Maman, comment on fabrique les Petit Bateau ?
On sait que Petit Bateau, marque de vêtements du quotidien, est en plein boom. Elle ouvre des boutiques partout, et notamment en Chine. Mais saviez-vous comment on fabrique ces vêtements ? On est allés visiter la grande usine de Petit Bateau, à Troyes.
Publié le 22-04-2017 à 15h05 - Mis à jour le 22-04-2017 à 15h15
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On est allés visiter la grande usine de Petit Bateau, à Troyes. A la découverte des secrets de fabrication d’un produit que tout le monde a porté de génération en génération.
Il y a des produits comme ça, que l’on connaît depuis que l’on est né, qu’on partage, ou bien qu’on récupère, de génération en génération. Des produits de conso qui sont devenus des objets du quotidien, sans qu’on ne sache très bien comment s’est arrivé. Et c’est un peu ce qui s’est passé avec la marque française Petit Bateau, sans qu’elle-même n’ait imaginé une telle renommée. Cette année, ce sont près de 20 boutiques qui s’ouvrent en Chine; une collaboration le week-end prochain avec le monde de la mode au festival de Hyères (cf. aussi pages 2-3); et toujours, toujours, des tonnes et des tonnes de culottes vendues chaque année un peu partout dans le monde. Cinq millions précisément.

C’est alors qu’on s’est demandé comment ce produit naissait et où ?
La terre des bonnetiers
On est donc allée jusque dans les murs de l’entreprise plus que centenaire, pour connaître ses secrets de fabrication. Direction Troyes, dans l’est de la France, terre de la bonneterie, où se trouve d’ailleurs aussi l’entreprise Devanlay-Lacoste, qui fabrique des milliers de polos à crocos à travers le monde. La région est très largement stimulée par l’activité économique de Petit Bateau ou Lacoste, qui dans le coin, donnent du travail à de nombreux sous-traitants du milieu textile.
On stoppe devant une grande bâtisse à l’ancienne. Cheminée et toit d’usinage aux grandes baies vitrées, l’entreprise Petit Bateau est restée dans son jus. C’est dans la fabrique originelle, celle qui date de la fin du XIXe siècle, que l’entreprise est toujours implantée.

De grandes fenêtres tapissent les murs de la fabrique, inondant le bâtiment de lumière. La lumière naturelle, l’une des nécessités du bonnetier Petit Bateau, qui est aussi coloriste. “ La lumière du nord de la France est celle qui sied le mieux au coloriste ”, nous dit, en un sourire de bienvenue, Cédric Lio, directeur industriel du site Petit Bateau qui va nous faire faire le tour du grand bateau.
L’idée ? Marcher dans ses pas pour suivre le processus de fabrication d’une petite culotte de matelot à rayures.
Etape 1 : Comment d’un fil de coton on passe à un T-shirt qu’on portera 100 fois ?
La première étape, c’est le fil. Petit Bateau ne file pas son propre coton. Des quatre étapes que compte la fabrication textile, c’est la seule que Petit Bateau ne gère pas en propre. “ Le coton est une fibre naturelle, elle bouge. On n’a donc pas le même rendu coloristique en fonction de deux arrivages de cotons. Un coton égyptien n’est pas un coton australien. Nous achetons nos fils de coton en fonction de nos besoins, qui sont très précis. Par exemple, comme on fait beaucoup de fonds blancs (NdlR : les marinières à rayures) , le pire pour nous, c’est l’inclusion noire. Il nous faut des cotons très propres ”, nous explique Cédric Lio, tout en traversant le site d’un pas cadencé.
Il faut aussi que le produit en question supporte les mille lavages qui sont liés à l’utilisation d’un vêtement du quotidien comme Petit Bateau. “ I l existe certains cotons qui ne supportent pas d’être trop lavés et qui boulochent. Un Petit Bateau les évite, car on sait comme les vêtements pour bébé devront être lavés et relavés sans se lasser. Par rapport à d’autres textiles, on a un grand taux d’usage de nos vêtements. Comme nos articles sont contraints, nous devons les adapter à l’utilisation de notre public. ”
Etape 2 : Du fil à l’étoffe
On enfile des chaussures de sécurité et on entre dans les entrailles de la bonneterie. Dans les murs, règne un gros bruit, un ronronnement : ce sont les tricotins qui turbinent à toute vitesse sur eux-mêmes.
Le tricotin Petit Bateau ressemble à celui avec lequel on s’amuse enfant, sauf que celui-ci manipule 24 fils de coton en même temps. Saviez-vous qu’il fallait 6,5 kilomètres de fils de coton pour fabriquer un T-shirt ? Autant dire que les tricotins doivent tourniquer sur eux-mêmes. “ Ces machines-là n’ont pas changé depuis 100 ans. Ce qui a changé, c’est l’électronique. Le bonnetier est l’opérateur qui conduit ses machines, surveille, change les fils.”

