Le fermier meunier de Corioule
Depuis bientôt un an, Guillaume Fastré produit de la farine sur sa ferme, directement vendue à quelques boulangers et habitants de la région condruzienne.
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Publié le 13-02-2023 à 07h18 - Mis à jour le 13-02-2023 à 07h22
Installé à Assesse, dans le Condroz namurois, Guillaume Fastré nourrit une obsession : donner du sens à son métier d’agriculteur. Un objectif auquel il travaille chaque jour et qui l’a amené, depuis une dizaine d’années, à convertir progressivement l’exploitation familiale au bio et à vendre directement aux particuliers les colis de viande de bœuf et de poulet issus de son élevage. Il y a un an, il a franchi un pas supplémentaire en se lançant dans la production de farine made in “La Ferme de Corioule”. L’idée est venue petit à petit, explique-t-il, au fil des échanges organisés par le Groupe d’Action Locale (GAL) Tiges&Chavées, rejoint ensuite par son homologue de la région Condroz-Famenne. “Certains acteurs, dont des agriculteurs, manifestaient un intérêt pour la création d’une filière ‘Au cœur du pain’, de la semence à la farine. Cela répondait à différentes préoccupations comme la volonté de remettre en place plus de biodiversité végétale, celle de recréer des fours à pain communs ou encore les demandes de consommateurs qui voulaient savoir d’où vient la farine utilisée pour faire un pain local. C’est également parti du constat que les boulangers du coin ne trouvaient pas toujours une farine bio locale avec une qualité stable.”
Après une période de test durant laquelle Guillaume va expérimenter la transformation en farine des céréales panifiables qu’il cultive sur quelques parcelles et qu’il fait moudre à l’extérieur, il a choisi de se lancer en investissant 120 000 euros pour installer un petit moulin à meule de pierre dans sa ferme. Un peu moins d’un an après le démarrage, le bilan est plutôt positif.
Garder du travail à la ferme
“Sur les 120 hectares de la ferme, j’ai le potentiel pour produire 20 hectares de céréales panifiables. Le moulin a été dimensionné pour la ferme et ne tourne pas encore à son optimal mais, depuis le démarrage, j’ai déjà transformé environ 40 tonnes de céréales, ce qui correspond à l’équivalent de 10 ha. Je suis plutôt content”, détaille-t-il, soulignant que cet investissement a été réalisé dans une perspective de transition alimentaire sur le long terme.
Guillaume Fastré a ainsi la main sur l’ensemble du processus. “Je sème les semences que j’ai multipliées sur la ferme. C’est une variété de froment bio spécifique qui présente des caractéristiques de résistance aux maladies. Puis je m’occupe de l’entretien de la culture, de la récolte, du nettoyage du grain et de la transformation en farine que je conditionne en sacs de 25 kilos qui sont livrés aux boulangeries”, détaille-t-il.
En pratique, le grain récolté est stocké dans des conditions optimales de température et d’humidité, avant d’être envoyé petit à petit au moulin qui fonctionne deux jours par semaine pour répondre aux commandes. Guillaume fournit ainsi quatre à cinq boulangers de manière régulière et quatre à cinq autres de façon plus ponctuelle. L’idéal serait d’avoir huit clients boulangers fixes, comme celui avec lequel il travaille le plus, observe-t-il.
Et, même si les quantités restent anecdotiques, la bonne surprise est venue des particuliers qui souhaitent également se fournir en farine de Corioule. Une demande qui l’amène à envisager des conditionnements en plus petits volumes dans le futur.
Outre les échanges enrichissants avec les autres acteurs qui participent à la filière, la principale satisfaction de Guillaume est de voir sa ferme arriver à atteindre une certaine résilience et une certaine autonomie. “Le moulin me permet de garder du travail diversifié à la ferme toute l’année, plutôt que de devoir faire du travail d’entreprise agricole pour payer mon matériel. Cela montre aussi que l’on sait encore produire de l’alimentaire dans le Condroz pour la consommation locale plutôt que de produire le maximum de quintaux de froment pour nourrir des élevages de volailles ou faire du bioéthanol. On s’est lancé dans l’aventure dans le but que d’autres agriculteurs puissent investir l’esprit plus tranquille par la suite en se disant qu’il y a une demande”, conclut-il en souriant.