Diane de Beauvau-Craon : les mémoires d’une princesse de tous les excès
Dans son autobiographie "Sans départir", elle assume toutes ses extravagances, tous ses coups de tête, et une vie où longtemps la cocaïne et l’alcool étaient à demeure.
Publié le 05-02-2023 à 19h09
:focal(259x425:269x415)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/4RGF2CP53JA7VPX6GSCYV5C3MA.jpg)
C’est une autobiographie peu commune qui emmène le lecteur dans un tourbillon de châteaux, de rencontres, de personnalités et d’une vie vécue avec tous ses excès. La princesse Diane de Beauvau-Craon est née le 20 août 1955. Elle est la fille de Marc, Charles-Louis de Beauvau-Craon (1921-1982), 7e prince de Beauvau-Craon et du Saint-Empire et d’Albina Patino, fille d’Anténor Patino, petit-fils de celui que l’on appelait le roi (bolivien) de l’étain, et de María Cristina de Bourbon y Brosch-Labrú, duchesse de Durcal, cousine du roi Alphonse XIII d’Espagne. Membre du cabinet du Général de Gaulle à Londres et à Alger, le prince de Beauvau-Craon fut aussi conseiller général de Lorraine et maire de Haroué où se situe le château familial aussi appelé le Chambord lorrain.
L’enfance de la princesse Diane et de sa sœur la princesse Minnie ont pour cadre la Quinta Patino Alcoitao entre Estoril et Sintra au Portugal, vaste domaine de la famille Patino, la propriété de Casalecchio di Reno près de Bologne où vit sa grand-mère paternelle depuis son veuvage, l’appartement parisien de l’avenue Foch et le château de Haroué. Diane de Beauvau-Craon évolue dans un monde aujourd’hui révolu que l’on nommait la Cafe Society. À l’âge de 18 ans, après de nombreux renvois d’élégants pensionnats français et suisses, Diane part à New York où avec son look androgyne, elle ne tarde pas à séduire des artistes en devenir comme Andy Warhol. Ne sachant de sa propre opinion rien faire mais potentiellement tout faire, Diane est engagée par le couturier américain Roy Halston considéré à cette époque comme l’Yves Saint-Laurent local. Elle est de toutes les sorties dans les lieux branchés du moment que sont la Factory et le Studio 54. Elle côtoie aussi Mick et Bianca Jagger, John Lennon, la papesse de la mode Diana Vreeland… Mariée à trois reprises et mère d’un fils qu’elle mit cinq ans à récupérer car élevé par la famille de son ex-époux au Maroc, Diane de Beauvau-Craon assume toutes ses extravagances, tous ses coups de tête, et une vie où longtemps la cocaïne et l’alcool étaient à demeure. Amie de ses amis, elle sut toujours rebondir, se lança dans la création d’une maison de couture à New York qui connut un bref mais réel succès avant le départ de sa bailleuse de fonds originaire des Philippines qu’elle avait snobée.
Diane fut aussi proche du dandy Jacques de Bascher, compagnon de Karl Lagerfeld. Leurs fiançailles furent célébrées avec faste à Rome mais le mariage n’eut jamais lieu. Elle resta à ses côtés lors de ses cinq dernières années de vie, emporté par le Sida, une maladie qui décima son cercle d’amis. Le style est franc, plein d’humour, honnête, sincère, sans détour. Elle évoque une mère totalement absente mais un père aimant. Une famille française très aristocratique et une famille maternelle où ses grands-parents étaient évoqués aux cours de droit à la Sorbonne car leur divorce avait duré 22 ans ! On baigne dans l’opulence, les bijoux (Tiffany, Elsa Perreti), la mode, le star system mais aussi le Gotha. En mai 1979, la reine mère est annoncée pour cinq jours au château de Haroué à l’initiative de son ami français le prince Jean-Louis de Faucigny-Lucinge qui lui concocte chaque année un séjour outre Manche. Diane narre avec beaucoup de finesse cette présence royale. La reine mère était alors accompagnée de sa suite dont sa dame de compagnie, lady Fermoy, grand-mère de celle qui allait devenir deux ans plus tard la princesse de Galles. Les anecdotes ne manquent pas : les malles contenant tout le nécessaire y compris de vaisselles ramenées de Londres, un détecteur de métal qu’un serviteur fut mandé d’aller en aller-retour acheter chez Harrod’s car il se disait que le parc de Haroué contenait un trésor ou la sortie au restaurant "Le Capucin gourmand" où la reine mère était attendue par un comité d’opposants à la monarchie. La mère de Elizabeth II ne s’en trouva nullement perturbée, saluant comme de rien le petit groupe hostile qui finit par l’applaudir ! Il y a vingt ans, le corps de la princesse Diane lâcha après tant et tant d’années d’excès à répétition. À force de lutte et de volonté, elle remonta la pente. Elle ne toucha plus jamais à la drogue et à l’alcool. Elle vit aujourd’hui une grande partie de l’année à Naples avec son époux. À la mort de son père remarié avec Laure du Temple de Rougemont, présidente de Sotheby’s France, le château de Haroué fut hérité par sa sœur Minnie. Il vient de passer dans le giron du Centre des monuments nationaux qui s’occupera de sa gestion, permettant sa bonne conservation et son entretien. Des souvenirs à mille à l’heure mais surtout une ode à vivre la vie chacun à sa manière.
"Sans départir", Diane de Beauvau-Craon, Grasset, 2022, 320 p.