"L’entreprise qui ne s’adaptera pas ne sera plus là demain"
Le climat n’est généralement pas encore au centre des discussions des conseils d’administration. Chapter Zero Brussels s’attache à outiller leurs membres pour qu’ils rendent les pratiques des entreprises plus durables. Un impératif climatique et... stratégique.
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Publié le 15-05-2023 à 07h49
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Il n'y a pas de place pour l'entreprise dans un monde où la vie humaine n'est plus possible". Ces mots résonnent comme une évidence. C'est Valentine Deprez, administratrice au sein de l'entreprise belge Greenyard, cotée en Bourse, qui les prononce. Il est de la responsabilité du monde de l'entreprise de prendre conscience des enjeux climatiques et d'agir pour en diminuer les effets, explique-t-elle en substance. "On n'a plus d'excuse ! L'inaction n'est pas une option", poursuit-elle.
Des lacunes alarmantes
"On a tendance à tous se renvoyer la balle… Pourtant tout le monde a une responsabilité : du citoyen aux entreprises", souligne Natacha Lippens. Justement, c'est à celles-ci que s'adresse Chapter Zero Brussels, ONG dont elle est présidente, et plus précisément aux administrateurs et administratrices de leurs conseils d'administration (CA). "Ils ont un rôle clé à jouer pour amener les entreprises à opérer leur transition vers des modèles réellement durables, qui prennent en compte la crise climatique", expose Natacha Lippens. Ils sont en effet garants de la direction stratégique et de la vision à long terme de l'entreprise, et ne peuvent dès lors faire fi des changements climatiques qui s'inscrivent eux-mêmes dans le temps long. "C'est aux CA de veiller à la résilience de l'entreprise, en tenant compte des risques et des opportunités, résume Natacha Lippens. Or, choisir de ne pas faire partie de la solution, de ne pas prendre en compte ces enjeux majeurs, constitue un risque pour une entreprise."
Malgré cela, le constat fait au niveau belge et mondial est "très alarmant", concède-t-elle. Selon différentes études, il existe au sein des CA, un réel "manque de compétences et de compréhension des enjeux climatiques". Or, "si on veut insuffler un changement, il faut outiller ces personnes, dont les leviers d'action sont importants, et les rendre 'climate competent'", poursuit-elle. C'est-à-dire leur faire prendre conscience de la situation, des enjeux et défis et, ce faisant, les rendre "acteurs de solutions".
Du côté de la solution
Sur l'impulsion du Forum économique mondial, des initiatives liées à la gouvernance climatique des entreprises ("Climate gouvernance initiative") ont vu le jour au niveau global, s'adressant aux administrateurs et administratrices des conseils d'administration. À ce jour, il existe quelque cinquante filiales (ou "chapitres") regroupant environ 100 000 membres. "Le Forum économique mondial impose une feuille de route que nous appliquons avec beaucoup de liberté", précise Natacha Lippens. Chapter Zero Brussels a choisi de concentrer ses activités sur la durabilité environnementale.
L'ONG organise ainsi des formations dédiées aux administrateurs tous secteurs confondus, par secteur ou d'un même CA, des webinaires, rencontres et débats, en veillant à asseoir les débats sur de fortes bases scientifiques. "Le produit phare, c'est le Directors'climate journey", précise Mme Lippens. Une formation de plusieurs mois qui brasse différentes thématiques - finance, droit, aspects scientifiques, constats de terrain, notamment. La formation est désormais organisée en partenariat avec la Vlerick Business School et en est à sa quatrième promotion.
Lors de cette formation ou ce "cheminement", il s'agit en outre pour les participants de constituer un réseau d'administrateurs et de spécialistes inscrits dans la même démarche. "Parfois isolés dans nos CA, on fait partie d'une communauté de personnes qui pratiquent et qui cherchent", se réjouit Valentine Deprez. Un contexte qui "favorise le partage d'expérience et d'expertise", ajoute Natacha Lippens. "C'est aussi une opportunité de prendre confiance en sa vision" et de ramener ce qui a été appris à la table des CA pour peser sur les décisions et orientations.
Revendiquant un ancrage fort dans la capitale européenne, Chapter Zero Brussels entend faciliter le dialogue entre les entreprises et l’Union européenne, sur sa politique climatique et les régulations et orientations prises par la Commission. Celles-ci ayant un impact considérable sur les pratiques professionnelles.
Des barrières à faire tomber
Si certaines entreprises opèrent l'essentiel virage environnemental avec enthousiasme, portées par la responsabilité sociétale qu'elles endossent, d'autres sont poussées dans le dos par les régulations, au rang desquelles la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière d'environnement et de droits de l'homme, dans le cadre d'une initiative de gouvernance d'entreprise durable. "Les régulations agissent comme un moteur d'action", confirme d'ailleurs Natacha Lippens.