Au-dessus de nos têtes, une brume d’eau continuelle. S’il est fait trop sec dans l’atelier, le coton devient trop sec pour le travailler, d’où les 70 % d’hydrométrie dans l’air. “ E
st-ce que vous sentez cette odeur ? Un peu comme une odeur de lubrifiant ? C’est l’enz ymage.
C e qu’on met sur le f il, pour qu’il se tienne et ne vrille pas.”
Une marque qui défend son label éthique
Mais, déjà, on continue notre balade, pour arriver dans une salle de machines à laver gigantesques où se joue l’étape de la coloration des étoffes ce qu’on appelle “le mouillé”. “ La coloration d’une étoffe, c’est un peu comme de la cuisine. C’est une recette qui va prendre entre 6 et 12 h pour se fixer sur le tissu”, poursuit Cédric Lio. “La marque bénéficie d’un label Oeko-tex, ce qui nous oblige à comprendre les conditions exactes d’écoresponsabilité, notamment dans la teinte des étoffes . Le procédé de teinture va garantir que l’on soit Oeko-tex ou pas, ce à quoi on va être vigilant. On utilisera, par exemple, que des colorants Oeko-tex pour maintenir notre qualité.” Et ainsi donner raison au label qui protège le consommateur.


Autour de nous, les géants bains de couleurs font tourbillonner le linge à toute vitesse dans les tambours aussi rutilants que des instruments de musique.
“Ici, d ’abord, on blanchit tout le tissu, puis on recolore.” Dan s les bacs derrière les vitres, les mètres de coton tournicotent à en perdre la tête. “ L a fibre est colorée selon l e s cond i tions de température. S i on m o n t e trop vite en tempéra t ur e , le colorant va avoir une affinité trop grande, et la couleur ne va pas être juste.”
A noter : pour une plus grande reproductibilité de la couleur (et parce que Petit Bateau fabrique des milliers de produits similaires), on utilise jamais plus de trois couleurs ensemble; sinon le mélange n’est pas stable.
Une fois le tissu coloré, il est sorti de sa machine, séché puis passé dans un gigantesque tube pour ouvrir l’étoffe en son milieu. On tire sur le tissu dans tous les sens, ce qui permet de lui donner déjà une bonne stabilité, c’est l’une des qualités de ces vêtements pour enfants : qu’ils résistent au lavage !
(*) Le label Oeko-tex est un système de certification uniformisé à l’échelle mondiale pour tous les produits textiles en matière de nocivité de colorants et produits chimiques.
Etape 3 : l’ennoblissement du vêtement, un travail d’orfèvre
Petit Bateau, c’est près de 800 supports textiles différents par saison , autant dire qu’il faut savoir manipuler à la fois la maille, sa fabrication et son ennoblissement.
Direction l’atelier d’impression au cadre où l’on va dessiner sur les étoffes. Dans les lieux règne un grand calme.
La machine au centre fonctionne en fait comme un grand pochoir.

On verse la couleur dans un cadre, que l’on racle ensuite et voilà la couleur imprimée selon la forme demandée. C’est le principe de la sérigraphie. Autant dire que c’est un boulot de titan de faire un papillon sur un pyjama pour bébé. “ On fait un papillon à la fois ”, explique Cédric Lio à la manœuvre pour nous faire la démonstration.
Il nous apparaît presqu’étonnant de voir que l’on prenne autant de temps pour sérigraphier un vêtement, qui ne coûte pas si cher à l’achat.
Enfin, dernière étape avant la confection, et une fois que le tissu est anobli, on le passe dans le rouleau géant puis un bain adoucissant, enfin dans un four qui le sèche selon les contraintes techniques du réel. “ Il faut que le coton se place correctement dès ce moment-là. Sinon, qu’est-ce qui va se passer ? Vous allez mettre le T-shirt une fois ou deux et après il va vriller et/ou raccourcir. Cette étape-là est capitale pour donner de la stabilité au tissu .”
Etape 4 : La confection
“La confection est assez militaire, comme milieu”, nous confie Cédric Lio. “ C’est un milieu très féminin, qui s’organise autour d’une succession d’opérations complexes. Il faut une structure stricte pour monter un vêtement.”
Dans la pièce immense, on suit un convoyeur qui distribue le travail. Les opératrices, concentrées, ne lèvent pas le nez pour les touristes de la visite.
On s’approche pour comprendre le métier, postée au pied d’une couturière qui confectionne des grenouillères à la vitesse de la lumière. Elle ajuste à toute vitesse les coudières, les semelles “antidérapantes” du micro pyjama de bébé. “ Je couds la coussette (NdlR : le rond antidérapant sous le pied du bébé), je fais un p’tit cran, puis un bras, un p’tit cran, puis le col US, un p’tit cran. On coupe et coud en même temps.” Les formes géométriques arrivées de l’atelier de coupe et tout à fait abstraites jusque-là prennent alors leur forme finale; le tissu devient vêtement. Merci Madame Nicole, sans vous, on n’aurait rien compris.