Comment Galileo, le nouveau GPS européen, va changer votre vie
Publié le 15-12-2016 à 15h32 - Mis à jour le 16-12-2016 à 10h56
L’Europe met en service son propre système de positionnement par satellite ce jeudi. Galileo se veut plus efficace que le GPS américain. Mais il ne sera vraiment opérationnel qu’en 2020.
1 - Localisation plus précise. Le grand public aura accès à un service gratuit ("Open Service"), avec une précision de l’ordre du mètre. Selon le Cnes, l’agence spatiale française, la précision des concurrents (GPS, Glonass...) est de 10 mètres. "Un exemple , livre Lionel Poncelet, dont la société construit les satellites Galileo, si vous avez un problème en voiture sur une autoroute, le GPS peut savoir à quel niveau vous vous trouvez, Galileo lui, pourra dire sur quelle bande vous êtes accidenté." Même chose pour les trains.
2 - Les "canyons urbains" comblés . Les satellites Galileo se trouvent à une altitude plus élevée que celle du GPS. Résultat : fini l’effet de canyon urbain. Soit le fait que, dans les villes, les bâtiments trop hauts cachent le signal venu du ciel. "Ici, grâce à l’altitude, Galileo permettra de mieux couvrir les zones urbaines" , continue Lionel Poncelet.
3 - Des avions plus sécurisés . En Europe, toujours grâce à l’altitude, le système permettra aussi de mieux couvrir les zones d’Europe du Nord au-delà du cercle polaire. Tout bénéfice pour la Suède et la Finlande, mais aussi pour les Belges, car cela concerne la navigation aérienne transatlantique Nord. Les avions pourront mieux se guider dans cette zone, où passent les avions Bruxelles-New York, par exemple. Autre impact pour la sécurité des passagers : un avion qui atterrit dans le brouillard sur un aéroport se guide normalement avec les instruments au sol. Ici, il pourra utiliser Galileo, qui le préviendra très rapidement si le signal n’est plus correct.
4 - Mer et montagne plus sûres. Galileo comprendra aussi un service "Search and Rescue" pour les personnes perdues en mer ou en montagne, pourvues d’une balise spéciale. Elles seront détectées, - "en 10 minutes plutôt que trois heures" -, selon la Commission européenne. D’autre part, un message pourra être renvoyé à la personne en détresse, signalant qu’on a repéré son appel.
5 - Votre position datée ultraprécisément . Le signal Galileo sera daté à quelques milliardièmes de secondes près, une fonction utile par exemple pour les fournisseurs d’énergie qui gèrent un réseau, ou pour les assurances en cas d’accident. Pour le Cnes, cela devrait plaire à ces compagnies car elles ont besoin de vérifier la véracité des déclarations de leurs clients en cas de sinistre avant de les indemniser.
6 - Un système d’authentification permettra à l’utilisateur d’avoir la certitude qu’il utilise bien le signal Galileo et pas un leurre, une garantie notamment pour les futurs véhicules autonomes face aux dangers éventuels d’un piratage à distance. La précision aidera par ailleurs au développement de la voiture autonome, puisqu’on connaîtra sa localisation plus exactement.
7 - Pour le futur, des applications en tous genres . Galileo propose également un service payant et commercial, d’une précision plus élevée, de l’ordre du centimètre. Cette possibilité devrait ouvrir la voie à de multiples applications, qu’on ne peut à ce stade sans doute pas toutes imaginer: "Galileo arrive juste au bon moment , juge l’ingénieur Guerric de Crombrugghe, expert dans l’industrie spatiale. On a ce système très performant, qui arrive justement au moment où on est en plein boom de ces applications de géolocalisation qui nécessitent un haut niveau de précision. Ces systèmes de positionnement par satellite tendent d’ailleurs tous vers un très grand degré de précision." Les applications possibles ? Des capteurs posés sur des ponts, qui, grâce à Galileo, pourraient indiquer s’ils ont bougé de quelques centimètres, et donc s’il y a eu déformation de la structure. Mais aussi, dans le transport, la localisation de containers, dont une partie finit toujours par se perdre. Ou encore dans le secteur des "Fin Tech", payer par smartphone en pouvant prouver que vous êtes bien à cet endroit. Sans oublier le large domaine de l’Internet des objets, qui, équipés des puces GNSS (Global Navigation Satellite System), pourront donner leur position tout à fait exacte. Plus facile alors de retrouver l’endroit où on a posé ses clés…
Pour le plein service, il faudra patienter
L’ambition de l’Europe ? "Que l’on ne dise plus que Galileo est le GPS européen, mais que le GPS est le Galileo américain." Les mots sont de Jean-Yves Le Gall, le patron du Cnes, l’agence spatiale française. Mais lui-même admet que " cela mettra du temps ". Ce jeudi, l’Europe franchit cependant une étape très symbolique. La mise en service du système de positionnement par satellite européen est prévue pour ce 15 décembre.
Parmi les avantages mis en avant par la Commission européenne : pour l’usager, plus de précision et de fiabilité que la version américaine (voir ci-dessous). En outre, Galileo permet à l’Europe de ne plus être dépendante d’une puissance étrangère alors que le positionnement par satellite est devenu une infrastructure critique pour les pays. Galileo est aussi un système civil et non militaire. Plus question donc de brouillage pour raison de sécurité, comme en Afghanistan en 2001, avec le GPS.
Mais pour disposer de la pleine potentialité du système Galileo, il faudra encore attendre 2020. "Pour avoir un système de positionnement satellitaire qui fonctionne parfaitement, il faut que vous ayez quatre satellites au-dessus de vous , nous explique Lionel Poncelet, chargé d’affaires européennes chez OHB, société allemande qui a construit les satellites pour Galileo. Pour cela, il en faut 24, sur trois orbites différentes."
Opérationnel en 2020
Or, actuellement, la constellation Galileo n’en compte que quatorze opérationnels, après une série de mésaventures, notamment l’envoi de deux satellites sur une mauvaise orbite. La constellation ne sera complète qu’en 2020.
Résultat, pour l’usager : pour l’instant, le système n’est pas complètement fiable. En allumant son récepteur uniquement Galileo, l’utilisateur pourrait subir des coupures de quelques minutes ou bien ne rien capter du tout. En revanche, le système Galileo peut déjà fonctionner en complément du GPS américain ou du Glonass russe . "La précision globale du système sera alors augmentée , souligne Lionel Poncelet. De toute manière, lorsque Galileo sera complètement opérationnel, il sera aussi utilisé simultanément avec les autres systèmes de positionnement. "
Il reste un autre obstacle : celui du récepteur du signal envoyé par les satellites et présent dans nos smartphones ou nos systèmes de navigation automobile. Pour l’instant, peu d’appareils sont compatibles. Ainsi, un seul type de smartphone sur le marché est capable d’interagir avec Galileo : l’Aquaris X5 Plus, produit par BQ. Les fabricants devront construire de nouveaux GSM, pour qu’ils soient compatibles.
A ce stade, rien n’y pousse vraiment les entreprises, puisque le service Galileo n’est pas optimal et que le GPS existe. Sauf si l’Europe rend la compatibilité avec Galileo obligatoire pour les constructeurs vendant leur produit en Europe. Aucune décision n’est encore prise. Mais c’est ce que la Russie a fait avec son système de positionnement Glonass. Désormais, tous les GSM vendus en Russie - et donc dans le monde entier - sont équipés de récepteurs GPS et Glonass.