Un astéroïde va nous "frôler" dimanche : les plans de la Nasa pour nous défendre d'éventuelles collisions
Surnommé “Super Bowl”, un astéroïde d’un kilomètre de diamètre passera près de la Terre dimanche soir. Aucun risque de collision en vue, selon l’agence spatiale américaine. Mais la Nasa réfléchit à comment défendre la Terre des astéroïdes. Le représentant de la Nasa en Europe a détaillé les différents scénarios à "La Libre".
Publié le 31-01-2018 à 09h02 - Mis à jour le 11-08-2018 à 07h33
Il est grand comme le célèbre gratte-ciel Burj Khalifa - la plus haute tour du monde à Dubaï, comme le fameux “Hyde Park” de Londres ou notre Bois de la Cambre bruxellois. L’astéroïde a été surnommé “l’astéroïde du Super Bowl”, car ce monstre d’1 km de diamètre environ passera, à 34 km/s, à proximité de la Terre ce dimanche, jour de cette ultra médiatique compétition sportive aux Etats-Unis. Selon l’agence spatiale américaine Nasa, l’astéroïde “2002 AJ129” passera près de la Terre le 4 février à 22 heures 30 (heure belge). Sa taille est évaluée entre 0, 5 kilomètre et 1, 2 kilomètre de large. Il est donc d’une taille “moyenne”.
Surveillé depuis 14 ans L’astéroïde a été classé par la Nasa dans la catégorie “Potentially Hazardous Asteroid (PHA), “astéroïde potentiellement dangereux”, car il passe à moins de 7, 5 millions de km de la terre. Mais l’agence spatiale américaine rassure immédiatement : ce passage ne représente en fait aucun danger. Le 4 février à 22 heures 30, alors qu’il sera au point le plus proche de la Terre, 2002 AJ129 se trouvera encore à quelque 4,2 millions de kilomètres de la Terre, soit environ 10 fois la distance Terre-Lune. “Nous surveillons cet astéroïde depuis 14 ans et nous sommes capables de calculer très précisément sa trajectoire”, explique Paul Chodas, manager du Centre d’étude des objets proches de la terre de la Nasa en Californie. “Nos calculs montrent qu’il n’y a aucun risque - zéro- qu’il percute la terre le 4 février ou dans les cent ans à venir.”
Parmi les astéroïdes susceptibles de s’approcher de la terre (NEO), selon les calculs de la Nasa, ce sont les astéroïdes de plus de 140 mètres de diamètres qui causent le plus de préoccupations et qui doivent être au centre des efforts de détection. Il y a en aurait 25 000, dont 934 de plus d’un kilomètre. Mais 8000 seulement ont été trouvés à ce stade. Compléter ce catalogue éliminerait, pour la population humaine, 99% des risques liés à un astéroïde non détecté avant impact, selon l’agence américaine.
Les risques d'impact et les dégâts potentiels
Chaque jour, cent tonnes de matière spatiale, dont des petits fragments d’astéroïde (météorite) tombent sur terre. Un astéroïde jusqu’à 25 mètres brûlera dans l’atmosphère. Les plus grands peuvent causer de gros dégâts (effet de souffle, tsunami, rayonnement thermique…). En dessous de 100 mètres (une fois par siècle, selon la statistique), il peut déjà détruire une ville. A plus d’1 km, il peut avoir un effet sur la planète entière (plaques qui bougent…). Fréquence : tous les 500 000 ans. Un astéroïde de 100 à 200 km annihilerait lui toute vie.
Pistage, projectile géant, "tracteur"... Les plans de la Nasa pour nous défendre d'une collision avec un astéroïde
Défense planétaire” ou, en version originale, “planetary defense”. Ce n’est pas le titre d’un film au scénario catastrophe “made in Hollywood”, mais le nom très scientifique qu’a donné la Nasa, l’agence spatiale américaine, à la discipline qui cherche à pister les astéroïdes, alerter de leurs dangers, et éviter ou atténuer ceux-ci. Les astéroïdes font partie “de ces choses à propos desquelles les gens commencent à réfléchir de plus en plus”, assure Timothy Tawney, représentant de la Nasa en Europe, qui a rencontré “La Libre” lors de son passage à Bruxelles. “Nous avons par exemple le Minor Planet Center à Harvard, subventionné par la Nasa, qui travaille avec des télescopes sur toute la planète, pour suivre et surveiller ces astéroïdes ou potentielles collisions. Ils cataloguent certains astéroïdes comme pouvant poser un danger ; ils doivent frôler la terre à moins de quelques millions de ‘miles’(1,6 km). S’il y avait une réelle collision qui a été prédite, tout le monde le saurait très vite”, sourit-il.
Une série d’organisations internationales ont aussi été mises sur pied pour étudier et améliorer l’analyse et la compréhension de ces phénomènes. A l’instar de l’International Asteroid Warning Network (IAWN), qui étudie et caractérise les astéroïdes. Mais si le taux de repérage s’est amélioré ces 15 dernières années, il en reste encore beaucoup à trouver, selon un récent rapport de la Nasa.

