La Commission européenne garde le cap glyphosate (Roundup)
A rebours de l'avis du Parlement, l'exécutif européen envisage de renouveler l'autorisation de l'herbicide pour une durée de 10 ans.
- Publié le 22-04-2016 à 16h45
- Mis à jour le 22-04-2016 à 18h01
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/5KXEV5ENEJGNFH7T2N3BRNFEUA.jpg)
Si ce n'est pas une fin de non-recevoir, cela y ressemble furieusement. Selon un projet de texte dont 'La Libre' a pu prendre connaissance, l'exécutif européen envisage en effet de renouveler l’autorisation de commercialisation de la substance active de l'herbicide Roundup pour une dizaine d'années. Pour rappel, ce dossier fait depuis plusieurs mois l'objet d'une controverse scientifique qui s'est doublée d'un bras de fer politique entre Etats membres, mais également entre les institutions européennes.
En mars 2015, le Circ – le centre de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la Santé – avait en effet livré les conclusions d'une vaste revue de la littérature scientifique dont il ressortait que le glyphosate devait désormais être considéré comme un « cancérogène probable » pour les humains. Un point de vue que conteste cependant l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en se basant, avance-t-elle, sur certaines études réalisées par les industriels auxquelles le Circ n'a pas eu accès. Une divergence de vues qui a donné lieu à une passe d'armes tendues entre les responsables de ces deux institutions scientifiques.
Les industriels, pour leur part, avancent que les alternatives au glyphosate s'avéreraient au final plus nuisibles sur le plan toxicologique.
La balle dans le camp des Etats membres
Il y a un mois et demi, les experts des Etats membres ne sont pas parvenus à s'accorder sur le renouvellement de l'autorisation de cette substance, alors que l'homologation permettant son utilisation dans l'UE arrive à échéance le 30 juin. Si la Belgique s'est montrée favorable à la prolongation de 15 ans défendue par la Commission, la France, les Pays-Bas, la Suède et l'Italie s'y sont opposés.
De son côté, le Parlement européen est entré dans la danse de manière inhabituelle, la semaine dernière, en votant à une large majorité une résolution non contraignante appelant la Commission à limiter cette nouvelle approbation à une période de 7 ans au maximum. Les eurodéputés demandaient en outre que l'usage de l'herbicide soit assorti d'une série de restrictions : limitation aux professionnels ; interdiction de pulvériser le glyphosate peu avant la récolte pour accélérer la maturation des graines par dessiccation de la plante ; interdiction dans les parcs publics ou à proximité des plaines de jeux…
Autant d'exigences sur lesquelles la Commission ne paraît pas disposée à les suivre, même si elle semble prête à revoir à la baisse la durée de la nouvelle période d'homologation. « Il y a très peu de modifications par rapport à sa proposition initiale », commente une source européenne, rappelant au passage que le document qui a fuité n'est pas encore une version définitive.
La Commission reconnaît néanmoins la nécessité de bannir un coformulant utilisé pour accroître l'efficacité du glyphosate et qu'une liste de ces adjuvants potentiellement dangereux soit établie dans le futur. Elle souligne, par ailleurs, qu'il faut faire preuve de vigilance par rapport aux effets du glyphosate sur les populations de certaines espèces d'insectes et de vertébrés. Enfin, comme le demandent certains pays, elle précise que l'autorisation pourrait être retirée ou amendée si une nouvelle évaluation de toxicité confiée à la Agence européenne des produits chimiques (Echa) aboutissait aux mêmes conclusions que le Circ.Une étude qui demandera toutefois pas loin de deux années avant d'aboutir.
« La liste permettant d'encadrer les perturbateurs endocriniens que la Commission doit théoriquement publier cet été (après avoir été condamnée par la Cour européenne de justice pour sa passivité en la matière, NdlR) pourrait également rattraper le glyphosate », ajoute encore notre interlocuteur.
Les représentants des Etats membres seront appelés à trancher les 17 et 18 mai prochains, lors d'un vote à majorité qualifiée. Les pays qui le souhaitent auront néanmoins la possibilité d'imposer des restrictions supplémentaires sur leur territoire national.
Une perspective qui ne satisfait pas le coprésident du groupe des Verts au Parlement européen, pour qui la Commission "fait le forcing pour prolonger l'autorisation d'un produit dangereux pour la santé humaine et nuisible à l'environnement". « C'est un véritable scandale », juge Philippe Lamberts.