Les mouvements de jeunesse veulent diviser par trois le nombre de sacs-poubelles durant leurs camps: "On sentait qu’il y avait un besoin"
Diviser par trois le nombre de sacs-poubelles produits lors d’un camp des mouvements de jeunesse ? C’est possible et c’est l’ambition des sessions Camps zéro déchet organisées par Zero Waste Belgium et ses partenaires. Principal défi pour les animateurs : revoir les menus et la manière d’acheter les ingrédients.
Publié le 17-04-2023 à 06h37
Pas de grasse matinée en ce samedi de mars pour Sylvie Droulans. La papesse bruxelloise du zéro déchet et fondatrice du réseau ConsomAction était à Namur, au Mundo-N, face à une quinzaine d’animateurs de mouvements de jeunesse qui se sont engagés dans une formation visant à les outiller pour réduire leur production de déchets pendant le camp.
Parmi les armes fondamentales proposées par Sylvie Droulans lors de sa présentation : l’achat en vrac. “Le vrac, c’est la possibilité pour les responsables des camps d’acheter sans emballage les matières premières dont ils ont besoin pour cuisiner. Ça permet aussi d’acheter la juste quantité et d’éviter ainsi le gaspillage. Cette démarche demande d’être plus proactif, de prendre contact en amont avec le magasin de vrac qu’on va choisir, soit proche du camp, soit de l’unité et de prévoir bien à temps ses contenants, boîtes, bocaux, seaux à remplir au magasin. ”

Plusieurs journées de formation pour les animateurs
Romain, Lisa, Rémy, Louise, Manon, Ugo, Florine, Jules et les autres sont ici pour le moment phare de leur formation Camps Zéro Déchet, qui a commencé à la mi-février et se terminera fin avril. Ces sessions – totalement gratuites – sont organisées depuis 2018 par Zero Waste Belgium, une ASBL lancée par quelques citoyens motivés par le zéro déchet, en 2016, à une époque où le concept était encore émergent chez nous.
“Les camps zéro déchet sont nés suite à certaines rencontres, on sentait qu’il y avait un besoin”, précise Charlotte Deprez, chargée de ce projet chez Zero Waste Belgium. “En moyenne, grâce à cette formation, les camps parviennent à réduire leurs déchets de deux tiers. Sur un camp de dix jours avec 45 animés, on arrive à un sac et demi de déchets résiduels. Certains font moins, d’autres un peu plus. Il n’y a pas d’obligation de résultat. On propose des astuces, des solutions et chacun met en pratique ce qu’il peut, aussi parce que les réalités des camps peuvent être très différentes, en fonction du nombre d’animateurs et d’animés, si ça se passe en prairie ou dans un bâtiment en dur. ”
Avant cette journée à Mundo-N, les animateurs ont déjà suivi avec Charlotte Deprez une soirée de sensibilisation divulguant une série d’informations éclairantes sur nos déchets – quelques exemples : 18 500 tonnes de déchets sont produites chaque jour en Belgique, seulement 9 % du plastique produit depuis les années 50 a été recyclé ; notre poubelle se compose à 26 % d’emballages. Ils ont aussi bénéficié d’une session sur l’alimentation durable. Mais aujourd’hui, c’est à une journée entière qu’ils participent, en pur présentiel. Et ils ont du pain sur la planche car ce matin, ils doivent préparer, en vrai, le repas de midi, encadrés par Nicolas Bauwens et Renaud Jacqmotte, de Fristouille. C’est carrément un buffet qui est prévu.

