Le projet d’Eric Domb sera la "vitrine" de la forêt wallonne
Les 1.600 ha de forêt de Saint-Michel Freyr mêleront tourisme, développement de la biodiversité et recherche scientifique. Un accord a été signé entre la Région wallonne et la Fondation Pairi Daiza.
Publié le 19-06-2018 à 19h09 - Mis à jour le 19-06-2018 à 19h10
:focal(1432x963:1442x953)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/KPHVCLPDH5E3ZOX6TZBSSSVWOQ.jpg)
Les 1.600 ha de forêt de Saint-Michel Freyr mêleront tourisme, développement de la biodiversité et recherche scientifique. Un accord a été signé entre la Région wallonne et la Fondation Pairi Daiza. Pour la première fois, la Wallonie partagera la gestion d’une forêt avec une fondation d’intérêt public. Le patron de Pairi Daiza, Eric Domb, et le ministre wallon de la Nature, René Collin (CDH), ont signé samedi le contrat de gestion conclu entre la Wallonie et la Fondation Pairi Daiza pour l’expérimentation d’une gestion différenciée des 1 645 hectares de la forêt de Saint-Michel Freyr. La conclusion d’une véritable saga (lire ci-dessous).
"J’entends démontrer à travers ce projet expérimental qu’un partenariat entre le savoir-faire du Département de la nature et des forêts de Wallonie (DNF) et l’expertise d’un promoteur privé peut être favorable au renforcement de la biodiversité, à la recherche scientifique, et à l’attractivité touristique", justifie ainsi le ministre Collin. Le contrat approuvé jeudi par le gouvernement wallon et signé samedi en lisière de la forêt domaniale de Saint-Michel Freyr porte sur une durée de 20 ans, renouvelable à trois reprises, pour une durée potentielle de 80 ans.
"Le projet vise à atteindre le meilleur équilibre possible entre les besoins biologiques de la forêt et l’activité humaine, détaille Eric Domb. Notre principale motivation reste la préservation de la biodiversité. Pouvoir inscrire ce projet sur le long terme est essentiel dans la mesure où les cycles de la forêt sont longs."
Le but du projet, précise le plan de la Fondation, est de faire retrouver à la forêt une biodiversité "aujourd’hui parfois mise à mal" (papillons, libellules ou chauves-souris…) et ce, "par une gestion plus douce, plus respectueuse des rythmes de la Nature mais s’inscrivant toujours dans le cadre du Code forestier".
Chasse "douce"
Concrètement, le projet comprend trois phases : l’élaboration d’un Master Plan sous l’égide du DNF ainsi que d’une équipe de scientifiques constituée par la Fondation Pairi Daiza (2 ans), les réglages nécessaires (5 ans), et puis l’expérimentation.
Le contrat de gestion prévoit aussi plusieurs balises, dont le maintien du régime forestier, de la circulation en forêt et des activités cynégétiques, la renaturation de la forêt, ainsi que l’intégration aux politiques de développement territorial et touristique. Ainsi, la chasse menée dans le Domaine de Saint-Michel Freyr devra rester - comme elle l’est déjà aujourd’hui - axée sur des méthodes "douces", sur le mode de chasse dit "de poussée silencieuse", moins dérangeant pour les animaux (une ligne de marcheurs se déplace en silence, des chasseurs se posent à des points de passage et exercent un tir "sélectif").
"Tourisme diffus" et webcams
Région et Fondation misent également sur un "tourisme diffus". Aucun chiffre limite de fréquentation ne sera imposé, nous disait le ministre Collin, lorsqu’il a sélectionné le projet mais il ne veut "pas de rassemblement de masse", plutôt "un tourisme durable". Un des objectifs est en effet de sensibiliser les citoyens à la question de la sauvegarde des forêts. "Située à 1 h 30 de Bruxelles et du cœur de l’Europe, la forêt de Saint-Michel Freyr doit devenir une vitrine pour conscientiser tout un chacun à la fragilité de nos écosystèmes", précise la Fondation. Le "tourisme diffus" évoqué pourrait prendre la forme d’un partage du domaine en différentes zones, certaines étant accessibles au public, d’autres au public accompagné de guides, d’autres encore interdites d’accès. Mais le souhait est également de "faire venir la forêt auprès des citoyens", par exemple en disposant des webcams permettant à chacun, où qu’il soit, d’observer le Domaine.
Toujours du côté économique, le contrat de gestion prévoit explicitement la valorisation locale et durable des produits forestiers. Sera ainsi privilégiée la vente en circuit court du bois produit dans le Domaine de Saint-Michel Freyr et il en sera fait du bois d’œuvre (bois de construction), à forte valeur ajoutée.
Eric Domb a cependant longuement insisté, lors de la présentation du contrat de gestion, sur l’aspect désintéressé de la démarche, comme le prévoyait l’appel d’offres initial. "Nous n’attendons aucun retour sur investissement. Je suis un humble mais enthousiaste amateur de forêt dont le travail consiste à rassembler des scientifiques autour d’un projet."
En effet, la forêt de Saint-Michel Freyr doit aussi constituer un laboratoire à ciel ouvert pour les universités wallonnes, qui y mèneront des études. Au cœur de leurs recherches, notamment : l’impact du réchauffement climatique sur l’état de nos forêts et leurs facultés à s’y adapter.
La saga Nassonia
Appel à projets. Cette convention signée ce week-end entre la Région wallonne et la fondation Pairi Daiza fait suite à l’abandon, en avril 2017, du projet Nassonia qu’Eric Domb souhaitait depuis 2016 implémenter sur la commune de Nassogne. Cet abandon a été causé par l’adoption par les autorités communales d’un cahier des charges visant la location de plusieurs lots de chasse. La Région wallonne avait réagi par le lancement d’un appel à projets visant à développer un mode de gestion différencié sur Saint-Michel Freyr, propriété de la Région et site Natura 2000 sélectionné sur base d’une étude universitaire commandée par le ministre René Collin. Deux candidats s’étaient manifestés, dont la fondation d’Eric Domb. La seconde candidature, présentée par un particulier, Sébastien Herman, employé au DNF, n’avait pas été jugée recevable.
Chasse royale. Le domaine est riche d’une longe histoire. Depuis 1846, les souverains belges avaient reçu le droit de l’Etat, propriétaire, de chasser dans cette "forêt domaniale". Même chose pour le territoire de la Forêt de Soignes et de l’Hertogenwald. Mais en 1981, Baudouin a décidé de rétrocéder ses droits sur ces chasses de la Couronne, à trois conditions : gérer le grand gibier de façon exemplaire, développer la recherche scientifique sur le gibier, et avoir un objectif pédagogique envers le public. Depuis, la Région wallonne s’efforce de suivre ces préceptes royaux. Et c’est donc cette zone qu’elle a choisie pour son appel à projet, une "vitrine forestière" inspirée du projet Nassonia d’Eric Domb.