Les 20 km, le lieu où il faut être vu
Ce 18 mai, la majorité des coureurs aux 20 km de Bruxelles le fera pour "une bonne cause". Sous les couleurs d’une grande ONG ou d’une association moins connue. A la clef, récolte de fonds et visibilité garantie, lors de cette course ultrapopulaire.
Publié le 15-05-2014 à 20h50 - Mis à jour le 16-05-2014 à 08h09
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RQ5X2BNPZFBOVFM7I5LMALXBEI.jpg)
Ce 18 mai, la majorité des coureurs aux 20 km de Bruxelles le fera pour "une bonne cause". Sous les couleurs d’une grande ONG ou d’une association moins connue. A la clef, récolte de fonds et visibilité garantie, lors de cette course ultrapopulaire.
Ce dimanche, ils seront 40 000 à prendre le départ pour les 20 kilomètres de Bruxelles. Un nouveau record de participation pour la course à pied la plus emblématique du pays, qui fête ses 35 ans. Parmi la foule, 1 600 équipes courront au profit d’une œuvre. Septante pour cent des participants aux 20 km courent en équipes, et la majorité de celles-ci, pour un projet humanitaire. La majorité des joggeurs au départ court en fait pour "une bonne cause". L’an dernier, c’est un total de 400 000 euros qui a ainsi été récolté.
"Win-win"
C’est il y a une quinzaine d’années que les ONG ont été sollicitées afin de booster la popularité de la course. "Il n’y avait pas le même succès qu’aujourd’hui au rendez-vous. Il y avait moins d’enthousiasme pour la course à pied, se rappelle Carine Verstraeten, organisatrice des 20 km et secrétaire du syndicat d’initiative (SI) de Bruxelles. Au SI, nous organisions chaque année des événements ‘charity’, mais les gens n’étaient plus prêts à payer deux fois le prix d’une place de spectacle pour une bonne œuvre. Nous avons décidé de joindre les deux. Le ‘charity’ pouvait apporter un rayonnement, un rayonnement social, aux 20 km. Et les associations pouvaient faire des 20 km un support, en créant du parrainage, etc. C’est un partenariat ‘win-win’. Désormais, elles sont quasiment toutes présentes, elles se motivent l’une l’autre à venir. Ce qui compte pour elles, c’est la visibilité, plus que la récolte d’argent. Pour elles, c’est ‘the place to be’."
Médecins sans frontière a fait partie des premières équipes à participer, il y a 23 ans, sur l’idée de bénévoles qui voulaient offrir davantage de visibilité à MSF. "Dimanche, c’est 500 personnes qui porteront nos couleurs dans un événement qui a un impact important dans le pays, indique Raphaël Piret, chargé de communication de MSF. C’est un événement particulièrement médiatisé, un immense événement sportif, populaire et grand public. Même si on participe à d’autres événements moins connus. Mais la visibilité, pour une ONG, c’est important. Entre autres, ça facilite la récolte de dons, c’est indéniable. Il y a aussi le volet ressources humaines. Pour que les gens soient motivés à travailler chez nous, ils doivent nous connaître." Mais la récolte de fonds n’est "pas du tout négligeable". L’an dernier, la récolte s’était élevée à 25 000 euros.
Pour les ONG, les 20 km sont aussi une occasion d’entrer en contact avec les entreprises, sponsors potentiels. Certaines invitent d’ailleurs leurs salariés à constituer une équipe pour une ONG. "Les 20 km, c’est une porte d’entrée vers les entreprises et il est possible, par la suite, qu’on continue à collaborer, confirme Damien Kremer, responsable de la communication de Handicap International, qui envoie 215 personnes aux 20 km et qui espère récolter 12 000 euros. Mais les coureurs eux-mêmes deviennent aussi des ambassadeurs pour l’ONG. Celui qui va courir a de la motivation, il va chercher des parrains, parler de nous autour de lui… C’est un vecteur de notoriété indirect."
Valeurs d’effort et de solidarité
Les valeurs véhiculées par l’événement - effort, entraide… - correspondent aussi à l’image que veulent véhiculer les associations. A la Ligue Braille, 620 coureurs (voyants et malvoyants) se sont inscrits. Objectif : 28 000 euros, et surtout "montrer notre travail". "Pour nous, les valeurs qui nous correspondent, c’est le courage et la solidarité. Il faut beaucoup de courage pour faire cette course, et il y a aussi de la solidarité entre les coureurs, dit Céline Gurdebeke, de la Ligue. Le message, c’est : on peut tous y arriver, voyants comme malvoyants."
