"Le peuple va finir par se mettre en colère", "il faut refédéraliser l'environnement": les citoyens ont manifesté en masse pour le climat (REPORTAGE)
Publié le 27-01-2019 à 20h56 - Mis à jour le 28-01-2019 à 09h54
Plus de 70 000 personnes ont défilé ce dimanche dans les rues de Bruxelles. Un nouveau succès pour l’association Rise for Climate à l’initiative de cette manifestation.
"Il n’y a pas de planète B", "Réchauffons les cœurs, pas le climat", "Quand c’est fondu, c’est foutu". Les quelque 70 000 participants à cette quatrième marche pour le climat organisée par l’association Rise for Climate ont encore une fois fait preuve d’imagination dans l’élaboration de pancartes et slogans, colorant les rues de Bruxelles ce dimanche 27 janvier. Venus en masse malgré un temps pluvieux, les Belges ont fait entendre leur voix pour réclamer une politique climatique plus forte.
Le point de rendez-vous fixé à la gare du Nord est pris d’assaut dès 13 h par les manifestants venus des quatre coins de la Belgique. Les trains, bus, trams et métros affichent complets, malgré une offre supplémentaire prévue pour l’occasion. À la sortie de la gare, c’est la cohue. Les uns essaient de retrouver leurs compagnons du jour, les autres entament directement la marche et rejoignent le cortège.
Petits et grands ont répondu présents
Toutes les catégories d’âge ont répondu à l’appel lancé par Rise for Climate. De nombreuses familles se faufilent entre les parapluies, des seniors discutent calmement avec un groupe de jeunes avant de se mettre en route. L’ambiance est bon enfant et le restera tout au long de la journée. Les manifestants marchent, chantent et scandent des slogans. Aucun débordement n’est à déplorer. Du moins, du côté de la manifestation. Un groupe de "gilets jaunes" bloque des automobilistes non loin de là, devant l’ambassade américaine, mais la police intervient très rapidement. Hormis ce petit accrochage, la marche suit son cours sans incident.
Se dirigeant vers la place du Luxembourg et le Parlement européen, les participants déambulent près d’une heure et demie sous la pluie, dans le froid du mois de janvier. "Cela ne nous arrêtera pas", s’écrie un groupe de jeunes filles. À un point tel qu’arrivées à hauteur d’un échafaudage plusieurs d’entre elles escaladent l’installation pour augmenter leurs chances d’être entendues.
Les visages sont ravis, une fois arrivés au Parlement européen. Soulagés de voir se terminer ce long périple ou satisfaits de la mobilisation de ce jour, les manifestants commencent tout doucement à reprendre le chemin de la maison. "J’ai eu mon compte", ironise un retraité.
"Ne pas croire aux scénarios d’apocalypse"
De nombreux partis politiques ont également fait le déplacement. Les verts et les socialistes notamment se sont rendus dans les rues de la capitale ce dimanche. Mais si certains partis ont vu d’un œil favorable cette nouvelle mobilisation pour le climat, ce n’est pas le cas des nationalistes flamands. Leur président, Bart De Wever, s’est exprimé ce samedi soir au sujet de la manifestation de jeudi, réunissant pas moins de 35 000 élèves dans les rues de Bruxelles. "Les jeunes ne doivent pas croire aux scénarios d’apocalypse, ni aux prédictions de malheurs qui exigent que l’humanité fasse des changements irréalistes", a ainsi rétorqué De Wever au micro de la VRT. Pas sûr que ce message ait particulièrement rassuré les marcheurs qui, dès le lendemain, ont arpenté les rues de Bruxelles.
Réclamant une "loi climat qui soit juste, ambitieuse et contraignante", les manifestants ont dit, ce dimanche, l’espoir de voir les choses changer et les politiques œuvrer pour la planète. Si cela n’a pour le moment pas encore réellement débouché sur de grands changements, ce nouveau succès pour la marche pour le climat envoie un message fort qu’il sera difficile de ne pas entendre.

