"Les droits des animaux priment sur les droits religieux"
Le Danemark a interdit récemment l’abattage des animaux sans anesthésie préalable. Cette décision suscite de vives réactions d’organisations juives et musulmanes qui ressentent cette interdiction comme une atteinte à leur religion.
Publié le 19-02-2014 à 20h34 - Mis à jour le 01-03-2014 à 14h55
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Le Danemark a interdit depuis le 17 février l’abattage des animaux sans anesthésie préalable, suscitant de vives réactions d’organisations juives et musulmanes qui ressentent cette interdiction comme une atteinte à leur religion. "Cela signifie qu’en tant que juifs et musulmans, on ne peut pas suivre les règles religieuses concernant la nourriture", s’offusque Finn Schwarz, président de la communauté juive au Danemark (7 000 membres). Pour le ministre danois de l’Alimentation et de l’Agriculture, Dan Jorgensen (social-démocrate), "les droits des animaux sont prioritaires par rapport aux droits religieux". La controverse , "c’est une tempête dans un verre d’eau, car il n’y a pas eu d’abattage religieux sans étourdissement depuis 2004 dans les abattoirs danois. Le gouvernement ne veut pas interdire l’abattage religieux, mais il faut que ce soit pratiqué dans des conditions qui ne fassent pas souffrir les animaux". Pour lui, "ceux qui sont en colère contre cette interdiction, c’est parce qu’ils envisagent à l’avenir de faire abattre les bêtes sans étourdissement. C’est pourquoi elle se justifie". D’autant que son prédécesseur, Karen Hækkerup, avait reçu des demandes de dérogations à l’abattage religieux sans anesthésie, et décidé en conséquence en août dernier de combler ce vide juridique, en proposant d’interdire par force de loi un tel abattage. Le Danemark "ne fait pas cavalier seul. La Suède et la Norvège ont déjà promulgué une telle interdiction", rappelle M. Jorgensen.
"On stigmatise le halal et le casher"
"C’est une double morale : on justifie cette interdiction par le bien-être des bêtes. En vérité, on stigmatise l’abattage rituel halal et casher et on oublie qu’on enregistre par exemple 25 000 porcs morts chaque année pour mauvais traitements dans ce pays ou les méfaits de la chasse qui occasionne une agonie insupportable des animaux", tonne Ben Yones Bessaber, directeur de "Danish Halal Fund", qui regroupe 53 organisations halal. "Nous espérons engager un dialogue avec le gouvernement, et en cas d’échec nous sommes prêts à porter cette affaire devant les tribunaux au Danemark et devant la Cour européenne des droits de l’homme. Nous souhaitons que l’abattage des animaux se fasse selon le rituel halal, sans étourdissement car plusieurs études montrent que les bêtes souffrent plus lorsqu’on leur tire plusieurs fois sur le front avec le pistolet pour les assommer et sont inconscientes lors de l’égorgement, ce qui est contraire au rituel halal." Si l’opinion publique danoise est largement favorable à cette interdiction, celle-ci crée un malaise dans la communauté musulmane (l’islam est la 2e religion avec près de 240 000 fidèles).
Au "Halal Slagter" à Norrebrogade, quartier populaire de Copenhague, le boucher ne veut pas s’immiscer dans le débat. "Nous avons notre propre abattoir et nous contrôlons effectivement l’abattage des bêtes conformément au rite islamique", assure-t-il. "J’ai confiance dans mon boucher. Mais je ressens cette interdiction comme une violation des droits religieux des minorités", clame Hafed, un réfugié syrien.
"Pur populisme"
Un autre boucher, Mohamed, pense qu’"on n’a pas besoin de cette loi car tous les animaux au Danemark sont tués après étourdissement". Il s’étonne de ce tout ce remue-ménage. "Pourquoi le directeur de ‘Danish Halal’ s’offusque maintenant alors qu’on égorge les animaux étourdis depuis 2004 ?" Face aux incertitudes sur l’abattage rituel au Danemark, "Danish Halal" a exhorté les consommateurs musulmans à acheter de la viande halal importée, notamment de France et de Belgique où les abattoirs sont plus respectueux du rituel islamique. La communauté juive s’approvisionne quasiment à l’étranger.
Mais en dépit de ce fait, cette interdiction dérange, considérée comme du "pur populisme". "Je ne peux pas accepter, en tant que juif, que certains pensent que ma religion ne fait pas de bien aux animaux", s’insurge le grand rabbin du Danemark, Bent Lexner. C’est un droit humain de pouvoir cultiver sa religion par la parole et les actes, et quand on interdit l’abattage rituel, on m’interdit de cultiver ma foi", s’indigne-t-il.