L’OMI est-elle consciente de cet effet d’aubaine ?
“Nous ne dirions pas que la référence à la date de pose de la quille du navire doit être considérée comme une échappatoire” répond-on du côté de l’institution.
Publié le 28-02-2023 à 16h51
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Le choix de la date de la quille n’est pas anodin, il est le fruit d’un long travail de lobbying de la part des armateurs, au sein de l’OMI notamment, en vue de préserver leurs intérêts financiers. Présent lors des négociations au sein de l’instance internationale, il y a plus de dix ans, Kåre Press-Kristensen de l’organisation Green Transition Denmark se remémore que “lorsque s’est posée la question de définir la date d’un navire, les armateurs ont essayé de réduire au maximum l’impact de la nouvelle réglementation. Pour cela ils ont posé leurs conditions : que les émissions de NOx ne soient drastiques que dans ces zones d’émissions contrôlées, et seulement pour les nouveaux navires”.
Quelle réponse de l’OMI ?
“Nous ne dirions pas que la référence à la date de pose de la quille du navire doit être considérée comme une échappatoire “estime la porte-parole de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), Natasha Brown. “Les parties étaient familières avec ce concept lorsqu’elles ont décidé des règlements. Il n’y a pas eu de propositions concrètes pour changer cela”.
Ce concept, justement, est défendu par l’OMI qui tente la comparaison avec la situation du transport routier. “Si vous regardez les normes Euro de l’UE, les exigences d’émissions ne sont pas basées sur le carburant mais sur les classes de moteur. Et ces exigences sont basées sur la date d’homologation du moteur, et non l’année de construction de la voiture. La référence à la date de “pose de la quille” peut être comprise de manière similaire” explique ainsi Natasha Brown.
Un coup classique
Pour le professeur en droit maritime à l’Université de Gand, Frank Maes, avoir réussi à faire entrer en vigueur la mesure la plus stricte après 2021 “est un classique typique de l’OMI”. Le directeur de l’Institut maritime ajoute “qu’ils justifient ce choix en faisant valoir la clause d’antériorité. Elle est parfois justifiée si une décision entraîne des modifications techniques et qu’il n’y a tout simplement pas assez de chantiers navals disponibles pour modifier toute la flotte du jour au lendemain. Mais avec l’OMI, la période de mise en conformité est parfois tellement longue qu’elle correspond à la durée de vie d’un navire”.
C’est le cas avec la réglementation en vigueur. “Choisir l’âge de la quille comme référence a été une manière de faire accepter les nouvelles réglementations aux armateurs. Le régulateur savait très bien que cette faille leur laisserait un délai avant de devoir s’y conformer” conclut une source qui préfère conserver l'anonymat.
Des discussions sont en cours pour évaluer si la Convention Marpol peut ou non être intégrée dans une future révision de la Directive européenne relative à la pollution causée par les navires.