L’Alentejo, c’est le Portugal hors des sentiers battus
Aussi vaste que la Belgique, la région située entre le centre du Portugal et l’Algarve reste délaissée par les voyageurs. À tort !
Publié le 23-04-2023 à 12h07
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”O Alentejo é infinito, não tem princípio nem fim”. Lettres noires sur fond blanc, ces mots s’affichent sur un mur immaculé du centre de la municipalité d’Aljustrel. “L’Alentejo est infini, il n’a ni début ni fin”. La phrase est attribuée à Manuel de Brito Camacho, natif d’Aljustrel qui, entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1930, fit une carrière remarquée dans la politique le journalisme.
Où commence et où se termine l’Alentejo, région la plus méconnue et délaissée du Portugal alors qu’elle en représente un tiers du territoire ? Bordée au nord par la région du Centre, à l’est par l’Espagne, au sud par l’Algarve et à l’ouest par l’océan Atlantique, l’Alentejo ne se laisse pas facilement approcher. Pourtant aussi vaste que la Belgique (mais avec une densité d’à peine 22 habitants au km2 !), elle échappe encore largement aux flots de touristes qui, durant les mois de printemps et d’été, préfèrent mettre le cap sur l’Algarve, Lisbonne et sa région, Porto ou la vallée du Douro.

Celles et ceux qui n’ont jamais mis un pied en Alentejo imaginent souvent une région monotone, faite de grandes plaines arides, balayées par des vents chauds et secs, parsemées d’oliviers et de chênes-lièges, et où peu de villes et villages méritent vraiment le détour… Alors, oui, il peut y faire très chaud l’été et les oliviers comme les chênes-lièges quadrillent une grande partie des cinq sous-régions de l’Alentejo. Mais ce n’est là qu’une facette d’un territoire qui regorge d’attraits. L’Alentejo, c’est aussi la côte atlantique et d’immenses plages situées au sud de Lisbonne, de magnifiques paysages qui ondulent à perte de vue, des villages typiques perchés sur des collines où le bleu et le jaune des maisons se mêlent au ciel et au soleil (il faut aller à Monsaraz et Marvao !), la région viticole la plus dynamique de tout le Portugal, un patrimoine et des traditions uniques, …
Transalentejo et sites miniers à pied
Revenons à Aljustrel, bourgade de quelques milliers d’âmes située dans la sous-région du Bas-Alentejo. Au sommet de la localité, un escalier monumental mène à l’église de Nossa Senhora do Castelo et aux fondations d’un château médiéval. Au-delà de la belle mosaïque de toits, la vue panoramique réserve une surprise assez inattendue : au sud d’Aljustrel, on aperçoit un site minier. On n’y extrait pas de charbon, mais bien de la pyrite, qui est un composé chimique utilisé dans la fabrication de l’acide sulfurique.

Ces mines d’Aljustrel et des environs font partie de la “ceinture pyriteuse ibérique”. Elles ont été, pour la plupart, définitivement fermées dans les années 1970 et 1980. Quelques gisements restent malgré tout en activité et on compterait encore un millier de mineurs à Aljustrel et dans les localités voisines. Le contraste entre la zone minière et la blancheur des maisons est étonnant. Tout un parcours, à faire à pied, a été superbement aménagé pour découvrir le site. Dans un ancien entrepôt, on peut découvrir d’anciennes machines utilisées par les mineurs, dont certaines sont des fabrications belges du début du XXe siècle. Un centre d’interprétation, flambant neuf et dominant tout le site, vient d’ouvrir ses portes. Plus au nord, à Lousal, il est également possible de visiter les anciennes installations de la mine dont l’exploitation moderne a duré de 1882 à 1988.

La municipalité d’Aljustrel, comme d’ailleurs une petite cinquantaine d’autres du Bas-Alentejo, a eu l’excellente idée de mettre ce patrimoine minier en valeur grâce à un projet lancé par José Pedro Calheiros, personnalité haute en couleur qui, depuis 25 ans, développe un vaste réseau d’itinéraires pédestres, ainsi que des événements centrés sur la randonnée (dont le festival Transalentejo), qui permet de découvrir les richesses naturelles et culturelles de cette région du Portugal (infos sur www.sal.pt, www.visitalentejo.pt et www.portugalwalkingfestival.com). “Le projet a été lancé en 2015 avec un projet pilote de quelques municipalités altéjanes, explique “Pedro”. Aujourd’hui, on compte déjà 150 sentiers de randonnées et on espère en avoir plus de 500 d’ici quelques années”.
Les “Lettres portugaises” de Beja
Si Evora, chef-lieu de la région de l’Alentejo, est la ville la plus connue de la région, c’est Béja qui fait office de capitale du Bas-Alentejo. Nommée Pax Julia par Jules César (en l’honneur de la paix qu’il conclut avec les Lusitaniens) et rebaptisée en Pax Agusta durant le règne d’Auguste, la cité romaine fut ensuite occupée par les Arabes pendant quatre siècles. Beja est aussi restée célèbre pour les “Lettres portugaises” qu’une religieuse franciscaine du couvent de Beja adressa à son amant français, le marquis de Chamilly. Aujourd’hui, Beja est une petite ville paisible qui, outre le tourisme, vit essentiellement du commerce d’huile d’olive et de céréales.

