Tatoï : la résurrection d’un haut lieu de la monarchie grecque

Résidence privée de la famille royale grecque, ce palais a sombré dans la solitude, l’oubli et l’abandon depuis très longtemps. Il va renaître sous la forme d’un musée.

Régine Salens
GREECE-SPAIN-ROYALS-HISTORY
©AFP

Depuis le 17 décembre 1967, le palais de Tatoï qui était la résidence privée de la famille royale grecque à une quinzaine de kilomètres d’Athènes au pied du mont Parnès, a sombré dans la solitude, l’oubli et l’abandon.

Le roi Georges I de Grèce fait l’acquisition du domaine en 1871 pour y bâtir une maison cossue de deux étages puis un manoir de style anglais dix ans plus tard, s’inspirant de la ferme du palais de Peterhof en Russie d’où venait son épouse la reine Olga. En 1916, un violent incendie ravage la plus grande partie des forêts du domaine de Tatoï mais aussi les écuries, un petit musée sur l’histoire archéologique des lieux et la résidence royale.

Tatoï commence à être reconstruit après l’occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale et le retour de la famille royale au pays. C’est là que grandissent les enfants du roi Paul et de la reine Frederika : Sophie (aujourd’hui reine d’Espagne), Constantin qui vient de décéder à l’âge de 82 ans et Irène. Le domaine de Tatoï comprend la résidence du monarque, bien plus confortable que le Palais royal d’Athènes, digne palais des courants d’air. L’historien et écrivain le prince Michel de Grèce, orphelin du prince Christophe de Grèce, rejoignit ses oncles et cousins à sa majorité, demeurant avec eux à Tatoï. Il narre avec la finesse qui est sienne, des moments de grande simplicité familiale.

Mais Tatoï, ce sont aussi différents pavillons, des bergeries, des chapelles. On y développe la viticulture, la production laitière et l’élevage des bovins. De nombreuses personnalités en visite en Grèce sont reçues à Tatoï dont Jackie Kennedy.

Exil, mort, coup d’État… L’histoire mouvementée de la monarchie grecque

Après le contrecoup d’État manqué du roi Constantin en décembre 1967, le domaine est laissé à son triste sort. Non entretenu, le domaine voit même son financement totalement disparaître après le référendum de 1973 proclamant la république. Le lieu devient un garde-meuble des objets historiques et personnels que la famille royale n’a pas emportés en exil. Après des années de négociations entre les autorités et le roi Constantin, un accord est trouvé quant au contenu privé. Des livres, jouets d’enfant, des tableaux, des sculptures, des tapis, des albums de photos… sont expédiés vers Londres où le roi s’est établi. Mais cet accord suscite rapidement la polémique au sein de l’opinion publique. L’arrivée d’un gouvernement socialiste met un terme au processus. Il est décidé d’exproprier Tatoï. À nouveau bras de fer entre les deux parties qui se terminera devant la Cour européenne de Justice condamnant la Grèce à indemniser la famille royale à hauteur de 13,2 millions d’euros. Une somme que le roi placera dans une fondation pour venir en aide aux victimes de cataclysmes. Mais Tatoï était désormais propriété d’un État grec qui avait, à ce moment-là, d’autres préoccupations surtout financières.

L’association des Amis de Tatoï s’est beaucoup mobilisée pour lever des fonds et recevoir l’appui d’artisans pour la reconstruction des différentes implantations du domaine, à défaut de pouvoir le faire pour la résidence royale.

Un inventaire avait été établi en 1973 comprenant pas moins de 17.000 objets dont des photos, des carrosses, des voitures, des vêtements, des bouteilles de vin, des meubles, des antiquités,…mais combien d’autres objets ont été volés ou ont été perdus en raison de l’humidité ?

En 2008, le gouvernement grec débloque 800 000 euros pour entamer une restauration alors que le coût pour l’ensemble du domaine est évalué à… 100 millions. Sous l’impulsion de l’association des amis du domaine, 150 000 visiteurs se déplacent chaque année, générant des recettes appréciées.

Il y a trois ans, nouvelle impulsion : le ministère de la Culture entend réhabiliter la résidence et plusieurs autres lieux pour accueillir un musée ; des espaces de restauration, de loisirs et d’hôtellerie.

Au cours de l’été 2021, la capitale grecque est cernée par les incendies. Le parc du domaine et sa grande pinède sont ravagés. Ce qui reste de la résidence royale est épargné de justesse.

Tatoï abrite aussi la nécropole de la famille royale grecque. C’est là qu’a été inhumé en ce mois de janvier 2023 Constantin, le dernier roi de Grèce. Les images du site ont choqué. Les tombes en marbre blanc sont souillées des affres de l’incendie de 2021 ; il n’y a plus aucune verdure. Une scène digne de l’apocalypse.

En novembre 2022, le roi Charles III a reçu au château de Windsor le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis pour discuter du projet de rénovation estimé à quatorze millions d’euros. Le roi Charles est particulièrement sensible au sujet puisque son grand-père paternel le prince André de Grèce est inhumé à Tatoï. Charles III a promis de fournir une expertise en la matière via la Prince’s Foundation qui avait permis le sauvetage d’une villa palladienne dans l’Ayrshire Dumfries House. Dans la foulée, la ministre grecque de la Culture confirme d’ores et déjà l’ouverture au public dès 2025 de la résidence royale reconvertie en musée. Ce sera alors le réveil tant attendu de Tatoï, la belle endormie depuis 60 ans…

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