Eloge de la lenteur en pénichette sur le Canal du Midi
Reliant l’Atlantique à la mer Méditerranée, ce canal de navigation se longe à vélo ou se parcourt en pénichette, une option pleine de charme mais pas forcément de tout repos.
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- Publié le 16-07-2023 à 08h03
- Mis à jour le 04-08-2023 à 09h29
Les gens se font une fausse idée de la croisière sur le Canal du Midi”, nous lance, sourire en coin, Didier, responsable technique de la base d’Argens-Minervois où, ce samedi matin, arrimées au quai, une trentaine de pénichettes de la société Locaboat se font bichonner pour accueillir les nouveaux arrivants, capitaines autoproclamés. Tout excités qu’ils sont à l’idée d’embarquer une semaine durant sur leur maison flottante, pour découvrir ou revivre ce qui restera une aventure hors du commun.
“Soit ils s’imaginent que manœuvrer (NdlR : sans permis) un bateau d’une dizaine de mètres n’est pas à leur portée et alors, à tort, ils n’osent pas s’y essayer, explique Didier, en charge de l’écolage. Soit ils pensent qu’une croisière sur le Canal du Midi se savoure les doigts de pied en éventail, ce qui n’est pas vrai non plus. En réalité, c’est plus sportif qu’on le pense, surtout au passage des écluses, et moins technique qu’on pourrait le craindre.”
Pour se faire sa propre idée, rien ne vaut de tenter l’expérience : et donc, se laisser glisser sur les flots sans croire qu’on va se la couler douce pour autant… Car aussi paisible soit-il, le Canal du Midi n’est pas un long fleuve tranquille, qu’on se le dise !

Délivrées dans le détail par Sarah, les nombreuses consignes à bien assimiler annoncent d’emblée la couleur. “Pour le plein d’eau, selon votre consommation, il faudra en principe y penser tous les deux, trois jours. Pour l’électricité, le bateau se recharge pendant la navigation mais certains ports proposent des prises. Cela dit, il est permis de s’arrêter un peu où l’on veut le long du Canal. Pour la nuit, par exemple, on peut s’arrimer en pleine nature et pas nécessairement dans un port.” Et les règles de base s’enchaînent : “Quand on croise en bateau sur le Canal, on ralentit. Interdiction de créer des remous qui pourraient abîmer les berges. Les plus grandes péniches ont priorité sur les plus petites. Attention aussi quand vous passez les ponts et les aqueducs : parfois, ils sont bas…”

Le délicat passage d’écluses
Bardés d’informations, nous voilà donc prêts à embarquer et sortir du port. Parés à virer. Oui, mais à bâbord, direction l’Atlantique en passant par la ville mythique de Carcassonne ? Ou alors à tribord, vers la Méditerranée, et voir Béziers ? “Si vous n’êtes que deux et si c’est une première, mieux vaut éviter d’enfiler les écluses”, nous avait judicieusement glissé l’hôtesse de Locaboat. Ce sera donc direction Béziers, sans espérer aller jusque Agde, une destination un peu trop ambitieuse si l’on a choisi de faire un aller-retour en une semaine ou si l’on n’a pas forcément envie de rebrousser chemin en train pour récupérer sa voiture au port d’Argens.

À la barre, une fois que l’on a capté qu’entre l’ordre de virer et la réaction du bateau, il y a un temps de latence, une fois les caprices du vent domptés et le principe des écluses bien intégré, commence alors le vrai plaisir de la navigation fluviale dans un paysage changeant, infiniment reposant et enivrant sur fond de chant de cigales. Entre plaisanciers, on se salue. Et les cyclistes qui ont choisi de découvrir le Canal du Midi sur leurs deux roues ne manquent pas d’en faire autant. La convivialité règne. Pins parasols, roseaux, champs de vignes défilent à perte de vue. Seuls, les vieux platanes, victimes d’une maladie, manquent à l’appel alors que, sur des dizaines de kilomètres, de jeunes espèces mettront encore des années à se hisser pour nous inviter à venir revoir ce spectacle un jour ou l’autre.