Deux scénarios attrayants “On réfléchit aussi à des scénarios d’atténuation : s’il y a un astéroïde sur une trajectoire de collision (avec la Terre), que fait-on ?” Et que pourrait-on bien faire, justement ? “Il y a différents options sur la table”, détaille le représentant de la Nasa. Malheureusement, beaucoup sont des théories, et justement, les missions à venir doivent prouver quels sont les moyens qui fonctionnent le mieux.”
Pour la Nasa, deux techniques en particulier semblent attrayantes. La première est le "tracteur gravitationnel" : “Si vous avez un long moment - disons dix ans- le moyen le plus facile, c’est de mettre un satellite (NdlR : objet en orbite, au sens large) , à proximité de l’astéroïde, et la gravité de chacun va lentement, tire l’astéroïde sur une trajectoire différente.”précise Timothy Tawney.

Une autre possibilité est d’impacter l’astéroïde avec un “impacteur cinétique”, pour forcer l’astéroïde, à nouveau, à changer sa trajectoire. “Là, cela va dépendre de beaucoup de choses, dont la taille de l’astéroïde, de quoi il est composé... Ce sont d’ailleurs des éléments que nous essayons d’apprendre, autant qu’on peut, au sujet de tous les astéroïdes qui pourraient poser un risque. Car la composition d’un astéroïde dicte lequel de ces scénarios peut marcher. Par exemple, pour les astéroïdes qui sont des petites roches agrégées, un impacteur pourrait ne pas marcher, parce que cela pourrait créer d’autres astéroïdes plus petits... Ou, si c’est un astéroïde métallique dur, l’impacteur n’aurait aucun effet. Car l’impacteur serait lui-même en métal ; il serait comme un gros projectile, une grosse balle de fusil, d’une certaine façon...”

Pour cette raison, la Nasa cherche à comprendre quels sont les différents types d’astéroïdes. Elle prépare ainsi pour 2022 la mission “Psyche” qui visitera un astéroïde métallique, “pour mieux comprendre sa composition”, explique M. Tawney. D’autres idées sont évoquées : “Nous avons aussi cette mission dont nous avons parlé de temps à autre avec les Européens, Aïda. L’idée est d’aller sur un astéroïde “binaire” (NdlR : deux astéroïdes orbitant autour d’un centre commun) , et nous impacterions un des astéroïdes, en envoyant en même temps, un engin spatial, pour observer ce qui se passe - voir les changements d’orbite, la dynamique de l’astéroïde - et faire une ‘validation de concept’”.
Pas de panique... Pour cent ans Mais, à ce stade, cette mission n’est plus poursuivie, car le président a annulé le budget l’an dernier. “Mais potentiellement on pourrait le faire à une échelle plus réduite, peut-être juste l’étude robotique, de ce concept de “tracteur gravitationnel”, où vous enverriez un engin spatial sur un astéroïde, et retireriez un rocher de sa surface et vous éloigneriez ce rocher, avec un engin spatial et un bras robotique, du plus grand astéroïde, pour créer cette attraction gravitationnelle. Pour changer, lentement, l’orbite du grand astéroïde.”
Ces deux techniques de “tracteur gravitationnel” et “d’impacteur cinétique” sont “les plus prometteuses” qu'elle étudie, selon la Nasa. Qui prévient : non, un astéroïde, sur le chemin d’une collision avec la terre ne pourrait être “abattu” quelques heures ou minutes avant l’impact. “Aucun système d’armement connu n’en serait capable, vu la vitesse (20 km/s) moyenne d’un astéroïde”. Mais pas de panique : aucun astéroïde connu ne pose un risque significatif d’impact avec la terre sur les 100 prochaines années, selon la Nasa.