Nettoyer l’air pour polluer la mer, la belle arnaque
La pollution atmosphérique en mer du Nord est peu et mal réglementée. La Belgique a inventé un outil révolutionnaire, l’avion renifleur, pour la détecter. Mais il reste sous-exploité, et les contrôles comme les sanctions restent faibles.
Publié le 20-03-2023 à 10h50 - Mis à jour le 06-04-2023 à 10h21
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En 2008, l’Organisation maritime internationale (OMI) a créé des “zones de contrôle des émissions”, imposant des limites en matière d’émissions d’oxyde de soufre (SOx) aux navires commerciaux. Plusieurs options se sont alors retrouvées sur la table de l’industrie maritime pour s’adapter aux nouvelles règles, et limiter ses émissions.
D’abord et en toute logique : utiliser un nouveau type de carburant à très faible teneur en soufre (moins de 0,10 %). Les armateurs y ont eu recours dans un premier temps, grâce à des prix très faibles en raison, notamment de la crise du coronavirus. Mais dès que les prix de ce carburant “propre” se sont envolés, ils se sont tournés vers une solution plus rentable : l’usage d’un épurateur.
Totalement et curieusement légal, cet appareil permet aux navires de consommer du carburant lourd, tout en filtrant ses rejets atmosphériques en soufre pour les “nettoyer”. En soi, le système fonctionne : une majorité de navires affiche des résultats en conformité avec la nouvelle réglementation. Mais l’eau utilisée lors de ce processus est ensuite rejetée en mer dans la très grande majorité des cas (80 % des cas si l’on se réfère aux chiffres de l’Union européenne). Acide, chargée en zinc, en cuivre et en nickel, elle a un impact environnemental non négligeable.
Trente pour cent de la flotte mondiale équipée
Or, le nombre de navires équipés d’épurateurs a été multiplié par six entre 2018 et 2022. On estime que 30 % de la flotte commerciale mondiale possède un tel équipement et la Banque européenne d’investissements, elle-même, a investi des centaines de millions d’euros dans le déploiement de ce système prétendument “vert”. Bien que certains États, dont la Belgique, limitent désormais les décharges des eaux de lavage près de leurs côtes, l’inadéquation de cette technique illustre le manque total de cohérence et d’ambition des différents acteurs face aux enjeux écologiques, climatiques et économiques.

Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Fonds pour le journalisme.