Parmi les grandes ONG, se glissent de plus petites ASBL, qui profitent aussi de la notoriété des 20 km. Comme "Les projets d’Eléonore", fondée en souvenir de cette fillette décédée en 2011 et qui voudrait pouvoir fournir des massages à des enfants malades. "Ces 20 km sont pour nous une occasion importante de nous faire connaître", confie Gwenaëlle Ansieau, mère d’Eléonore et fondatrice de l’ASBL, qui rassemblera 220 coureurs. Anne-Sophie Godart sera, elle, sur la ligne d’arrivée pour accueillir son fils autiste, Rémi, qui aura été poussé en buggy par des bénévoles. Alors qu’on lui avait assuré qu’il ne marcherait jamais, il marchera les derniers mètres sous l’arche du Cinquantenaire. La mère veut attirer l’attention du public sur le sort des enfants autistes. "Je veux qu’il soit vu, que ça se fasse dans un lieu public, symbolique. Les 20 km seront notre porte-voix."
"Quand je m’entraîne, cet objectif me donne un deuxième souffle"
Gaëlle Metens, logopède à l’IRAHM, courra dimanche les 20 km de Bruxelles, en compagnie de ses élèves, qui seront eux en buggy ou en joëlette. L’objectif, outre permettre à ces enfants de vivre l’expérience des 20 km, c’est de ramener 1 000 euros, pour l’achat de matériel à l’IRAHM, l’Institut royal d’accueil pour le handicap moteur. "J’ai fait les 20 km il y a six ans, mais depuis je n’ai plus couru. Mais le fait de courir dans ce but, c’est très motivant, quand je m’entraîne, ça me donne un deuxième souffle. Quand je suis trop fatiguée, je me dis qu’il faut continuer !"
Au départ, il y aura aussi Martine Dorval, infirmière. Elle est elle aussi une joggeuse occasionnelle, même si elle fait du tennis et de la natation. "Après les 20 km, je m’arrête de courir, et puis je recommence à m’entraîner quelques semaines avant les 20 km de l’année suivante ! Mais ça reste difficile de courir. Je le fais vraiment car je cours pour une association. Mon but, pour les 20 km, c’est de courir pour les autres… En fait, je n’ai jamais couru juste pour moi, ça m’intéresse moins… Je ne suis pas une joggeuse !"
Pour Rémi
Martine Dorval courra pour Rémi, un petit garçon autiste habitant le Brabant wallon. Qui participera lui aussi à la course, mais dans son buggy. L’équipe, d’une dizaine de personnes, se retrouve régulièrement le dimanche autour du lac de Louvain-la-Neuve pour s’habituer à courir en poussant le buggy. "Il y a beaucoup de solidarité entre nous" , constate Martine. L’équipe aimerait récolter 6 000 euros pour Rémi, afin d’améliorer son traitement. Grâce à l’argent récolté, il bénéficiera d’hippothérapie et de canithérapie.
Difficultés partagées
Martine fait aussi partie de l’équipe de bénévoles qui s’occupe à tour de rôle de Rémi, six jours sur sept, pour stimuler son évolution par diverses activités.
Cette méthode et des séjours dans un centre spécialisé en Espagne, lui ont déjà permis d’apprendre à marcher, alors que les médecins assuraient à sa maman qu’il ne le ferait jamais. "Pendant la course, je crois qu’on sera au même niveau. Lui, a ses problèmes physiques, ses problèmes moteurs. Nous, nous aurons la difficulté d’aller jusqu’au bout de ces 20 km. D’habitude, c’est lui que l’on stimule, là c’est lui qui nous stimulera."
La maman, Anne-Sophie Godart, est touchée par la motivation de l’équipe. "Tous ces bénévoles présents seront là en signe d’alliance avec Rémi. C’est une façon de lui dire : avec toutes les difficultés de ton corps, tu es capable de faire ça !" Elle-même sera sur la ligne d’arrivée pour voir son fils se lever et marcher quelques mètres avant le finish. "Il marchera devant tous les spectateurs, cela montrera qu’avec de l’amour, la solidarité, les thérapeutiques adéquates, un enfant autiste peut faire des progrès. Je souhaite qu’il soit vu. Ce sera un excellent témoignage." Anne-Sophie Godart a en effet décidé de mettre sur pied un groupe de pression pour donner une voix aux parents d’enfants souffrant d’autisme.