Savourer le moment présent
On s’enivre de silence, on réapprend à savourer le moment présent, on se surprend à vouloir arrêter le temps. On s’émerveille au passage d’un joli pont, à la vue du château de Paraza. On fait une halte pour déguster un produit local : huile d’olive, melon, miel, vin… On se pose à Poilhes pour y passer la nuit au grand calme. On ne manque pas de faire escale au Somail, joli village où une péniche épicerie permet de se ravitailler et où les petits restos proposent des délices.

Puis, on reprend la direction de Béziers et l’on franchit les 8 écluses (dont 6 sont fonctionnelles) de Fonseranes (et leurs 9 bassins) en enfilade. Après les avoir descendues et avoir visité la cathédrale Saint-Nazaire où l’on gravit les 165 marches de la tour pour admirer le panorama de la ville, on se dit qu’il va falloir remonter ces impressionnantes écluses construites sur un dénivelé de 21,5 m. On choisit ce jour-là de faire un crochet par le Canal de la Robine, un détour, qui vaut le coup.
Doucement, on commence alors à penser qu’il va bien falloir rentrer au port et restituer la pénichette pour qu’à leur tour, d’autres profitent de cette magnifique et inoubliable découverte.

Trois bonnes raisons de naviguer sur le Canal du Midi
1 Le charmant petit port du Somail
Arrêt obligé, le petit port du Somail, entre Argens et Béziers, est un endroit charmant à ne pas manquer. Avant d’être un port de plaisance, le Somail fut du XVIIe au XIXe siècle un important port de commerce et de voyageurs avec pas moins de 28 000 passages enregistrés en 1831.Outre ses bons petits restos et sa légendaire péniche épicerie, on admirera la Glacière et une incroyable librairie qui recèle pas moins de 70 000 livres anciens et d’occasion. Une découverte tout à fait inattendue qui ravira à coup sûr les nombreux amateurs de lecture.

2 Le passage d’écluses
Souvent assistées d’un éclusier ou d’une éclusière, le plus souvent charmants, les écluses sont tantôt automatiques tantôt manuelles. Elles font partie du voyage. Dire que leur passage est un jeu d’enfants serait mentir. Mais les grands principes expliqués lors de l’initiation seront assez rapidement intégrés une fois mis en pratique. Quoi qu’il en soit, l’exercice est une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Et dans le genre, on vous conseille les écluses de Fonseranes, à l’approche de Béziers. Aussi spectaculaires à descendre qu’à remonter.

3 Les virées à vélo
Parce que, sur le bateau, on ne bouge finalement pas beaucoup, une petite balade à vélo est toujours bienvenue. Locaboat propose de mettre à disposition des bicyclettes qui sont l’occasion de s’aventurer dans les terres, à travers les vergers d’abricotiers et les champs de vignes, à la découverte de petits villages improbables où l’on a parfois l’impression qu’il n’y a pas âme qui vive. Une autre option, pour une partie de l’équipage, est de suivre le bateau le long du canal.

En pratique
Au départ de 24 bases, Locaboat propose plus de 200 parcours en pénichettes de différents modèles (de 2 à 12 personnes) sur les canaux, rivières et lacs d’Europe. Adaptés aux navigations fluviales douces, ces bateaux ne requièrent pas de permis. Parmi les destinations proposées, le Canal du Midi, prolongé par le Canal latéral à la Garonne, c’est plus de 500 km qui traversent la France du sud. Entre cités médiévales, villages cathares, châteaux et abbayes, ce parcours est classé au Patrimoine mondial de l’Humanité.
Plusieurs formules de séjours sont possibles : un week-end, un court séjour, une semaine et plus. Pour une pénichette de 2 à 4 personnes, une semaine en haute saison (juillet à mi-août) revient à environ 3 250 €.
Infos : www.locaboat.com. Tél : 00 00 3 86 91 72 72