Voici le nouveau champion des calculateurs
Le groupe de technologie Atos a dévoilé hier son nouveau supercalculateur, le Bull Sequana, construit en France. Sa puissance de calcul est "mille fois supérieure à celle des systèmes actuels", ce qui en fait le plus puissant au monde. La mission de ces supermachines est entre autres de traiter le "déluge de données" numériques qui s’annonce. Dossier.
Publié le 13-04-2016 à 17h43
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Devant le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, lors d’une cérémonie très officielle, le groupe de technologie Atos a dévoilé hier après-midi à Paris son nouveau superordinateur. Le Bull Sequana est doté d’une puissance de calcul "1000 fois supérieure à celles des systèmes actuels", ce qui en fait le plus puissant du monde.
Sequana est décrit par Atos comme le "superordinateur le plus efficace au monde". Il est dix fois moins consommateur d’énergie qu’un supercalculateur actuel, et est aussi bien plus compact. "Plus de puissance dans un volume plus petit", nous résume un ingénieur, spécialiste du domaine. Donc moins de consommation et de chaleur dégagée, ce qui est un gros problème pour les supercalculateurs. Un ordinateur trois catégories en dessous consomme l’équivalent du chauffage de dix maisons unifamiliales…" L’ordinateur a été développé par l’ancien constructeur informatique français Bull, racheté par Atos en 2014. Le Sequana est assemblé à Angers, dans une des usines historiques de Bull, numéro cinq mondial des supercalculateurs.
Informations critiques et sensibles
Pour Thierry Breton, le PDG d’Atos, avoir un acteur européen dans ce marché est capital. L’argument : il est essentiel que les informations critiques et sensibles soient traitées sur le territoire européen, régulées selon les normes de l’Union et non ailleurs. L’or de ce siècle est en effet la big data, ces gigantesques masses de données numériques. Et dans le big data sécurisé (lire ci-dessous), "les besoins sont gigantesques", précisait hier Thierry Breton dans "Les Echos". Atos se présente comme un industriel de la donnée, de l’extraction au traitement en passant par le stockage de ce big data. "Or ces données augmentent de façon exponentielle, au point que l’on parle de ‘data déluge’. En 2020, nous atteindrons 40 Zetabytes, soit 40 mille milliards de milliards de données exploitables dans le monde. C’est davantage que le nombre de grains de sable sur Terre !", continue Thierry Breton.
Désormais très largement utilisés dans de multiples domaines (lire ci-dessous), les supercalculateurs font parler d’eux, à l’image d’Alphago, qui a battu le champion du monde de jeu de go au mois de mars.
En cours d’installation au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) en France, Bull Sequana a été conçu pour intégrer au fur et à mesure de leur disponibilité les technologies les plus performantes des années à venir. Ce nouveau supercalculateur "pourra développer, d’ici 2020, une puissance exaflopique, capable de calculer un milliard de milliards d’opérations par seconde", promet Atos.
Ces machines à absorber le "déluge de data"
Si auparavant les supercalculateurs étaient réservés aux gouvernements, à présent ce sont les universitaires et les grandes entreprises qui l’emploient. Quant aux PME, si elles n’en ont pas encore vraiment entendu parler, elles y viendront dans la décennie. "C’est en tout cas un enjeu majeur pour nous et la Wallonie", dit-on au Cenaero, centre technologique de Gosselies qui gère le supercalculateur wallon. "Les applications des superordinateurs n’ont de limites que l’imagination", assure son responsable, Serge Bogaerts. Exemples.
1 L’aéronautique. Les supercalculateurs font de la simulation numérique notamment pour concevoir les moteurs d’avion. "Il s’agit par exemple de concevoir les ailettes des moteurs d’avion pour qu’ils soient plus performants et consomment moins, explique l’ingénieur du Cenaero. Notre ordinateur va envisager les différentes formes d’ailettes et prédire le comportement du moteur. Avant qu’on le construise, c’est là l’intérêt. Avec une sorte de maquette numérique, on montre ce qui n’existe pas."
2 La médecine personnalisée. Le calculateur du Cenaero a travaillé avec IBA pour adapter le traitement de tumeurs à un patient, en fonction de la localisation ou de la taille de celle-ci. Sur base d’images médicales, notamment, l’ordinateur était chargé de calculer les impacts des traitements et de choisir le meilleur. Un autre grand espoir lié aux supercalculateurs est, en fonction du génome d’un patient, de concevoir une molécule thérapeutique.
3 Le bâtiment. L’idée ici est "d’implanter", grâce à une simulation numérique, un bâtiment dans un quartier et d’étudier son impact sur celui-ci. "Les supercalculateurs peuvent aider les décideurs dans le sens d’une ville intelligente."
4 L’agriculture. Un objectif est par exemple, comme en France, de croiser "numériquement" des espèces pour concevoir des cultures adaptées à un site particulier.
5 Le Big Data. C’est un pan majeur du domaine, car la quantité de données numériques à traiter explose. Pour l’instant, les ordinateurs capables de simulations numériques ne sont pas très adaptés pour traiter le big data et a fortiori le "déluge data". La recherche travaille donc à cette convergence. Les supercalculateurs font désormais du "big data sécurisé", qui consiste à surveiller le web à la recherche d’informations et de comportements suspects. "Le traitement se fait en temps réel, et il faut donc une grande capacité de calcul automatique." "Tout cela offre des champs d’innovation gigantesques, mais on voit que les supercalculateurs et le big data soulèvent des questions éthiques, par exemple en matière de protection de la vie privée ou de contrôle du vivant. Ce sera un enjeu pour les politiques dans les années à venir", estime Serge Bogaerts.