Le plus grand télescope solaire du monde aura l'accent liégeois
Publié le 18-08-2017 à 15h52 - Mis à jour le 18-08-2017 à 16h03
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En hawaïen, “Haleakala” signifie la maison du Soleil. Et c’est justement là, au sommet du volcan “Haleakala” haut de 3000 mètres, sur l’île hawaïenne de Maui, qu’est en train d’être construit un télescope spécialement conçu pour observer le soleil. Et pas n’importe quel télescope solaire : le plus grand et le plus puissant du monde.
“C’est un bond ! Jusqu’ici, les télescopes solaires disposaient de miroir d’un diamètre allant jusqu’à 1 m 50. Ici, le miroir principal, celui qui regarde le soleil, fera plus de 4 mètres. Et plus le miroir est grand, plus les images sont précises. Les détails à la surface du soleil seront deux à trois fois plus fins”, indique Xavier Verians, directeur chez Amos, qui participe à la construction.
Ce télescope DKIST (son nom officiel) aura l’accent belge, ou plutôt liégeois, puisque la société Amos, basée dans le Science Park de l’Université de Liège, a construit et vient de livrer la “partie la plus importante” du télescope hawaïen. Cette “cellule”, la pièce mécanique qui tient le miroir en place dans le télescope, doit faire en sorte que “tout le télescope fonctionne correctement”. La pièce, aux airs de grosse galette et qui pèse 9 tonnes, doit positionner le miroir, avec une précision de l’ordre de microns (40 fois mieux que l’épaisseur d’un cheveu), alors que le télescope bouge, puisqu’il suit le soleil au cours de la journée.

La cellule du miroir primaire, dans les ateliers d'Amos.
“Marmite en train de bouillir” La cellule est aussi pourvue de 142 points de contacts avec le miroir. Objectif de ces petits pistons : garantir à tout moment une forme parfaite au miroir parabolique – qui risque toujours de se déformer sous son propre poids de 3 tonnes – et donc assurer une image précise. Pas évident non plus de fixer en permanence le Soleil : il faut éviter la lumière et la chaleur parasites autour du télescope, qui pertuberait là encore les images prises. La cellule doit donc contrôler l’uniformité de la température, y compris à midi lorsque le miroir est pleinement exposé au soleil. Des écrans absorbants et des peintures spéciales antireflet sont aussi utilisées.
Avec ce télescope géant, l’objectif des scientifiques est de prendre des images en grande résolution, et en succession rapide, “de cette marmite bouillonnante qu’est le soleil”, continue Xavier Verians, en particulier de son activité magnétique. Et ce afin de mieux suivre et comprendre le déroulement des éruptions solaires qui peuvent perturber les réseaux électriques et endommager les satellites. Un problème dont les agences spatiales se préoccupent de plus en plus.

Une éruption solaire capturée par le National Solar Observatory.
Réputée mondialement pour la construction de télescope de 2 à 4 mètres, Amos, spin off créée il y a 30 ans à Liège avait déjà construit un autre télescope à Hawaï. Ce qui l’a aidée à obtenir ce nouveau contrat américain, poursuit Xavier Verians : “il y a déjà un grand nombre d’observatoire à Hawaï. Ici, on se trouve au sommet d’une montagne, il y a donc moins d’atmosphère à traverser, et l’image sera plus pure. L’air à Hawaï est aussi très sec, avec très peu de poussière. D’habitude, lorsque vous regardez le soleil si vous le cachez avec la main, le reste du ciel sera très blanc, car l’atmosphère est pleine de poussière et diffuse la lumière du soleil. Cela pollue l’image. Mais à Hawaï, le ciel autour sera encore très bleu; il n’y a pas de poussière dans l’air. C’est un site de grande qualité.”
Les observatoires au sommet des montagnes à Maui.
Destiné à observer la couronne solaire (la haute atmosphère du soleil), le lieu a d’ailleurs sélectionné, après une recherche dans le monde entier, pour cet “exceptionnel” “ciel coronal”, explique la National Science Foundation qui finance le projet.
Mais si ce lieu est le Graal des astronomes, il est aussi considéré comme sacré par les habitants indigènes de l’île. Le 2 août, lors de la livraison du miroir, des habitants de Maui ont tenté de bloquer le convoi, afin de rappeler que la montagne Haleakala était pour eux une terre sacrée. Six manifestants ont été arrêtés.

La manifestation du 2 août, au passage du convoi vers les sommets du volcan.
Deux responsables de DKIST, Thomas Rimmele et Joseph McMullin ont dit espérer pourvoir “travailler ensemble” avec les “Natives Hawaiians”, “dans le respect de chacun”. Ils ont ajouté que des consultations avaient été menées tout au long du projet, “pour limiter les impacts culturels et environnementaux”. Et que le chantier, parfaitement légal, se terminerait bien en 2020.
Le chantier en cours du DKIST.