Où le désert dévoile sa beauté absolue

Quand l'avion se pose sur l'aéroport de Djanet, dans le sud du Sahara algérien, on pressent qu'on a changé de monde. Du ciel, on distinguait déjà nettement les immenses étendues de sable aux confins de la Libye, la petite tache verte de l'oasis, les premiers pitons de grès qui mordent sur l'azur.

Annick Hovine, en Algérie
Où le désert dévoile sa beauté absolue
©An. H.

Quand l'avion se pose sur l'aéroport de Djanet, dans le sud du Sahara algérien, on pressent qu'on a changé de monde. Du ciel, on distinguait déjà nettement les immenses étendues de sable aux confins de la Libye, la petite tache verte de l'oasis, les premiers pitons de grès qui mordent sur l'azur.

Sur terre - mais n'est-on pas ailleurs? -, on mesure mieux encore le basculement qui s'est opéré en moins de quatre heures de vol. Les taxis nerveux de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à Paris sont effacés de la mémoire, remplacés par les visages burinés des guides touareg nonchalamment appuyés sur le capot des 4X 4 patientant sous le soleil. La température est idéale - 22 degrés -, le ciel légèrement brumeux, le vent léger. La mi-janvier froide et grincheuse a cédé le pas au doux hiver du désert. Mais ne risque-t-on pas d'avoir de la pluie demain? «On ne sait pas. Inch Allah», répond Mohamed, dont la sagesse bédouine interdit d'apaiser tout à fait les inquiétudes des citadins. Ici, il tombe quelques gouttes... deux jours par an.

LES AMIS, LES BRAISES, LE TEMPS...

Impatience de rejoindre le premier bivouac, au coeur du magnifique erg Admer. Mais, avant de plonger dans l'aventure, les touristes ont l'obligation de s'inscrire au bureau du parc du tassili N'Ajjer, un immense plateau qui s'étire sur plus de 750 kilomètres en quart de cercle au nord et à l'est du Hoggar algérien.

Après l'achat de quelques chèches, ces tissus longs de 3 à 4 mètres que les nomades s'enroulent autour de la tête, pour se protéger à la fois du soleil, du vent et du sable, direction Tarin et ses dunes blondes. Le jour décline, les ombres s'allongent, le vent se lève. Les jeeps débarquent les sacs à dos, les matelas, les bidons d'eau, les victuailles. Des dromadaires les relaieront demain pour le début de la randonnée chamelière.

Tranquille, Chouieb - 47 ans, 7 enfants -, notre guide, organise la première soirée autour du feu. Sa voix grave, profonde, éraillée par le tabac, installe d'emblée l'esprit nomade. On l'écouterait raconter le désert pendant des heures. À ses côtés, Brahim prépare le thé - cérémonie incontournable. «Les Touaregs ont besoin de trois choses: les amis, les braises et le temps. C'est tout ce qu'il faut pour faire le thé», commence Chouieb. «Une théière, ça peut prendre une heure. Et il faut faire trois tours. Pendant ce temps, on parle de tout, on discute.» Il tousse, tire une bouffée de l'éternelle cigarette vissée au bout des doigts. Le couscous est prêt. Les assiettes passent de mains en mains. Le ciel s'allume: Orion, les Pléiades, la Grande Ourse...

On relit quelques lignes de Théodore Monod, dans «Méharées» (Babel, p.305): «Sur le sol, oui, mais sous le ciel: à la ville, entre nos parquets et nos toits, on n'a ni l'un ni l'autre; ici, on a l'un et l'autre, le second, par la splendeur de ses consolations, vous vengeant parfois du premier qui manque, à tous les sens du mot, de tendresse». La beauté du spectacle fait oublier le sable qui se tasse durement sous les omoplates. Première nuit à la belle étoile, blottis derrière les rochers, à l'abri du vent.

Le petit-déjeuner est pris, les chameaux sont parés. Il est 8 heures, la caravane s'ébranle, la marche commence. On gravit une dune, on contourne un piton rocheux, on reprend l'ascension d'une crête. On s'arrête souvent, pas fatigués, juste interdits par la beauté du spectacle. Le Sahara central se dévoile, tout simplement sublime. Des colonnes de grès pointent leurs étranges doigts vers l'azur. Le sable se dérobe puis redevient ferme.

Brahim a pris de l'avance, avec les chameaux. Au détour d'un rocher, à l'ombre, le déjeuner est installé. Tomates, concombres, riz, sardines, olives et oeufs durs composent une délicieuse salade. La gueïla (la sieste méridienne) sera courte - mais qu'importe?La progression vers le nord dévoile davantage les cathédrales du désert. Impossible d'embrasser d'un seul regard l'horizon magique; aussi loin qu'il porte, les rides de sable - blanc, puis jaune, puis ocre, à mesure que le jour descend - alternent avec les interminables tours de grès. On oblique sur la droite; la silhouette des dromadaires se découpe dans la lumière orangée. Nous voici à Timras, pour une deuxième nuit dans les dunes.

DESCENTE EN APOTHÉOSE

La balade, fabuleuse, se poursuit le lendemain à travers les labyrinthes insensés d'Adaïk, où pierre et sable s'enchevêtrent, se jouent l'un de l'autre. La magie continue d'opérer: on marcherait sans fin dans cet univers fantasmagorique. Pause de midi à Tin'talamen (qui veut dire chamelle). Descente en apothéose vers Tisras: les vues panoramiques sur le Tassili, grandioses, coupent le souffle.

Troisième nuit. Les cheminées de pierre - doigts de fées - sont sublimes; les dunes se font plus douces, plus féminines en approchant de Djanet.

Le cuisinier a encore fait des merveilles pour le déjeuner, mais avant de passer à table, il faut «nettoyer» la dune. Le guide se désole. Sur les pentes ondulées autour de Djanet, des dizaines de boîtes de conserve complètement oxydées, des bidons d'essence vides, une mule de plage, une vieille chemise... maculent les lieux. Le Sahara commence à souffrir de son succès. Les caravanes de touristes sont montrées du doigt, mais aussi les clandestins, nigérians notamment, qui tentent de gagner la Libye.

© La Libre Belgique 2003


Carnet de voyage Y ALLER. Le désert algérien est à découvrir en hiver, entre fin octobre et fin avril. Il vaut mieux réserver son voyage depuis l'Europe. Plusieurs tour-opérateurs organisent des treks au départ de Djanet. «Nomade Aventure» propose «Absolut désert!» - soit 8 jours dont 6 à pied (étapes de 5-6 heures). Prix (au départ de Paris) : de 760 € à 880 € selon les dates, comprenant vol, transfert, hébergement (hôtels mille étoiles...), nourriture... Le visa, qui s'obtient en un jour au consulat d'Algérie, à Bruxelles, coûte 36 €. A GLISSER DANS LES BAGAGES. Les matelas sont fournis, mais il faut emmener un sac de couchage résistant à -15 degrés. Petit miracle de la technologie moderne: il existe des sacs en fibre polaire qu'on peut glisser à l'intérieur. Ne pas oublier briquet (pour brûler le papier de toilette), lampe de poche et gourde. S'INFORMER. Nomade Aventure, rue de la Montagne Sainte-Geneviève à 75005 Paris. Tél. 00.33.1.46.33.71. E-mail:infos@nomade-aventure.com. Site web: www.nomade-aventure.com

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