Le Canigó, montagne sacrée des Catalans
Dans les Pyrénées-Orientales, l’ascension du pic (2 784 m) vous propose une féerie montagnarde et des paysages contrastés.
Publié le 06-11-2021 à 15h08
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À côté du Mont Sinaï, du mont Ararat, de l’Olympe et du Parnasse, le Canigó trône dans l’espace culturel des vieilles civilisations. On raconte que Noé vint y amarrer son Arche. Pour les marins grecs et romains de l’Antiquité, ce phare naturel était un repère incontournable vu de la Méditerranée. Bien que n’étant pas un "3 000", ce pic en impose par sa masse et prend facilement des allures de haute montagne, séparé qu’il est du reste de la chaîne des Pyrénées.
Ce n'est pas pour son altitude que le Canigó (autrefois plutôt appelé par son nom francisé Canigou) tient une place chère dans le cœur des Catalans. À la fin du XIXe siècle, il est devenu le lien puissant qui unit et rapproche les deux Catalognes, française et ibérique. À travers le mouvement politique et social dit de la Renaixença, la Catalogne a alors affirmé son identité, et son unicité de part et d'autre de cette Montagne symbole. En témoignent aujourd'hui encore, les feux de la Sant Joan qui sont allumés chaque année le 23 juin depuis un brasier élevé au sommet du Canigó.
Traversé durant des siècles par des bergers, des troupeaux en transhumance et des mulets chargés de minerai de fer (alourdi en manganèse, ce qui donnera au fer catalan la propriété de ne pas rouiller), le massif s’est ouvert au tourisme au XXe siècle avec la construction (1899) du chalet refuge des Cortalets. Au XXIe, la quête du label "Grand site de France" (paysage exceptionnel, fragile et reconnu de tous) l’a résolument orienté vers le développement durable. La randonnée est un des volets. Depuis 20 ans, la volonté est de mieux gérer les flux touristiques et de minimiser leur impact sur l’environnement. Fini les véhicules motorisés qui déposaient les touristes près des refuges transformés en resto du dimanche ; place à un réseau de 750 km de sentiers balisés et à des hébergements de qualité. Résultat, ce "Grand site de France" (depuis 2012) offre un extraordinaire espace naturel protégé qui abrite une singulière diversité écologique, tant au niveau de la faune (isard, grand tétras, lagopède, desman des Pyrénées…) que de la flore.
Dans le Canigó, préférez-vous le tour ?
À vos chaussures et bâtons donc. Vous avez la possibilité de réaliser le Tour du Canigó en faisant étape dans les 5 refuges gardés que vous offre le massif. Entre Mariailles (1 718 m), les Cortalets (2 150 m), Sant Guillem (1 233 m), les Conques (1 600 m), ou encore Batère (1 470), vous jouirez de 87 km de parcours balisé en jaune et rouge, en alternance avec le balisage blanc et rouge du GR 10, qu’il recoupe. Conseil : pensez à réserver. Sachez que dans ce massif, des abris non gardés jalonnent également les sentiers, ainsi qu’un grand nombre "d’orris" (anciennes cabanes de bergers en pierres sèches). Au cas où…

Ou l’ascension du pic ?
Tous les refuges cités sont aussi des points de départ pour l’ascension du Pic du Canigó (2 784 m). Côté sud du massif (depuis l’Espagne) le haut Vallespir s’offre sauvage avec des forêts immenses. Le versant nord de la montagne se nomme lui Conflent, c’est la voie royale d’accès au pic, la nôtre.
Nous nous garons au col de Jou (1 125 m) (15 minutes de taxi depuis Vernet-les-Bains). Le sentier balisé jaune/jaune jusqu’au refuge de Mariailles (1 718 m) est un véritable enchantement, sentier en sous-bois aux essences variées, qui serpente en harmonie à flanc de montagne. On hume les pins et longe un cours d’eau qui murmure à nos oreilles.
La météo avait annoncé orage en montagne. Nous avons atteint le refuge suffisamment tôt pour l’éviter. Parti trop tardivement, un groupe familial, y accéda de nuit, trempé. En altitude, les orages se déclenchent davantage l’après-midi. Mieux vaut prévoir.
Le lendemain, lever à 5 heures et départ à la frontale pour espérer arriver au pic sans trop de nuages. Au gré de l’itinéraire, la forêt s’éclaircit et les arbustes et les fleurs enguirlandent le sentier. Admirez le mauve éclatant de ces aconit napel, dits Casque-de-Jupiter. Mais n’y touchez pas. Ces plantes extrêmement toxiques peuvent facilement entraîner la mort. On préfère mâcher de la "couscouil" (un genre de salade de montagne) ou humer la gentiane en pensant à la Suze du soir. Être accompagné par un guide nature a du bon. Merci Michel. Et quand, avec l’altitude, les arbres ont disparu, seuls et isolés, quelques pins à crochets s’agrippent encore aux roches. Comment arrivent-ils à tenir dans ce paysage minéral si venteux ?
