"J’ai l’impression d’observer un événement que de rares personnes ont l’opportunité de voir": Bérangère raconte comment son tour du monde a pris sens

Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille.

Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille.
Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille. ©DR

Il est 01h00 du matin, je suis en tenue de "combat" pour partir patrouiller sur "Playa Tres", une plage au nord du petit village de Parismina, sur la côte caraïbe du Costa Rica, à la limite du parc national de Tortuguero. Ces patrouilles de nuit, réalisées par équipe de deux et organisées par une association locale*, ont pour but la protection des tortues marines durant la période de ponte, entre les mois de juillet et novembre. Le braconnage est malheureusement encore très répandu sur ces plages immenses et la présence de patrouilleurs peut faire office de dissuasion. Mais notre travail de nuit va bien au-delà : les tortues sont marquées et les nids sont recensés à des fins d’études scientifiques et statistiques.

Pourquoi une tenue de combat ? Parce que "Playa Tres", contrairement aux plages de sable fin plus bas sur la côte, est difficile d’accès. Elle est jonchée de troncs d’arbres et de détritus que les rivières charrient, et qui empêchent toute baignade ou marche tranquille.

Il fait nuit, nous allumons de temps en temps la lumière rouge de nos lampes frontales, la seule qui ne dérange pas les tortues qui pourraient croiser notre chemin. La lune et les étoiles nous guident, et nos yeux s’habituent rapidement à l’obscurité. Avec des chaussures de marche, un pantalon, un tee-shirt à manches longues, une casquette et un tour de cou pour nous protéger des moustiques qui sévissent, nous parcourons entre 8 et 10 kilomètres aller-retour.

Les tortues, elles, trouvent toujours leur chemin. Environ 30 ans après leur naissance, après avoir traversé les océans, elles reviennent sur cette même plage pondre chaque année. Un cycle de la vie qui nous montre à quel point la nature est extraordinaire.

Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille.
Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille. ©DR

Dans la pénombre on aperçoit enfin une silhouette massive qui avance lentement et péniblement, se frayant un passage pour atteindre une zone plus accueillante de la plage et commencer le dur labeur de creuser un nid pour y pondre une centaine d’œufs. Mon cœur bat la chamade, j’ai l’impression d’observer un événement que de rares personnes ont l’opportunité de voir. Je mesure surtout ma chance de participer, à mon humble niveau, à protéger une espèce menacée à travers le monde.

Le travail des volontaires consiste selon les cas à compter les œufs pendant la ponte, trianguler la position exacte du nid avec les coordonnées GPS, marquer la tortue avec une bague si elle n’en a pas encore, et la mesurer avant qu’elle ne retourne à la mer.

Il est presque 4 heures du matin. Après avoir travaillé sur 4 tortues, nous rentrons en bateau vers le petit village de Parismina. Je rejoins mon mari, resté avec notre fille qui, elle, dort profondément.

Celui-ci prend le relai pour les 4 prochaines heures et part avec un autre volontaire faire le recensement des traces et des nids sur la plage, avant que la chaleur ne soit trop pénible. Environ 60 jours après la ponte, les petits bébés tortues entameront le long et périlleux voyage de la vie. Seulement 1 sur 1000 atteindra l’âge adulte et reviendra sur cette plage qui l’a vu naître.

Pura Vida ! C’est la devise du Costa Rica et c’est aussi une belle leçon de vie. A Parismina, sur ce petit bout de terre accessible uniquement par bateau après une longue route depuis la capitale, la vie s’écoule simplement. S’ils décident de rester ici, les jeunes de ce petit village n’ont pas beaucoup de perspectives d’avenir autres que la pêche ou la protection des tortues (il y a deux associations dans le village), mais les sourires sont toujours présents sur leurs lèvres et le bonheur se lit dans leurs yeux.

Durant cette semaine de volontariat, nous dormons chez l’habitant : une famille costaricienne modeste et adorable, dont le deuxième enfant est devenu un grand copain de notre fille. Ils jouent ensemble la semaine entière, c’est une belle expérience culturelle pour elle. Elle a également la chance de parler couramment espagnol et donc de pouvoir suivre les cours de la petite école du village, une autre façon pour elle d’appréhender ce tour du monde.

À 5 ans, elle découvre d’autres réalités que la sienne et d’autres modes de vie. Même s’il est difficile à son âge de le comprendre, elle se rend compte que certains enfants n’ont pas la même chance qu’elle. Ceux-ci se contentent de jouer avec ce qu’ils trouvent et s’émerveillent de choses simples… Par exemple, le jour de l’anniversaire du fils de notre hôte, nous lui avons fait des crêpes et offert un ballon de football – son seul cadeau ! Le bonheur qui se lisait dans son regard était extrêmement touchant !

Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille.
Bérangère nous livre le récit d'une expérience au Costa Rica, dans le cadre d'un tour du monde avec sa famille. ©DR

Dormir chez l’habitant est une belle manière de s’imprégner de la vie locale, de discuter avec les gens et mieux comprendre leur culture. L’essor des initiatives de protection des tortues marines dans cette région est d’ailleurs à l’origine du développement des "homestays": les familles du village se sont peu à peu (re)converties pour accueillir les volontaires qui viennent donner de leur temps.

Il y a encore quelques années, les œufs de tortues représentaient une source de revenus complémentaire à celle de la pêche. Heureusement, la prise de conscience de la nécessité de protéger cette espèce a permis au village de s’orienter vers des activités de conservation.

Le Costa Rica est d’ailleurs un des rares pays au monde où la nature et la protection de la biodiversité sont des priorités pour les autorités, pas uniquement pour attirer les touristes (même si c’est le cas) mais par conviction.

Entre jungles luxuriantes et volcans majestueux, entre exploration de magnifiques plages et découverte d’une faune incroyable, le Costa Rica est un petit bijou que nous avons eu la chance de visiter tout en donnant un sens à notre voyage. Cette expérience, un grain de sable dans l’immense labeur de sauvegarde des tortues, reste le meilleur souvenir de notre passage chez les "Ticos"…

*Turtle Love au Costa Rica a pour missions principales : la protection de la ponte des tortues via les patrouilles de nuit, leur recensement à des fins scientifiques et statistiques, la sensibilisation à la conservation et à l’environnement auprès des communautés locales, et certains projets scientifiques de recherche sur les tortues marines.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...