L’eau de Spa et l’ultime risque d’une contamination
Contrairement à certaines idées reçues, l’eau de source ne sort pas nécessairement du sol. Il faut forer, entre 50 et 200 m sous terre, pour capter une partie de l’eau naturelle qui circule dans les fissures de la roche.
Publié le 22-03-2013 à 08h44 - Mis à jour le 22-03-2013 à 09h41
Contrairement à certaines idées reçues, l’eau de source ne sort pas nécessairement du sol. Il faut forer, entre 50 et 200 m sous terre, pour capter une partie de l’eau naturelle qui circule dans les fissures de la roche. Initialement, de l’eau de pluie, renouvelée en permanence au cours d’un cycle qui peut atteindre cinquante ans entre le moment où la goutte se pose sur le sol et celui où elle est prélevée dans la nappe phréatique.
Pour que cette eau puisse bénéficier de l’appellation "eau minérale naturelle" et être commercialisée comme telle, elle doit en outre respecter une série de principes de base : être d’origine souterraine, être embouteillée directement à la source sans le moindre contact physique avec l’homme, avoir une composition minérale 100 % naturelle et stable dans le temps, et donc, ne subir aucun traitement chimique ou microbiologique.
En Belgique, une vingtaine de sources et exploitants d’eau minérale répondent à cette appellation, parmi lesquelles trois "grandes marques" : Valvert, Chaudfontaine et Spa. Cette dernière, embouteillée et commercialisée par la société Spadel, représente à elle seule 25 % du marché, soit environ 500 millions de litres écoulés pour un chiffre d’affaires qui frise les 200 millions d’euros. Pour de l’eau de pluie ? Presque, la réalité est un petit peu plus compliquée.
"Puiser sans épuiser"
La source où Spadel puise son eau appartient à l’espace public, ici, la ville de Spa, propriétaire du "patrimoine eau" et d’une partie des terrains, et la Région wallonne, propriétaire du reste des quelque 13000 hectares (26 000 terrains de foot) déclarés "zone protégée". "Les sources appartiennent à l’espace public, mais nous payons une redevance sur chaque litre d’eau vendue", explique Marc du Bois, administrateur délégué de Spadel qui entend bien jouer la carte "durable" après des années de respect de normes environnementales drastiques et la mise en place de règles scrupuleuses.
"Oui, la source nous est profitable, Mais on veut l’exploiter selon les standards les plus strictes en matière de protection des sources. Préserver ce que nous avons trouvé pour en conserver toute la qualité". "L’ensemble de notre stratégie repose sur l’idée de puiser sans épuiser", ajoute Patrick Jobé, hydrogéologue de Spadel.
"Nous ne prenons jamais plus que ce que la nature nous donne. Un point de renouvellement est calculé, et une quantité maximale d’eau à puiser est fixée pour chaque source par la Région avec qui nous avons signé un partenariat public-privé. Pour éviter toute contamination, ce partenariat interdit toute activité agricole, l’usage de pesticides, et même les sels de déneigement dans la zone concernée. L’écosystème dans lequel on travaille est à ce point fragile que pour nous, tout est grave, on veut absolument éliminer le moindre risque. Une goutte d’hydrocarbure peut polluer 1000 litres d’eau." Alors, quand deux avions partis de l’aérodrome voisin se crashent en 1995, c’est la panique.
"Des centaines de litres de kérosène se sont déversées dans la zone protégée et il était interdit de toucher aux lieux", explique Marc du Bois. "Les risques de contamination étaient énormes et la zone de l’accident, difficile d’accès. On a dû y aller à la pelle et creuser jusqu’à ce que plus aucun signe de pollution ne soit enregistré."
En 1998, un hélicoptère se crashe à nouveau, suivi par un petit avion en 2008 qui lâche 190 litres de kérosène dans la nature. "A chaque fois, on a pu éviter la contamination", tempère Marc du Bois. "Et les accidents ne se sont heureusement pas produits dans la zone directe d’exploitation (actuellement, 5 hectares sur les 13000, NdlR). Si le réservoir naturel de l’eau de Spa avait été contaminé, c’était terminé. Même avec un simple risque de contamination, plus personne n’aurait acheté une bouteille de Spa. On mettait la clé sous la porte, et comme nous ne sommes pas délocalisables, 600 personnes étaient licenciées." Aujourd’hui, l’aérodrome est fermé mais la procédure judiciaire n’est pas terminée. "Nous ne demandons pas sa fermeture", insiste Marc du Bois, "juste un redéploiement de la zone de survol".