Climat: les raisons de la mauvaise volonté de la Belgique
La Belgique s’affiche de plus en plus à la traîne dans la lutte contre le réchauffement climatique. Fédéral et Régions se renvoient la balle. Le Plan national Énergie-Climat s’annonce d’ores et déjà insuffisant.
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Publié le 06-12-2018 à 09h08 - Mis à jour le 06-12-2018 à 09h10
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La Belgique s’affiche de plus en plus à la traîne dans la lutte contre le réchauffement climatique. Fédéral et Régions se renvoient la balle. Le Plan national Énergie-Climat s’annonce d’ores et déjà insuffisant. Si elle ne fait pas bon genre, la mauvaise volonté manifestée par la Belgique lors du vote européen sur les ambitions en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, ce mardi, n’est pas vraiment une surprise. Les positions de notre pays étaient connues depuis plusieurs mois, mais le vote intervenu deux jours après le succès phénoménal rencontré par la “Marche pour le climat” est venu les éclairer sous un autre jour. Les ambiguïtés et les tergiversations dans le dossier climatique sont un grand classique dont le prochain chapitre est à coup sûr l’adoption du Plan national énergie-climat attendue d’ici la fin de ce mois.
1. Le cadre européen
Avec son paquet Énergie-Climat 2030, l’UE s’est fixé un triple objectif d’ici la fin de la prochaine décennie : réduire globalement ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % ; porter la part des énergies renouvelables à 32 % et améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 32,5 %.
Des ambitions qui s’inscrivent dans le cadre de l’accord de Paris, mais que l’on sait d’ores et déjà insuffisantes si, suivant l’engagement commun endossé dans la capitale française en 2015 et les récentes recommandations du Giec, l’Europe veut s’inscrire sur une trajectoire permettant d’atteindre le “zéro carbone” en 2050. Le Parlement européen s’est ainsi positionné pour que l’Union endosse une cible de -55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Une volonté également affichée par plusieurs États membres (dont les Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne), mais pas la Belgique.
2. Un Plan national énergie-climat (PNEC)
Pour concrétiser ce joli programme. Chaque État membre va devoir faire sa part, c’est ce que les experts appellent le “partage de la charge”.
Chaque pays doit démontrer de façon détaillée à la Commission européenne comment il va réaliser des objectifs nationaux qui doivent permettre de concrétiser les objectifs communs du paquet 2030.
Une première version de ce PNEC doit être rentrée auprès de l’exécutif européen pour le 31 décembre de cette année. Elle fera l’objet d’une évaluation puis, le cas échéant, d’une demande de révision si les engagements avancés sont jugés insuffisants. La version finale doit être bouclée pour la fin 2019.
Au niveau belge, le processus n’est pas vraiment en avance... Le PNEC est désormais au niveau ministériel. Il devrait être approuvé par les différentes entités régionales et fédérale durant la semaine du 13 décembre et en comité de concertation le 19.
3. Que contient-il ?
En fait de “Plan national”, ce document extrêmement technique d’une centaine de pages (où l’on passe du néerlandais au français, avec ici et là un peu d’anglais) n’est qu’une compilation des propositions avancées par chacun des acteurs. Pour la Belgique, la barre de réduction des émissions de gaz à effet de serre est fixée à 35 % de façon globale et contraignante (pour le secteur des transports, de l’agriculture et du logement ; les industries étant déjà soumises à des quotas CO2 dans le cadre du marché carbone européen). Un objectif formellement avalisé par les trois Régions et le fédéral, malgré les réticences de la N-VA. Les contributions en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, par contre, sont formulées sur base volontaire par chacune des parties.
4. Pourquoi cela s’annonce-t-il à nouveau compliqué ?
“On n’en fait pas assez”, résume un observateur au fait du dossier qui s’attend à ce que le PNEC belge soit renvoyé en seconde session par l’Europe. “Quand on compile les contributions des trois Régions et du fédéral, on n’atteint pas un objectif suffisant en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.”
En matière d’énergies vertes, notamment, la Belgique devrait atteindre un objectif indicatif estimé de 21 à 24 %, selon les sources. Or, en additionnant les propositions contenues dans le PNEC, on arrive en moyenne à 18,4 %. La contribution wallonne serait de 23 %, celle de la Flandre de 13 % ; le complément venant de l’éolien offshore qui dépend du fédéral. Sur l’efficacité énergétique, toutes les parties affichent des réticences. On peut donc redouter une nouvelle bagarre.
Si la ministre Marghem (MR) a pointé la responsabilité des Régions dans ce manque d’ambitions, cette dernière est largement mise en cause par plusieurs de nos interlocuteurs. “Elle est censée être un moteur qui impulse une dynamique dans ces discussions, or cela n’a absolument pas été le cas. Elle s’est rendu compte qu’elle était complètement en retard sur ce dossier. La contribution fédérale vient seulement d’arriver alors que les Régions ont déposé leurs plans respectifs depuis juillet. Et donc, on court pour le boucler. Les prémices de tout cela apparaissaient déjà dans son ‘Pacte énergétique’ qui reste extrêmement creux et flou”, glisse l’un. De son côté, la ministre bruxelloise, Céline Fremault (CDH), souligne que Bruxelles récupérera le pilotage de ce dossier début 2019 et qu’elle entend bien s’atteler “rapidement à faire aboutir ce partage de la charge”.
L’attitude de la N-VA est également épinglée. Cette dernière ne cache pas qu’elle juge les énergies renouvelables trop coûteuses et sa préférence pour le nucléaire. De même, les efforts en matière d’efficacité énergétique sont jugés “inatteignables” à un coût raisonnable. Vu le manque de leadership du cabinet Marghem, c’est le négociateur flamand qui mène la danse, avance notre expert, soulignant que les nationalistes jouent également “un double jeu communautaire cynique dans ce dossier. Il est clair qu’il y a une volonté de paralyser l’État et de montrer que la Belgique ne fonctionne pas”.
“Tout le monde se renvoie la patate chaude”, note un autre expert, qui relève pourtant que lors du vote de mardi “tous les acteurs belges ont accepté de s’opposer à la directive sur l’efficacité énergétique, sinon notre pays se serait simplement abstenu...”
Mercredi, le ministre wallon de l’Énergie et du Climat, Jean-Luc Crucke, a déclaré que Charles Michel défendrait “une position climatique belge très ambitieuse au niveau fédéral” et que notre pays rejoindrait le groupe des pays les plus volontaires lors de la Cop 24 à Katowice. On lui souhaite bonne chance.