Union européenne: un thermostat réglé sur minimum
Les objectifs Climat-Energie des Etats membres de l'Union européenne s’annoncent très conservateurs. Revue de détail.
- Publié le 16-10-2014 à 22h15
- Mis à jour le 17-10-2014 à 08h30
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Ce n’est qu’un brouillon et le texte est donc encore susceptible d’évoluer. Néanmoins, le projet des conclusions du sommet européen qui se tiendra fin de semaine prochaine à Bruxelles, dont "La Libre" a pu prendre connaissance, donne déjà une idée de l’état d’esprit qui anime les chefs d’Etat et de gouvernement au moment d’aborder cette réunion. Et celui-ci est plutôt conservateur.
Pour rappel, les dirigeants des Vingt-huit doivent s’accorder sur le cap qu’ils entendent fixer à la politique énergétique et climatique de l’Union à l’horizon 2030. Une décision qui se base sur les propositions - très frileuses ou très réalistes, selon les points de vue - déposées il y a quelques mois par la Commission. Une nouvelle étape d’autant plus importante que les choix qui vont être posés détermineront aussi le niveau d’ambition et de crédibilité de l’UE dans les négociations internationales sur le climat. Avec, en ligne de mire, l’espoir d’un accord global lors du sommet de Paris programmé à la fin 2015.
1. Les positions. Sans surprise, de nombreuses dissensions perdurent entre Etats membres. La Pologne, en particulier, mais aussi ses voisins d’Europe centrale, très dépendants du charbon et/ou du gaz russe, s’inquiètent de l’impact économique de ces mesures et se montrent réticents. Ils souhaitent ainsi que les pays au PIB plus élevé assument la plus grosse part de l’effort ou, à tout le moins, leur accordent des compensations sonnantes et trébuchantes. Le projet d’accord prévoit d’ailleurs de renforcer une série de mesures existantes pour garantir la solidarité entre les Vingt-huit. De leur côté, les pays baltes, l’Espagne et le Portugal sont très préoccupés par la mauvaise interconnexion de leurs réseaux énergétiques à la toile européenne. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et les pays scandinaves se montrent pour leur part mieux disposés.
2. Un peu moins de CO2. L’objectif de 40 % de réduction des émissions en 2030 proposé par la Commission est bien repris dans le projet de conclusions, mais celui-ci n’est pas en l’état formellement assorti de l’adjectif "contraignant". Un "oubli" qui devra être rapidement corrigé, sans quoi les Européens ne doivent même pas se présenter à la table des négociations internationales… Plus positif, cet objectif serait décliné en objectifs nationaux et devrait être réalisé à l’échelle domestique et non en investissant dans des projets de compensation carbone hors UE. Pour autant, il reste nettement insuffisant, estiment Franziska Achterberg et Frédéric Thoma, en charge du dossier Energie-Climat chez Greenpeace Europe. "C’est le seuil minimal pour atteindre l’objectif minimal de la fourchette de réduction de 80 à 95 % que l’Europe s’est fixée pour 2050. Cela ne va pas inciter les autres pays à aller de l’avant", jugent-ils. A leurs yeux, il faudrait que les Etats membres endossent un objectif d’"au moins 40 %" et idéalement de 55 % en 2030.
3. Un doigt d’énergie renouvelable. Ici encore la cible de 27 %, proposée par la Commission est reprise, mais accompagnée cette fois du fameux "au moins". Cet objectif contraignant devrait cependant, semble-t-il, être atteint de manière collective sans être décliné sous forme d’obligations nationales. Une approche qui vise à ne pas braquer les pays attachés à leur souveraineté sur la définition de leur bouquet énergétique. Et ici aussi, il n’y a pas de quoi pavoiser puisque l’on est quasiment dans un scénario "business as usual". "C’est inacceptable", juge Frédéric Thoma. "On est très loin du potentiel disponible dans le respect du principe de coût-efficacité. Cet objectif devrait être de 45 %. Cela va au contraire freiner la dynamique d’un secteur qui connaît une croissance naturelle. Et cela, à un moment où de nombreuses centrales devenues obsolètes vont devoir être remplacées en Europe. C’est donner un mauvais signal aux investisseurs sur la direction dans laquelle on souhaite s’engager."
4. Des économies si on a envie. Comme suggéré par la Commission, la barre est placée à 30 % mais ne serait en l’état pas un objectif obligatoire. Or, on a vu ces dernières années que l’absence de contrainte débouchait sur l’absence de progrès notables. "De plus ce chiffre se base sur un scénario dépassé, réalisé avant la crise de 2007. Il reviendrait en réalité à ne faire qu’un effort de 12 %", soulignent nos interlocuteurs. Ce qui est là encore très nettement insuffisant alors que les tensions avec la Russie sont venues rappeler aux Européens tout l’intérêt qu’il y avait à réduire cette dépendance.