La difficile collecte de preuves pour les émissions d’oxyde d’azote
En ce qui concerne l’oxyde d’azote, impossible de prélever des échantillons de carburant, seul le contrôle documentaire est de rigueur.
Publié le 28-02-2023 à 16h55
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Comment prouver qu’un navire émet du NOx au-delà des limites autorisées quand celles-ci dépendent de plusieurs facteurs comme l’âge et le niveau de charge du moteur ? “La collecte de preuves d’une violation au NOx est un lourd fardeau qui incombe aux autorités portuaires compte tenu du règlement actuel” indiquent les auteurs d’un rapport du ministère danois de l’environnement.
Un fardeau qui n’est pratiquement pas mis en pratique : Entre 2016 et 2022, l’avion renifleur de l’institut royal des sciences naturelles a mesuré 73 navires en infractions pour les émissions de NOx. Parmi eux, sur les 17 navires ayant pour destination la Belgique, seuls 2 ont été inspectés par les autorités portuaires belges. Sur les 56 autres qui allaient vers un autre port européen, un seul a fait l’objet d’une inspection.
La Belgique n’est pas dans l’illégalité. Il n’existe actuellement aucune directive européenne limitant les émissions de NOx, comme c’est le cas pour le soufre, ou imposant des mesures de suivi et de contrôle pour les autorités portuaires.
Deux méthodes existent
Les émissions d’oxyde d’azote d’un navire peuvent être évaluées de deux façons : en les mesurant en temps réel, ou en testant le moteur au préalable en laboratoire. Mais l’OMI n’exige pas, actuellement, qu’un système de surveillance des émissions en temps réel soit installé à bord.
Interrogé lors de notre reportage à bord de l’Obéron, Bart Heydbroek reconnaît que “Les législations parfois vont trop vite. La façon de les mettre en place n’a pas suivi. C’est le point délicat que vous avez touché. Il n’y a pas vraiment de système protocolaire pour tester à quel point les émissions de Nox sont respectées”. Seul le bon fonctionnement du moteur est donc évalué par les autorités portuaires. Comment ? En contrôlant le certificat de validité délivré en laboratoire.
Examens plus approfondis facultatifs
Au-delà de ces contrôles documentaires, le Code Technique de NOx de 2008 de la Convention Marpol prévoit toutefois la possibilité d’effectuer des examens plus approfondis à bord, afin de déterminer facilement si un moteur est toujours conforme à la réglementation ou non. Notamment, lorsque les contrôleurs ont des “motifs évidents” de mener une inspection plus poussée, comme l’indiquent des lignes directrices développées par le Paris MoU.
Le Code Technique de NOx de 2008 stipule effectivement que “les procédures de vérification à bord ne doivent pas être lourdes au point de retarder indûment le navire ou d’exiger une connaissance approfondie des caractéristiques d’un moteur particulier ou des appareils de mesure spécialisés non disponibles à bord”.
Contacté par La Libre Belgique, Rajeev Jassal – capitaine de navire pour l’armateur saoudien Bahri et auteur d’un blog sur l’actualité du secteur – se veut quand même optimiste : “À l’avenir, nous verrons de plus en plus de navires qui disposeront d’une mesure directe des NOx. Ce sera notamment le cas des nouveaux navires exploités dans les zones ECA de niveau III. Toutes leurs données seront stockées sur ordinateur pour que les autorités extérieures puissent accéder à l’historique lors des inspections”. Mais il n’existe actuellement aucune réglementation ni procédure relative au stockage de ces données.
Cette évolution n’a rien d’anecdotique : la proportion de navires de niveau 3 (les plus récents, soumis à des normes plus strictes) survolés par l’avion renifleur et détectés en infraction est énorme. Même si les chiffres sont faibles, ils reflètent une réalité inquiétante : sur les 7 navires de niveau 3 que l’avion renifleur de l’institut royal des sciences naturelles a reniflé depuis 2021, trois d’entre eux étaient en infraction.