La France à sec : urgence
En Poitou-Charentes ce jeudi, Nicolas Sarkozy se rend au chevet "d’un éleveur touché par la sécheresse", puis préside une table ronde consacrée à ses conséquences et "aux mesures mises en œuvre pour atténuer les difficultés des agriculteurs".
Publié le 09-06-2011 à 04h15 - Mis à jour le 09-06-2011 à 09h10
:focal(115x89:125x79)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LONYBRHIFJF2NA5KKJBK2T3JZQ.jpg)
Correspondant permanent à Paris
E
n Poitou-Charentes ce jeudi, Nicolas Sarkozy se rend au chevet "d’un éleveur touché par la sécheresse", puis préside une table ronde consacrée à ses conséquences et "aux mesures mises en œuvre pour atténuer les difficultés des agriculteurs". L’hôte de l’Elysée est attendu de pied ferme, sur le terrain où le fléau de la sécheresse fait des ravages. Une soixantaine des 101 départements du pays en est déjà victime, et fait donc l’objet de mesures de restriction de l’eau. Et Météo France le certifie : l’Hexagone n’avait jamais connu saison aussi sèche depuis cinquante ans et aussi chaude depuis l’an 1900.
C’est au point que le début des moissons a été avancé de trois semaines. Le muguet du 1er mai, déjà, avait dû être stocké en frigo par ses producteurs jusqu’à la date fatidique, tant il avait éclos prématurément. Au point que le syndicat agricole FNSEA a réclamé l’aide de l’armée pour protéger les stocks de paille, très convoités vu la pénurie de fourrage, et assurer leur transport dans le pays, vers les exploitations qui en manquent. Au point aussi que dans des diocèses des Pays de Loire ou de Normandie, à l’Ascension, ont été organisées des célébrations eucharistiques pour bénir la terre et la pluie (espérée), sur le modèle des antiques rogations.
Ce midi, le chef de l’Etat pourra difficilement ne pas s’exprimer sur l’instauration éventuelle d’un "impôt sécheresse", dont les recettes iraient aux victimes des terres dévastées. La France n’y avait pas eu recours lors de la canicule de 2003, mais un tel impôt avait été levé par le Président Giscard en 1976, quand le pays avait connu une sécheresse historique. Sécheresse qui, selon l’actuelle ministre de l’Ecologie, "est comparable" à la situation "dramatique" de 2011. La majorité, cependant, renâcle à dégainer cette arme fiscale. A moins d’un an de la présidentielle de 2012, elle ne veut pas risquer d’irriter ses électeurs, déjà déçus par le respect incomplet d’une des grandes promesses sarkozystes de 2007 : la non-augmentation des prélèvements fiscaux.
A un tel impôt, le gouvernement a préféré, jusqu’à présent, un plan d’urgence. Quelque 700 millions d’euros de prêts de trésorerie à taux préférentiel ont été octroyés aux agriculteurs. Ceux-ci toucheront à l’avance, dès septembre, les indemnisations. Les aides à la vache allaitante seront, à 80 %, versées par anticipation. Les préfets veillent au respect de l’interdiction du broyage de la paille, afin qu’elle puisse servir au fourrage des animaux - si nombreux à ne plus pouvoir manger à leur faim que les abattoirs sont désormais saturés. La SNCF a été mobilisée pour le transport de la paille par rail, moins cher que par route. Le fauchage des jachères a été autorisé dès avril. Et céréaliers et éleveurs ont conclu des contrats pour enrayer la spéculation sur la paille et le fourrage, et donc éviter l’envolée de leur prix de vente à la tonne.
Trop peu, trop tard, critique l’opposition pour qui "le temps n’est plus aux annonces ou aux tergiversations. L’enjeu, désormais, c’est de sauver l’agriculture française". Vu l’urgence, a été reportée à plus tard l’indispensable réflexion de fond sur les failles structurelles, et bien connues, qu’a remises en lumière la sécheresse. Par exemple : l’énorme retard pris par la France sur ses voisins (comme l’Espagne) en matière de stockage des eaux de pluie ou de retenue d’eaux fluviales. Ou la domination de l’agriculture par des cultures extrêmement gourmandes en eau et donc exigeantes en irrigation, tel le maïs.
Mais l’agriculture, l’élevage et les paysages ne sont pas seuls touchés par le fléau. Des secteurs grands consommateurs d’eau (sidérurgie, imprimerie, etc.) commencent à s’inquiéter. Et les centrales nucléaires sont placées sous haute surveillance, leur fonctionnement normal (et donc dans de bonnes conditions de sécurité) dépendant du niveau et du débit des cours d’eau aux bords desquels elles sont situées.