Feu sur l’huile de palme
L’huile de palme représente un quart de la production mondiale d’huiles végétales. Les monocultures industrielles de palmiers à huile ont un impact non négligeable sur l’environnement.
Publié le 12-08-2013 à 05h37 - Mis à jour le 09-09-2013 à 13h47
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Et si Tony le tigre était remplacé par un palmier ? Pas que la multinationale Kellogg’s ait décidé de licencier l’emblématique personnage qui orne ses boîtes de "Frosties", mais parce que le groupe s’approvisionne en huile de palme auprès de Wilmar. Société basée à Singapour récemment désignée "grande entreprise la moins verte du monde" par l’hebdomadaire américain Newsweek, compte tenu de sa large contribution à la déforestation mondiale qui pourrait bientôt avoir la peau des 400 tigres de Sumatra encore vivants en Indonésie. Pour une marque "publiquement engagée dans le développement durable", voilà qui fait mauvais genre.
Il y a dix ans, personne n’aurait prêté attention à une telle collaboration, mais l’huile de palme est devenue en quelques années la matière grasse la moins chère et la plus consommée au monde avec cinquante millions de tonnes produites chaque année, dont les trois quarts finissent dans l’industrie alimentaire. "Personne n’avait entendu parler de l’huile de palme auparavant, alors que ce produit est présent dans 60 % de nos produits de consommation", confirme Suzanne Kroger, coordinatrice sur l’huile de palme pour Greenpeace. "Aujourd’hui, compte tenu de sa production massive, l’impact est assez clair. Des portions entières de forêts ont disparu, les principaux pays exportateurs subissent de plus en plus d’incendies dus aux techniques utilisées pour ‘nettoyer’les zones déforestées ou l’assèchement des sols, et cela devrait encore s’aggraver dans les années à venir."
A elles seules, l’Europe, la Chine et l’Inde importeraient plus de 50 % de la production mondiale, principalement issue de Malaisie et surtout d’Indonésie qui produit chaque année 27 millions de tonnes d’huile de palme sur une surface de 8,4 millions d’hectares. La demande est telle, et les rentrées fiscales à ce point rémunératrices, que le pays pourrait même envisager de réquisitionner jusqu’à 20 millions d’hectares d’ici 2025 pour augmenter sa production. En Malaisie, les chiffres sont moins précis, mais diverses ONG estiment à 1,3 million d’hectares la part de forêts supprimées annuellement pour dégager des espaces de culture. Même si les palmiers à huile génèrent entre 5 et 7 fois plus d’huile que les arachides, et jusqu’à 10 fois plus que le soja sur un espace similaire, l’impact sur les forêts est manifeste. Sans parler des dégâts environnementaux des grandes monocultures industrielles qui appauvrissent les sols et utilisent quantité d’intrants.
Pas de boycott
Signe que le phénomène prend des proportions hors normes, certaines autorités ont commencé à montrer des signes de réaction. Fin 2012, l’entreprise italienne Ferrero a cru un instant devoir supporter une taxe de 300 % sur les pots de Nutella vendus en France - premier consommateur mondial de la fameuse pâte à tartiner - en raison de son usage abondant d’huile de palme. Propos fermement démentis par la suite par le courageux gouvernement français, qui auront tout de même coûté toute une campagne de communication à Ferrero pour garantir son huile de palme "100 % durable et traçable".
Magnifique, c’est exactement ce que le consommateur voulait entendre, mais la durabilité marketée reste difficile à vérifier. Le label RSPO utilisé par Ferrero regroupe un millier d’acteurs liés d’une façon ou d’une autre à l’huile de palme. Il impose une série de critères comme la mesure des émissions de gaz à effet de serre, la mise en place de politiques de lutte contre la corruption, ou encore l’interdiction du travail forcé, mais reste, selon la plupart des critiques adressées, très peu contrôlé sur le terrain. "Ce n’est pas parfait, mais c’est une piste à suivre, parce que le boycott de l’huile de palme n’est pas une option envisageable, ajoute Suzanne Kroger. Même si cette huile a mauvaise réputation, elle joue un rôle essentiel dans l’industrie indonésienne et peut être exploitée proprement. Une solution serait, par exemple, d’augmenter la productivité des terres et, surtout, des petits producteurs, et d’utiliser des terrains qui ne sont pas recouverts de forêts et pourraient être exploités sans dommages collatéraux".
L’Indonésie a récemment quitté le label à la demande des petits producteurs pour mettre en place sa propre certification gouvernementale qui devrait être obligatoire en 2014, sans faire de la durabilité une priorité. La production mondiale d’huile de palme, elle, devrait doubler d’ici 2050 et se chercher des terres sur d’autres continents.