, aristocrates ou bourgeoises, ont de très grands décolletés, qui vont parfois jusqu’à dénuder la poitrine. Pour la dissimuler, on porte des "mouchoirs de col" ou "canezous", des pièces de tissu indépendantes du costume qu’on drape sur le décolleté. La littérature érotique de l’époque est pleine d’allusions au déplacement du "mouchoir de cou" pour mettre à nu la poitrine. Le "canezou" était en cotonnade très fine ou en linon blanc, orné de dentelles et de volants. Cet usage se prolonge au très prude XIXe siècle. A ce moment-là, les robes montent jusqu’au cou, mais le canezou est toujours là, comme ornement.
L’autre fonction du foulard est de couvrir la tête. Dans cette fonction, l’origine très lointaine est le vêtement de l’Antiquité méditerranéenne : la pièce de tissu dans laquelle on s’enroule et qui va jusqu’à la tête. A l’origine, dans les civilisations de la Méditerranée, le voile sur la tête avait été adopté pour protéger les femmes des classes supérieures des regards des classes inférieures. Son autre rôle était de protéger du soleil, pour préserver la blancheur du teint. On retrouve cet usage au XVIIIe siècle avec l’écharpe en pongé de soie. Accrochée au chapeau, elle pouvait être relevée de côté ou tomber devant le visage : le pongé était une toile si fine qu’on voyait à travers. Madame Vigée-Lebrun, qui a peint les portraits de Marie-Antoinette, en portait, la reine aussi, certainement.
D'où vient le foulard ?
Le sens actuel de "foulard" est contemporain. En 1920 encore, on disait écharpe, étole, carré. On ne parlait pas de foulard pour les carrés que portaient les conscrits ou les carrés de coton faits à Rouen. Au départ, le mot foulard désignait une étoffe légère de soie ou de coton. Aujourd’hui, c’est une pièce de tissu, généralement carrée, qui peut être en soie, laine, coton ou synthétique, et qu’on met autour du cou ou sur la tête. Pendant longtemps, les paysannes ont eu ce carré plié en triangle, qui devenait un fichu et qu’elles mettaient sur les épaules pour se protéger de la saleté et de la transpiration, ou sur la tête s’il y avait du soleil. De même, au XIXe siècle, pour les marchandes des Halles et des quatre saisons. En hiver, elles portaient un carré de laine plié en triangle qui leur tenait chaud aux épaules et, s’il y avait du vent, elles s’en couvraient la tête. Tout au long des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, ce carré plié en fichu a été une pièce indispensable pour les classes populaires. Il protégeait la tête sans encombrer comme le chapeau.
Et les hommes ?
Au départ, comme les femmes, les paysans et les ouvriers portaient autour du cou un carré de coton pour éponger la sueur. Plus tard, les bourgeois ont eu des foulards qu’ils transformaient parfois en cravates. Dès 1920, ils ont drapé le foulard dans le col de la chemise quand ils faisaient du sport. Il existait aussi un foulard plus long, en soie simple ou brochée, blanc ivoire, qu’on portait avec l’habit de soirée et les gants beurre frais.