Il n'empêche, certains freins subsistent encore. Quels sont-ils ? " C'est ce que nous allons chercher à déterminer grâce à un subside de la Fondation Roi Baudouin et en collaboration avec Profacts ", annonce Natacha Lippens. Une fois les constats posés, il s'agira de trouver des solutions pour dépasser ces barrières et toucher le plus grand nombre, jusqu'aux plus récalcitrants. Dans le même ordre d'idées, au-delà des grandes entreprises qui sont davantage outillées - ne fût-ce qu'en termes de ressources humaines - Chapter Zero Brussels ambitionne d'atteindre le "marché de masse", soit le dense réseau belge de PME.
"L'évolution, c'est l'adaptation aux changements. Comme biologiste, j'ose une comparaison darwinienne : A l'image de la théorie de l'évolution, l'entreprise qui ne s'adaptera pas au défi climatique ne sera plus là demain", conclut Natacha Lippens.
Rentrée dans le CA de Greenyard en tant que membre de la famille, Valentine Deprez s'est rapidement demandé quelle plus-value elle pouvait apporter à l'entreprise familiale. « J'avais une sensibilité pour les questions environnementales, sociétales et de gouvernance » encadrant la performance des entreprises ESG), raconte-t-elle. « Effrayée » par la situation climatique, elle propose d'endosser la casquette « durabilité » au sein du conseil d'administration et y pousse chacun de ses membres à la prise de responsabilité. « Cela a tout son sens puisque Greenyard est un fournisseur de fruits et légumes : une activité dépendante de la nature et soumise aux conséquences des changements climatiques », poursuit-elle. Or, « l'agriculture contribue au problème tout en étant un secteur d'avenir. Comment, dans ce contexte, être porteur de solutions ? »
Son approche s'est affinée ces derniers mois, notamment grâce à la formation « Directors climate journey », organisée par Chapter Zero Brussels. « Intégrer la durabilité dans l'entreprise, c'est pour moi un cheminement », commente-t-elle après ces quelques mois passés à échanger avec des experts et d'autres administrateurs sur le sujet. Un concept structure désormais sa vision, celui de la résilience, qu'elle traduit en une question : « Comment s'améliorer en étant présent dans le marché actuel tout en s'inscrivant dans celui de demain ? »
Pour le moment, le cheminement de Valentine Deprez a permis de faire émerger le sujet de manière plus approfondie dans les discussions du CA. Si « la mission de Greenyard a toujours été, via son offre, d'encourager les modes de vie plus sains et les chaînes d'approvisionnement alimentaires plus durables, « sur le plan opérationnel, il s'agit maintenant d'améliorer la collaboration entre le CA et l'entreprise » afin de « mieux accompagner les efforts du management ». Jusqu'à mener à une adaptation, un changement voire un bouleversement des comportements et des pratiques ? Le « grand défi », c'est la « cohérence du modèle » par rapport aux enjeux, répond-elle. A cet égard, « on se dirige indéniablement vers une mode de production, de consommation et de services plus durable », souligne Mme Deprez.
Être compétitif tout en améliorant ses pratiques
"J'avais une sensibilité pour les questions environnementales, sociétales et de gouvernance" encadrant la performance des entreprises (ESG), raconte Valentine Deprez. "Effrayée" par la situation climatique, elle propose d'endosser la casquette "durabilité" au sein du conseil d'administration et y pousse chacun de ses membres à la prise de responsabilité. "Cela a tout son sens puisque Greenyard est un fournisseur de fruits et légumes : une activité dépendante de la nature et soumise aux conséquences des changements climatiques", poursuit-elle. Or, "l'agriculture contribue au problème tout en étant un secteur d'avenir. Comment, dans ce contexte, être porteur de solutions ?"
La cohérence du modèle
Son approche s'est affinée ces derniers mois, notamment grâce à la formation "Directors climate journey", organisée par Chapter Zero Brussels. "Intégrer la durabilité dans l'entreprise, c'est pour moi un cheminement", commente-t-elle après ces quelques mois passés à échanger avec des experts et d'autres administrateurs sur le sujet.
Un concept structure désormais sa vision, celui de la résilience, qu'elle traduit en une question : "Comment s'améliorer en étant présent dans le marché actuel tout en s'inscrivant dans celui de demain ?"
Pour le moment, le cheminement de Valentine Deprez a permis de faire émerger le sujet de manière plus approfondie dans les discussions du CA. Si "la mission de Greenyard a toujours été, via son offre, d'encourager les modes de vie plus sains et les chaînes d'approvisionnement alimentaires plus durables, sur le plan opérationnel, il s'agit maintenant d'améliorer la collaboration entre le CA et l'entreprise" afin de "mieux accompagner les efforts du management". Jusqu'à mener à une adaptation, un changement voire un bouleversement des comportements et des pratiques ? Le "grand défi", c'est la "cohérence du modèle" par rapport aux enjeux, répond-elle. À cet égard, "on se dirige indéniablement vers une mode de production, de consommation et de services plus durable", souligne Mme Deprez.
Pour participer à l'enquête sur les freins qui empêchent d'inscrire l'entreprise dans la lutte contre le changement climatique ou sur les facteurs qui, au contraire, vous poussent à le faire, veillez cliquer sur le lien suivant : https://surveys.profactsresearch.com/wix/p637911914703.aspx?Source=13&link=5