Découvrir une autre manière de cuisiner, sans culpabiliser
Tablier autour de la taille, Nicolas et Renaud énumèrent les préparations que les animateurs doivent prendre en charge en petits groupes : sauce pita au chou-fleur, chili sin carne, dahl de lentilles corail, tartinades pois chiches/betteraves et poivrons/haricots blancs, oignons caramélisés, labneh aux herbes, riz cuit par absorption et gâteau courgette citron pour le dessert. Un menu sans viande donc.
“L’alimentation est le plus gros poste de déchets des camps, souligne Charlotte Deprez, et pour réduire ses poubelles, il faut travailler les menus. Parce que si les animateurs prévoient les menus habituels mais en achetant en vrac, avec de la viande à tous les repas, ils ne rentreront pas dans leur budget et ça ne fonctionnera pas. ”
“Manger moins de viande, ce n’est pas facile. Certains pensent qu’ils aiment trop la viande pour pouvoir s’en passer. C’est tellement ancré, dès le plus jeune âge, il faut faire sauter le verrou”, explique Nicolas Bauwens, qui a eu un blog dédié au barbecue avant de subir un électrochoc face au documentaire LoveMeatender sur l’élevage industriel et qui a rencontré Renaud en travaillant comme bénévole pour Rencontre des Continents. Ils y ont suivi tous deux des cours de “cuisine écologique et politique” avant d’animer eux-mêmes des ateliers. “Il faut faire goûter, parce que beaucoup n’ont jamais mangé comme ça. Ici ils découvrent une autre manière de cuisiner. ” “On propose des outils pour les camps, qu’ils peuvent moduler et appliquer un peu, beaucoup, passionnément, embraie Renaud Jacqmotte. L’important c’est de ne pas culpabiliser, sinon ce n’est pas constructif. Un pas à la fois. ”
Après avoir dégusté leur buffet végétarien – bluffant et succulent ! -, les animateurs débriefent avec enthousiasme. Un de leurs défis sera de transmettre leurs ambitions zéro déchet aux autres personnes impliquées dans le camp : reste du staff, cuistots, animés bien sûr, mais aussi leurs parents. Et tout est prévu : Isabelle Gengler, ex-prof d’histoire détachée pédagogique chez Empreinte, une ASBL d’éducation relative à l’environnement, est là pour coacher les participants en les initiant aux techniques de mobilisation, puisées notamment dans les stratégies de marketing. Au mur se multiplient les post-it remplis d’idées pour booster les troupes avant, pendant et après le camp. Rendez-vous cet été pour la fonte des poubelles.

”Jeter”, une expo pour remonter l’histoire des déchets
À son entrée dans l’exposition Jeter, installée pendant près d’un an à la Maison de l’histoire européenne, à un jet de pierre du Berlaymont, le visiteur est confronté à deux éléments ludiques mais effrayants : une installation qui amasse en couches et rassemble par catégories les vrais déchets du musée, récoltés entre février et décembre 2022, et un compteur qui affiche en direct la production mondiale de déchets en tonnes depuis l’ouverture de l’expo. Affolant ! “Et encore, on ne comptabilise ici que les déchets collectés par les municipalités, ce qui veut dire qu’en réalité, le chiffre est encore plus élevé”, précise Christine Dupont, conservatrice à la Maison de l’histoire européenne et commissaire de l’exposition.
Depuis le début de l’ère industrielle, la production globale de déchets a augmenté de manière exponentielle. En misant sur la couleur, l’interactivité, les anecdotes amusantes sans pour autant faire l’impasse sur les réalités terrifiantes qui se jouent au fond de nos poubelles, Jeter, fruit d’un partenariat entre neuf musées européens, retrace cette histoire. Vitrines parlantes et objets éloquents, vidéos de témoins hors du commun (écumeuse de berge à Londres, jeune trieur de déchets au Ghana…), œuvres d’art reflets de la société de consommation, publicités vintage qui en disent long et paroles d’experts montrent et racontent le passage d’une époque où plus ou moins rien ne se perdait (excréments des villes servant d’engrais dans les campagnes, chiffonniers omniprésents…) à celle du tout jetable. Dans son final, le périple pose l’inquiétante question de la pollution aux microplastiques et ouvre la perspective du zéro déchet. Est notamment exposé le petit bocal rassemblant un an de déchets de Marc Sautelet, qui a travaillé chez Zero Waste Belgium entre 2018 et 2022. La démonstration de la possibilité d’un changement de comportement.
On précisera encore que cette exposition est gratuite, y compris les visites guidées pour les groupes, et que Jeter constitue un complément idéal à une exposition concomitante sur le même sujet : Ordures, au Musée de la Vie Wallonne, à Liège.
Jeter – Histoire d’une crise contemporaine : jusqu’au 14 janvier 2024 à la Maison de l’histoire européenne à Bruxelles. historia-europa.ep.eu