Bolets au refuge des Cortalets
Le dernier passage dit de "la Cheminée" est un peu plus raide mais les prises sont solides et sèches. Au sommet du Canigó, gardé par sa croix forgée de 1943, un magnifique panorama nous attend. La vue est grandiose jusque sur la plaine du Roussillon. Elle embrasse aussi la Méditerranée. Par temps clair, on aperçoit Barcelone. Mais pas aujourd'hui. Depuis le sud, les nuages montent et après s'être rassasiés, il est temps de redescendre vers le refuge de Cortalets (2 150 m). Le soir, on se régale autant des Boles de Picolat (boulettes de viandes hachées servies avec des haricots blancs dans une sauce tomate épicée aux olives) que des paroles enivrantes de Thomas Dulac, le gardien. Ce guide de haute montagne, auteur d'ouvrages et de topos sur le Canigó est un visionnaire pour le développement durable de la montagne. Son plan de développer l'accès aux joëlettes (fauteuil tout terrain monoroue qui permet la pratique de la randonnée à toute personne à mobilité réduite) apparaît aussi audacieux que génial. Espérons qu'il monte en responsabilité et puisse convaincre davantage d'élus locaux que l'avenir de la région est autant dans le tourisme vert que social.
Retour à la végétation méditerranéenne
Le lendemain, 1300 m de dénivelé négatif pour revenir dans la vallée. Les descentes s’avèrent un fabuleux voyage organique et olfactif. En perdant de l’altitude et en gagnant des degrés, on passe des pins à crochets aux pins sylvestres et sapins, puis (après quelques chanterelles, cèpes et lépiotes), on se retrouve à l’ombre des frênes et des bouleaux qui à leur tour s’effacent au profit des châtaigniers, merisiers, noisetiers, mélèzes, sorbiers, cèdres, chêne et houx pour arriver à une végétation de type méditerranéenne, symbolisé par les genêts et le chant des grillons. Quelle chance de pouvoir traverser autant de pays (biotopes) en deux jours et demi. Sacrée montagne !
5 bonnes raisons de se rendre dans le massif du Canigó
1. Les Pyrénées
Elles méritent d’être davantage connues. Par rapport aux Alpes, les Pyrénées pparaissent plus sauvages, plus rurales, avec des vallées plus encaissées, davantage de refuges ou d’abris non gardés et un tourisme moins développé, plus authentique.
2. VTT et vélo
Ce paradis pour les randonneurs l’est aussi pour les vététistes de tous poils et cyclistes, sportifs, en famille ou électriques. Une variété incomparable de circuits vous est proposée dont l’exceptionnel espace VTT du Madres-Coronat.
3. Canyoning
Le saviez-vous ? La région est considérée comme le 2e hotspot de canyoning de France. Les eaux vives du massif offrent leur lot de cascades, sauts en piscine, toboggan et descentes en rappel. Avis aux amateurs de sensations fortes.
4. Escalade
La pratique monte avec des de plus en plus de voies bien équipées. Contactez Thomas Dulac, guide et gardien du refuge des Cortalets (voir ci-contre).
5. L’abbaye Saint-Martin-du-Canigou
Située sur un nid d’aigle, l’abbaye surplombe la vallée du Cady depuis le XIe siècle et vous invite à découvrir ce joyau de l’art roman dans son site unique. Pour y accéder, visiter ou séjourner, comptez 1,5 km à pied (mais 200 m de dénivelé positif) depuis le hameau de Casteil.

Comment aller au Canigó
Perpignan est la ville la plus proche du massif. Elle est desservie par l’autoroute A9, par des vols réguliers (depuis Bruxelles et Charleroi) et des trains depuis Paris. Il faut ensuite prendre la N116 pour rejoindre la ville de Prades (à 40 km de Perpignan) pour un départ vers le refuge des Cortalets, ou continuer sur Vernet-Les-Bains (à 50 km) pour un départ vers le refuge de Mariailles.
Se renseigner
Pyrénées-Orientales Tourisme (à Perpignan) https://www.tourisme-pyreneesorientales.com/
Office de tourisme Conflent Canigó (à Prades) https://www.tourisme-canigou.com/
Hébergement A Vernet-Les-Bains, un hôtel sympa pour démarrer vers le Canigó ou en revenir : www.hotel-princess.fr
Refuge de Mariailles, avec Magali et Laurent comme gardiens : https://refugedemariailles.fr/
Refuge des Cortalets, avec Thomas Dulac comme gardien. Réservation en ligne : https://refugedescortalets.ffcam.fr/
Guide accompagnateur en montagne Michel Assaillit : himalco@gmail.com https://www.tourisme-canigou.com/organisez/voir-faire/randonnees/guides-accompagnateurs/assaillit-michel-1243881