Comment les armateurs du monde entier se jouent (très simplement) des mesures anti-pollution
La pollution atmosphérique en mer du Nord est peu et mal réglementée. La Belgique a inventé un outil révolutionnaire, l’avion renifleur, pour la détecter. Mais il reste sous-exploité, et les contrôles comme les sanctions restent faibles.
Publié le 21-03-2023 à 08h53 - Mis à jour le 06-04-2023 à 10h21
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En 2008, l’Organisation maritime internationale (OMI) a créé des “zones de contrôle des émissions”, imposant des limites en matière d’émissions d’oxyde d’azote (NOx) aux navires commerciaux. Elle a ensuite défini quatre catégories – de la moins à la plus restrictive – sur base de l’âge desdits navires.
Cet âge est défini en fonction de la date de pose de la quille, soit la partie inférieure de la coque. Les bateaux dont la quille a été posée après 2021 sont soumis aux règles les plus restrictives. Deux ans après l’introduction de cette zone de restriction (NECA) en mer du Nord, le taux de conformité des navires était de 95,7 %, selon les relevés de l’avion renifleur. Mais ces chiffres masquent, ici aussi, une réalité moins glorieuse.
Pour échapper aux limitations les plus restrictives, de nombreux armateurs ont mis en chantier leurs bateaux… avant la date butoir. Un pic de pose de quilles a donc été enregistré en 2020. Pour l’ONG Green Transition Denmark, “Il faudra attendre presque trois décennies avant que la réglementation sur le NOx s’applique à tous les navires”. Selon nos analyses, en 2021 et 2022, seuls 0,37 % des navires contrôlés dans les ports étaient en effet soumis au niveau le plus restrictif en matière d’émissions de NOx.
L’OMI et le lobbying des armateurs
Interrogée sur le sujet, l’OMI répond que “la référence à la date de pose de la quille du navire ne doit pas être considérée comme une échappatoire” sans fournir d’autres éléments. Dans les faits, pourtant, l’industrie maritime a largement profité des largesses de la réglementation sur le NOx pour retarder sa mise en application et économiser des dizaines de millions de dollars. Selon le média spécialisé TradeWinds, “les nouvelles constructions pré-2021 permettraient de faire des économies de 1 à 1,5 million de dollars, selon les types de navires commandés, par rapport à un navire construit après 2021”.

Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Fonds pour le journalisme.