Comment faire un bon café avec une cafetière italienne ?
D’apparence anodine, la préparation du café matinal est une véritable science. Et celle d’un bon café, de la physique de haut vol.
- Publié le 03-09-2023 à 18h24
- Mis à jour le 04-09-2023 à 07h10
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Saviez-vous que, dès potron-minet, on fait de la physique sans le savoir ? Prenez le “bête” café du matin. Il y a la méthode domestique, tout d’abord, qui consiste à verser l’aqua simplex mais calida (chaude) sur le grain moulu, c’est le fameux percolateur ou café filtre. Puis la version “pro” à l’opposé, à savoir la machine que l’on trouve dans les bars et qui fait monter les bars… de pression. Celle-ci pousse l’eau chaude à travers la mouture. Cette opération du bar se réalise à neuf bars, soit neuf fois la pression atmosphérique, celle qui se trouve au-dessus de notre tête.
Cette extraction à haute pression aura un effet bœuf : des liquides qui normalement ne se mélangent pas vont se mélanger ! C’est la fameuse émulsion des huiles du café avec l’eau de la machine, qui forme la non moins fameuse mousse du café !
Le génie Alfonso Bialetti
Jusqu’ici tout va bien, mais il existe encore une autre version de la machine à “caoua” que tous les amateurs avertis connaissent. Il s’agit de la Moka italienne popularisée par son esthétique unique et l’inventeur Alfonso Bialetti. L’inventeur a inventé en 1933 et depuis l’invention n’a pas bougé.
L’engin est composé de trois parties. L’eau, placée la partie réservoir inférieure, est transférée vers la partie supérieure à travers le panier filtre rempli de café. Une fois la machine sur le feu, on attend le sifflement caractéristique du miracle accompli. Trop souvent on pense que l’eau n’effectue sa remontée à travers le filtre que lorsqu’elle bout. Cette croyance qui relève de la fausse science. Des physiciens italiens se sont en effet amusés à placer des capteurs dans la cafetière et tous les orifices possibles. Ils ont ainsi pu constater que c’est bien de l’eau qui percole vers le haut de la cafetière et pas de la vapeur d’eau.
L’étude de ces camarades italiens va plus loin, et elle pourrait changer votre vie. Quand on parle de Bialetti, surgit immanquablement la question sur laquelle les Romains s’empoignèrent, les Perses se percèrent et les familles se déchirèrent : faut-il verser de l’eau chaude ou froide dans le réservoir ?
Les scientifiques ont constaté que la température moyenne de l’eau dans le bidule est environ 80 °C, alors que la bonne température d’extraction de l’expresso est plutôt de l’ordre de 90 °C. Ni une, ni deux donc : mettez de l’eau quasi bouillante dans le réservoir et votre café n’en sera que meilleur.
Un bras de fer entre Newton et Archimède
Si on fait un café grec, ou turc, ou bulgare pour encore corser l’histoire, là c’est une autre affaire. Le mélange n’est pas filtré et conserve des particules en suspension. Dans ce cas, on laisse reposer le jus de chaussette. Les grains de café sont alors soumis à la force de gravité de Newton à laquelle il faut soustraire Archimède et sa petite poussée, mais à la fin c’est Newton qui gagne. Au bout d’un certain temps, les résidus vont immanquablement se déposer au fond de la tasse.
Avec les moutures très fines des cafés bulgares (ou grecs ou turcs), une minute est nécessaire pour qu’ils se retrouvent au fond. Prenez garde de ne pas sucrer les fraises : si vous bougez la tasse, même un tout petit peu, c’est reparti pour un tour.
En vérité, c’est la même astuce qu’avec les pollens de l’atmosphère ou toute particule légère. Les pollens atteignent le sol très rapidement, mais le moindre souffle de vent les remet en suspension : ils peuvent alors accomplir des centaines de kilomètres. Les Marseillais le savent bien quand le sirocco apporte le sable du Sahara dans leur belle petite ville.
Quand est-on vraiment certain que 'tous' les grains ont bien sédimenté ? Magnifique question ! La réponse est jamais ! Ô grand jamais !…. Même si on attend un temps infini – ce qui est très long surtout vers la fin -, ils n’auront pas tous sédimenté. Ça vous en bouche un coin, pas vrai ?
Si la gravité n’attire pas les grains vers le bas, alors Newton s’est trompé et il peut remballer sa pomme. Que se passe-t-il donc avec la physique ? Ne tourne-t-elle pas rond ? L’astuce est qu’il existe un mouvement désordonné des petites particules qu’on appelle le mouvement brownien et qui ne disparaît jamais.
Des particules indisciplinées
Le monsieur Robert Brown en question observait en 1828 et au microscope des pollens en suspension dans l’eau. Il a constaté que les grains de pollen avaient des mouvements erratiques. Il faudra attendre le grand Albert, Einstein soi-même, pour avoir la clé du mystère. Nous sommes alors en 1905. La matière étant composée de molécules et d’atomes, ceux-ci bougent tout le temps sous le fait de l’agitation thermique. Le mouvement brownien est le résultat de cette indiscipline. Les molécules agitées projettent la particule de pollen ou de café tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. Le mouvement est totalement désordonné et imprédictible. Bref, au niveau microscopique ça bouge because l’agitation thermique, et les grains ne tombent jamais tous au fond de la tasse, même si la plupart y arrivent, bien sûr.
Comment faire alors ? Il faut créer une force supplémentaire dans le liquide. Celle-ci va attirer les particules vers le bas. Cette force doit battre le mouvement brownien. On peut faire cela facilement avec un tourbillon. Ce principe avait été émis encore une fois par Monsieur Albert. On crée un tourbillon dans le liquide : les particules vont ainsi se retrouver au fond du récipient, vers le centre. C’est un véritable paradoxe, car intuitivement on penserait que le tourbillon projette les particules vers le bord. Que nenni.
Ce principe du tourbillon est celui qu’on utilisera avec des feuilles de thé dans l’eau chaude, lorsqu’on a oublié le filtre. C’est aussi le principe des brasseurs qui amassent au centre de la cuve protéines et houblon. C’est la cuve whirlpool ou simplement whirlpool. Le whirlpool est un tourbillon ! Merci qui ? Merci Albert !