Si vous avez l’occasion de passer au moins une nuit à Beja, tentez votre chance à la Pousada de São Francisco ! Cet ancien couvent du XIIIe siècle accueille un hôtel aux pièces majestueuses, dont une chapelle, et au mobilier très raffiné. À l’étage, les cellules des moines ont été transformées en chambres. Lors des journées de forte chaleur, c’est l’endroit rêvé pour se réfugier.
Un breuvage millénaire exquis
L’Alentejo rime aussi avec vinho ! La région compte plus de 250 producteurs et une dizaine de cépages. Chaque repas est l’occasion de découvrir des vins, branco e tinto, à la fois très typés et alcoolisés (le soleil !). Personnellement, on s’est laissé séduire par le Vinho da Talha. C’est à Vila de Frades, considérée comme la “capitale” du vin de Talha, qu’ont été retrouvées des preuves archéologiques montrant que ce vin provient d’un processus de vinification apporté par les Romains.

Sans entrer dans les détails du processus, on retiendra que les raisins, égrappés et foulés, sont placés avec les peaux, les pépins et une partie des rafles dans de grandes amphores en argile. Dans le processus de fermentation qui dure entre deux et trois semaines, une couche épaisse remonte à la surface. À l’aide d’une raclette, il va falloir briser cette couche trois à quatre fois par jour pour éviter que l’amphore n’éclate et que les gaz se libèrent. La tradition veut que les amphores soient ouvertes à la Saint-Martin, le 11 novembre, et le vin dégusté pour la première fois.
Dans le petit village de Vila de Frades, on trouve, sur l’un des côtés d’une longue place rectangulaire, un centre d’interprétation qui montre et explique tout ce qu’il faut savoir sur le vin de Talha.
-- > Cet article résulte d’un voyage de presse organisé par Visit Alentejo et Transalentejo Festival.
Comment se rendre dans l’Alentejo ?
En avion. Depuis Lisbonne et son aéroport, Evora est à 135 km par la route. Il faut ajouter 80 km pour descendre vers Beja et la Bas-Alentejo.
3 bonnes raisons d’aller en Alentejo
1. Les Pousadas
Ces hôtels haut de gamme, installés dans des bâtiments historiques, étaient anciennement gérés par l’État portugais. Depuis 20 ans, leur gestion a été confiée à un groupe privé. On trouve ces Pousadas à travers tout le pays, mais le premier à ouvrir fut celui d’Elvas, ville à l’est de l’Alentejo. L’établissement n’est plus en activité. La région compte encore sept Pousadas (Alcácer Do Sal, Arraiolos, Beja, Estremoz, Evora, Flor Da Rosa et Marvão).
2. La table
Simple et savoureuse, la gastronomie de l’Alentejo est unique. Le poisson (grillé ou en soupes), le gaspacho d’Alentejo, l’ensopado de borrego (ragoût d’agneau alentéjan), les plats de gibier, les fromages, la charcuterie, le pain et l’huile d’olive, les vins, … C’est un régal, comme lors de cette soirée de Clasico entre Porto et Benfica, retransmis sur le téléviseur d’un café-restaurant d’Aljustrel, où tapas et vin rouge accompagnent la ferveur des supporters locaux.
3. Les chants
Le Portugal possède de fortes traditions musicales et l’Alentejo y contribue largement. La région a son propre chant en deux parties qu’on ne retrouve nulle part ailleurs : la Cante Alentejano. Autrefois entendue dans les champs, la Cante est une chorale de précision dénuée d’accompagnement instrumental. Ce type de chant a capella fait aujourd’hui partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Lors de notre passage à Beja, on a eu la chance d’assister à la répétition d’une chorale locale composée exclusivement d’hommes, tous en habits traditionnels. Fascinant !