Les témoignages de participants à la manifestation :
"Le peuple va finir par se mettre en colère"
Déjà présents, à la marche du 2 décembre dernier, Cécile et Elias n’ont constaté aucun changement à la suite de la mobilisation historique. "On n’a pas été entendu, regrette Cécile, mais on garde espoir, c’est pour ça que nous avons décidé de revenir ce dimanche."
Pour les deux jeunes, il est primordial que les choses changent. "Certains essaient de faire croire que c’est nous le problème, mais nous, on fait ce que l’on peut, c’est aux politiques à bouger maintenant, explique Elias. Si rien est fait, le peuple va finir par se mettre en colère."
Mais Cécile et Elias ne se font pas d’illusion, même si la marche a connu encore une fois une forte affluence. Cela ne signifie pas pour autant, selon eux, que les nombreuses voix présentes en ce jour seront entendues.

"Quatre ministres c'est trop. Il faut refédéraliser l'environnement"
Il faut être ambitieux, estime Thibaut agitant un drapeau tricolore, il est temps que la Belgique soit de nouveau un exemple." Pour ce jeune employé, notre pays a déjà montré qu’il pouvait être pionnier dans bien des domaines. "Il est temps que ce soit le cas pour l’écologie aussi", continue Thibaut.
Pour le jeune homme, le problème vient essentiellement de l’organisation politique. "Il y a quatre ministres chargés de l’environnement et ça ne fonctionne pas, regrette Thibaut, il faudrait refédéraliser cette matière et qu’un seul ministre en soit responsable."
Si ce dernier a adapté son mode de vie comme un bon nombre de citoyens, il reste conscient que cela n’est pas suffisant. "Nous trions, nous recyclons, mais si l’on veut réellement sauver la planète, il faut un véritable plan d’action, il faut que le premier ministre se bouge", affirme le jeune homme avec fermeté.

"Et nos enfants ? Qui va se préoccuper d’eux si nous ne le faisons pas dès aujourd’hui ?"
Son fils endormi dans sa poussette n’a pas l’air préoccupé, loin de là… Lien pourtant s’inquiète énormément pour ses enfants. "Quel avenir pour nos enfants ? Qui va s’occuper de la planète que nous leur léguerons si nous ne prenons pas les choses en main dès aujourd’hui ?", s’interroge la jeune femme.
Accompagnée de sa maman, Lien n’en est pas à sa première marche pour le climat. "Je suis heureuse de voir que de plus en plus de gens se mobilisent, s’enthousiasme la jeune femme. La question climatique est très importante et nous concerne tous. Que des milliers de personnes défilent comme ça dans les rues de Bruxelles pour l’environnement montre qu’il y a une prise de conscience collective qui était plus qu’indispensable."

"Les citoyens ne peuvent pas tout faire !"
Accompagnés de leurs deux filles, ces jeunes parents ont rejoint le mouvement ce dimanche. "Nous n’avions pas pu venir le 2 décembre, regrette Lise, mais cette fois, nous ne voulions pas manquer ça. Tout d’abord, pour montrer notre mécontentement, ensuite pour montrer notre soutien et notre sympathie aux élèves qui ont eux-mêmes manifesté ces derniers jours."
Le couple a depuis longtemps adopté des réflexes écologiques. "Nous voulons montrer l’exemple à nos enfants, nous allons au travail à vélo par exemple, raconte Jeroen. Mais ces petits gestes du quotidien doivent trouver un écho gouvernemental."
Pour sa compagne également, il y a un décalage bien trop grand entre les souhaits des citoyens et la politique du gouvernement. "Certes, il faut sensibiliser la population pour que cette dernière agisse, mais c’est aux responsables politiques à adopter finalement des mesures pour l’écologie, estime Lise. On essaie de convaincre les gens par exemple de ne pas prendre leur voiture pour se déplacer, mais rien est fait pour leur faciliter la tâche, notamment en termes de pistes cyclables."

"On ne se préoccupe que du court terme ! Il est plus que temps de penser à l’avenir"
Ce pensionné à la main verte ne voulait certainement pas rater cette nouvelle marche pour le climat. Déjà présent au mois de décembre, François voit du changement et une réelle évolution dans les mentalités. Malgré le froid de janvier, le retraité a décidé de revenir battre le pavé pour encourager le mouvement.
"Cela me paraissait primordial de revenir et je pense que beaucoup se sont dit la même chose, d’où ce nouveau succès pour la manifestation, se réjouit François. On ne s’est jusqu’à présent que préoccupé du court terme, il est plus que temps de penser sur le long terme, de penser à l’avenir, à ce que l’on va laisser derrière nous."
